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La logique de guerre de Sharon

Shalomo Ben Ami, historien de son état et ancien ministre du cabinet Ehud Barak est un “producteur de sens”. Son analyse à propos de Arafat dans son ouvrage “Israël et son avenir” publié à grand renfort publicitaire pas la presse française prend, à la lum

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Pour Ben Ami, Ehud Barak aurait fait trop de concessions à Camp David et que la montée de Sharon serait ipso facto le résultat de l'intransigeance de Arafat qui est “incapable de décider” car handicapé par une série de traits saillants que l'historien israélien et l'ex ministre travailliste a esquissé dans un portrait accablant dont le principal est sa stature historique face à des choix douloureux à faire mais déterminants. Il est clair que Ben Amir suggérait implicitement que Arafat doit passer le relais ou à défaut être remplacé (manu militari ?).
La déclaration de Sharon après l'attentat contre les hauts lieux, de l'Autorité palestinienne accusant Arafat d'être “le plus grand obstacle à la paix et à la stabilité au Proche-Orient” se situe en droite ligne dans cette doxa qui devient de plus en plus une position stratégique pour le likoud qui tend à maximiser ses contreforts face aux travaillistes.
On se situe à ce propos dans le sens qui accrédite l'idée que la logique des actes du gouvernement Sharon face à l'Intifida et ses effets est celle de la guerre mais elle bute sur des conditions qui risquent de provoquer une crise en son sein.
Toutefois ladite logique veut se crédibiliser en affaiblissant à l'extrême Arafat pour que Sharon se trouve face aux extrémistes religieux du Hamas et justifier ainsi sa thèse de “la guerre au terrorisme” en se situant au diapason des positions américaines après le 11 septembre.
La dominante logique de guerre trouvait son origine certes dans l'échec des négociations entre Palestiniens et E. Barak. Au cœur du différend se trouvent toujours deux verrous : la question de Jérusalem et celle du droit des réfugiés palestiniens au retour.
Les propos de Sharon retrouvent cette logique lorsque le lundi 3 décembre il accusait les Palestiniens en ces termes “leur but est de nous conduire à un total désespoir et à la perte de l'idéal, qui nous anime : un peuple libre dans notre pays… et de Jérusalem, notre capitale éternelle et indivisible”.
La question du retour des réfugiés est une exigence palestinienne 111prétée par le likoud et les travaillistes eux-mêmes comme inadmissible car elle conduirait à ce que les juifs soient minoritaires chez eux donc à la hantise épidermique de l'anéantissement d'Israël. Celle de Jérusalem repose sur des convictions religieuses issues de la classique thèse du “massada” et de “la terre promise” ainsi que sur la symbolique des repères archéologiques religieux (Mur des lamentations et Mont du Temple).
La provocation de Sharon commencée sur l'esplanade de la Mosquée du Rocher… et la suite des événements confirmait sa montée en puissance aux élections et les travaillistes ayant rallié la coalition par réalisme se situaient entre le respect des idéaux de Sion et la tactique de mieux contrôler Sharon de l'intérieur. Peres reflète encore les bémols qui veulent tempérer les excès du général Sharon jusqu'à ce jour où sa position est contre un “effondrement” d'Arafat “qui reviendrait à provoquer la politique israélienne uniquement sur la force sans aucun espoir politique”.
La position de Peres vaut son pesant d'or dans la mesure où elle éclaire sur les convictions d'un personnage clé du parti travailliste et dont l'influence peut mener à provoquer la crise au sein du gouvernement Sharon. Le constat est qu'à l'intérieur de la démocratie israélienne, une dynamique est à l'œuvre qui va mettre à l'épreuve la solidité de la coalition à partir non seulement du conflit né du postulat de continuer à considérer l'Autorité palestinienne comme 111locuteur mais de l'issue même d'Oslo en tant que paradigme ayant dominé la recherche de la paix. En d'autres termes, Sharon a-t-il réellement panifié et persévère à miner définitivement et l'Autorité palestinienne et le processus d'Oslo ?
Si on a rapporté que “le dirigeant palestinien pense que Sharon n'a pas choisi de tirer un trait sur les accords d'Oslo” (Le Monde du jeudi 6 décembre, p. 3), que signifie alors l'extrême violence avec laquelle le général s'en est pris à l'Autorité palestinienne ?
Faut-il au contraire selon un éclairage crédible comprendre que la tactique de Sharon est seulement l'”affaiblissement” d'Arafat en démontrant qu'il est réellement “incapable”, un “obstacle” face au “terrorisme” de Hamas et même pour continuer sur la voie de la paix selon le schéma d'Oslo mais le tenant ainsi en otage pour d'ultérieurs “approches” de la paix ?
Il y a lieu cependant d'envisager une autre perspective compte tenu du contexte de l'après 11 septembre aux Etats-Unis.
La donnée clé est que le républicain Bush a nettement tranché avec son prédécesseur Clinton sur la question du processus de paix au Moyen-Orient. La montée de Sharon semble donc avoir été réconfortée par la position classique des républicains face à Israël. Les événements du 11 septembre ayant généré un “état de guerre contre le terrorisme”, on s'en souvient, accélère la logique de guerre de Sharon qui a stratégiquement profité de l'aubaine anti-islamiste pour “doper” l'opinion 111ne et occidentale par l'amalgame entre “sa cause” et celle du camp occidental contre le terrorisme.
Il n'est donc pas à exclure que la position de Sharon aille dans le sens d'un renforcement du Hamas comme conséquence de l'”affaiblissement” d'Arafat afin de conforter totalement le soutien américain qui jusque-là “n'a émis ni critiques ni réserves à l'égard de la riposte déclenchée par Israël” en ce début de décembre.
S'il est excessif de voir une remise en cause totale de l'esprit des accords d'Oslo dans ce qui domine l'évolution actuelle des événements, tous les indicateurs existent qu'Israël continuera de placer sa logique de guerre sous le couvert de “la lutte contre le terrorisme” face au Hamas et au Jihad en souscriant ainsi à la stratégie américaine à l'échelle mondiale.
Cependant les seuls indices d'un malaise dans cette logique est la division du camp occidental après que ce dernier ait pleinement cautionné le processus issu d'Oslo et souvent apporté un appui à Arafat pour reprendre la négociation.
Face aux Américains, l'Union européenne est-elle capable d'agir avec plus de cohérence maintenant que le “contre terrorisme” risque d'être le seul leitmotiv en Palestine ? Pour le moment, la position de la France semble être la plus rationnelle en vue d'une paix juste et durable en prenant clairement position pour le rôle de Arafat et contre les agissements militaires israéliens. Si les Américains exigent d'Arafat d'adopter contre les siens le principe du “contre terrorisme” et de provoquer ainsi la déliquescence du large front qu'il représente, quelle issue négociée est-elle encore possible ?
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