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« L'aller et le retour » de Houcein Faraj ou le départ des absents

Un peu plus de deux ans après la sortie de son premier livre « Ces hasards qu'on ordonne » (Editions L'Harmattan), Hoceïn Faraj, vient de sortir, à 65 ans, un deuxième roman intitulé « L'aller et le retour » (Editions L'Harmattan). C'est l'histoire de Ali

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Même avec l'immigration clandestine en toile de fond, le roman de Houceïn Faraj sort de la trajectoire habituelle empruntée par de nombreux auteurs, pour axer son histoire sur la vision de ceux qui restent, et qui regardent saigner cette plaie de la société, ouverte depuis des années, témoin d'un mal de vivre qui est aussi profond qu'inexpliqué.
Plusieurs romans et essais ont, certes, déjà traité de la question de l'immigration clandestine. Récemment encore, Youssouf Elalamy signait son roman « Les clandestins » dont Houcéïn Faraj Dit : « Parmi les productions que j'ai bien potassées sur le sujet, il y a le roman de Youssouf Elalamy. Celui-ci aborde le roman sous la forme d'une succession de monologues intérieurs, décrites avec un langage poétique. Une sorte d'Oratorio polyphonique ». Mais, « L'aller et le retour » a adopté une toute autre démarche. L'auteur a choisi le récit pour mieux faire parler ces personnages. Leur donner une apparence réaliste. « Ce n'est pas une coïncidence que de voir plusieurs livres traiter dernièrement du thème de l'immigration. C'est un thème qui nous assaille et qui nous interpelle tous de plus en plus », explique l'auteur. En effet, si l'auteur a choisi ce sujet, c'est parce qu'il pense que quelque part, lui et ceux de sa génération sont responsables de ce qui arrive aujourd'hui.
« À mon âge, je me pose des questions sur ce qu'a fait notre génération. Pour moi nous avons tous une part de responsabilité dans ces départs. Avons-nous été capables de construire le pays que nous voulions ?», se questionne Faraj.
Il est sûr qu'on ne peut rester de marbre devant autant de départs où de tentatives de départ. Dernièrement encore, une dépêche d'agence nous annonçait qu'une unité de la Marine Royale, opérant en méditerranée a arraisonné une embarcation pneumatique, avec à bord 19 candidats à l'immigration clandestine…
La liste des victimes de ces ultimes traversées est bien longue et reste ouverte. Mais, l'idée d'un départ pareil ne naît pas en un jour. Youssouf Elalamy l'avait bien dit : « Ces gens vivaient déjà dans la clandestinité avant de partir ».
Houcéïn Faraj l'explique autrement : « L'immigration c'est le départ d'un absent. Ces gens qui partent ont souvent déjà entamé le processus d'immigration au sein même de leur société ».
Quand des jeunes embarquent sur des vagues incertaines, sous une lune qui pleure leur jeunesse et un soleil qui sera bientôt témoin de leur mésaventure c'est toute une société qui voit fuir ses enfants, sans pour autant pouvoir les retenir. Une plaie, où le couteau est remué à chaque annonce de départ, voire à chaque intention de prendre le large.

Les protagonistes


Il était une fois, un jeune ferronnier du nom de Ali. Taciturne, d'apparence sage, il dégageait néanmoins une drôle d'impression. « À n'en pas douter, ce garçon cache quelque chose ». Ce secret qu'il partagera ensuite avec le narrateur les emmènera tous les deux, dans un long voyage jusqu'aux portes de l'enfer.
Malcom, le narrateur, est un « vieux » journaliste, qui a appris le journalisme en France, pour finir correspondant au Maroc. Mais, le plus intéressant dans le personnage de Malcom c'est que c'est un baroudeur dans l'âme, dans tous les sens du terme. Ce qui explique le choix de l'auteur.
« J'ai choisi un journaliste étranger parce qu'il avait pour moi le regard oblique nécessaire sur la société d'où part l'immigré et sur celle où il va arriver. Malcom est un étrange étranger, car il est plus à même de comprendre ce que vit Ali, vu qu'il vit lui-même loin de son pays d'origine. Il m'a aussi intéressé par son itinéraire. Avec son recul, il réussit à avoir une double vision, plus objective du Maroc et de l'Europe ».
Aux dires même de l'auteur, Malcom est un baroudeur intérieur qui se pose des questions profondes sur sa propre existence. C'est pourquoi, sa rencontre avec Ali, le jeune candidat à l'immigration, devient intéressante pour le lecteur, et une source intarissable d'inspiration pour l'écrivain. Mais, pour mieux réussir à retranscrire, avec autant de précision aussi bien dans les détails matériels que dans les sentiments humains, Houcéïn Faraj a bien dû puiser dans les déclarations d'un vrai « Ali ». Celui-ci existe-t-il alors ?
« Le noyau de mon roman est un garçon qui existe. Quand je l'avais rencontré, j'avais été frappé par le fait que ce garçon semblait cacher quelque chose, un secret. Il avait réussi à passer deux fois le détroit et est revenu, c'est à partir de lui que s'est construite mon histoire », nous confie Faraj.
Ali et Malcom sont très différents l'un de l'autre. Houcéïn Faraj fera pourtant d'un chapitre de leurs vies, un roman. Un intéressant échange de personnalité surgit de l'histoire de ces deux hommes. En route vers l'autre rive de la Méditerranée, chacun d'entre eux embarque dans l'expérience et dans la vie de l'autre. Ensemble, ils forment une paire de personnages dont émane un intrigant mystère personnel : deux êtres aussi dissemblables qui arrivent quand-même à allier leurs deux destins dans une harmonie frappante.
« Je ne fais pas un travail d'universitaire, ni de psychologue. Mon roman reflète simplement un constat de la vie quotidienne. Quand on se lie d'amitié ou de camaraderie avec quelqu'un, on procède inconsciemment à un échange de personnalités. Ali voulait s'installer dans la situation d'européen nanti, et Malcom admire la liberté qui anime Ali ».
À la fin du livre, la boucle est finie et l'histoire recommence…
Une tragédie qui ne s'arrêtera malheureusement pas avec les dernières lignes d'un roman…
Si Houcéïn Faraj n'a commencé à écrire que tardivement, sa plume est loin d'être celle d'un écrivain en herbe. « J'ai attendu longtemps avant de commencer à écrire car je ne pensais pas pouvoir être un romancier. J'avais peur de manquer de souffle », dit-il de lui-même. Mission accomplet et le lecteur n'en sera que ravi.
La signature de « L'aller et le retour » de Houcéïn Faraj aura lieu demain à 18h30, au Carrefour des Livres, Casablanca.
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