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Essaouira: rythmes et éblouissement des sens

Tout a commencé lorsque le cortège officiel, composé de plusieurs personnalités officielles, fondues dans une foule joyeuse et mélangée, ont entamé le tour du centre de la ville. Du boulevard de la Corniche, plus exactement du Sofitel-Mogador et de l'hôte

Essaouira: rythmes et éblouissement des sens
Un podium donnant sur les remparts les conviait à prendre place pour écouter, après les discours d'usage, le tout premier concert qui a ouvert le Festival.
Les invités, comme le public, y entraient de plain-pied dans la musique où le mâalem Hamid El Kasri a carrément séduit et créé une immense adhésion à ses chansons, accompagné notamment du merveilleux couple malien Amadou et Mariam et du génial pianiste Jean-Philippe Rykiel. De 18h. 30 mn à 20 heures,la place Moulay Hassan, littéralement en transe, a tout simplement donné l'image d'un nouveau départ fort prometteur. Mais la transe était, comme on l'a dit, cosmopolite, variée, mélangée et métissée. A l'image de la cité en effervescence, à l'image de cette Essaouira ressuscitée qui se réveille sans cesse aux sons de son art, le gnaoui, renoue avec sa vocation de ville d'ouverture et de tolérance. Amadou Bagayoko, guitariste, et Mariam Doumbia au chant, venus du Mali et porteurs de ce message de fraternité, ne s'y sont pas trompés : «Nous aimons le Maroc et le peuple marocain est un peuple gentil» disent-ils.
Les applaudissements et les ovations du public, nombreux et dense, leur donneront la réplique.
Ce sont des cris de joie et d'émotion, car la musique, jouée et exécutée par ce couple africain au milieu des gnaouas et des musisciens européens, est devenue ici le vecteur fédératif, le segment d'unité, au-delà de toute autre considération.
Mais c'est aussi la musique gnaouie qui renforce son rôle de pont organique, rapproche l'Europe, le Maghreb et l'Afrique.
Il s'est opéré une extraordinaire fusion entre, d'une part les musiciens et la foule, d'autre part - et c'est une singularité de ce festival - entre les groupes, différents et contrastés, que l'on croirait a priori complices depuis des mois, tant l'harmonie était forte.
On apprendra plus tard, en effet, que les groupes se connaissent à peine, qu'il leur arrive de répéter quelques heures seulement avant le passage sur la scène pour que leurs prouesses ne nous étonnent au point de nous laisser à la fois pantois et émus.
Et de fait, l'émotion est grande à voir Jean-Philippe Rykiel, drapé dans une grande dignité, suivre le bruit des crotales, s'appliquer avec minutie à rythmer son instrument et être en phase avec les autres quand ce n'est pas lui qui dirige ces derniers.Image forte et émouvante que ce pianiste dont le mouvement tendre des doigts a ravi la foule.Quant au mâalem Hamid El Kasri, incarnation de ce mélange des traditions gnaouies du nord et du sud, de Rabat et d'Essaouira donc, il a tenu en haleine une scène de plus dequarante-mille personnes qui, pour un jeudi, première soirée de l'ouverture du festival, constitue à vrai dire plus qu'un succès prometteur. Encore une fois, les organisateurs n'ont pas manqué de s'interroger d'entrée de jeu : comment géreraient-ils les soirées de vendredi et de samedi? Que feraient-ils devant une si grande fluidité humaine qui promet d'être grande ? Sur la même lancée, ont démarré aussi les deux autres concerts prévus dans une programmation dense, à vous couper le souffle. A vingt-heures trente ce furent les Bauls du Bangale, tout à leur charme bengali, ont simplement mobilisé un public avide de découvrir les autres cultures, les arts et la musique du monde, un public fidèle à sa vocation internationaliste.
Ensuite, les spectateurs étant venus sur la place, plus nombreux et compacts, ce fut au tour des Mâalems Mustapha et Ahmed Babkou d'immortaliser une scène transformée en réceptacle d'émotions et de créativité. Ils étaient accompagnés de Louis Bertignac, Linley Marthe, Minino Garay et Mokhtar Samba. A cette heure-là, 22H 30, toutes les barrières protocolaires étaient brisées, place était faite pour le chant et la danse.Louis Bertignac, guitariste connu et fondateur du groupe Téléphone, a donné quant à lui le ton et la réplique à Mustapha et Ahmed Babkou, ces deux symboles du gnaoui de Marrakech.
La soirée était comme rythmée, régulée avec une série de chansons alternant l'instrument fu guimbri et de la guitare, la danse et le chant, les rythmes et les formes.Ce fut véritablement une ambiance d'enchantement,un moment de ravissement et peut-être, l'une des merveilleuses soirées de cette cinquième édition.
La culture, vecteur du festival
Si la musique est à l'honneur et sert de vecteur au festival, la culture est présente également. Et les organisateurs ont tenu à l'y associer par une réflexion scientifique - c'est le moins que l'on puisse dire - sur l'avenir économique d'Essaouira. A preuve : la tenue d'un colloque en collaboration avec l'Université Al-Akhawayne sur le thème : « Société civile, culture et développement urbain, le cas d'Essaouira».
Une pléiade de chercheurs de la même université d'Ifrane se sont penchés sur le devenir d'Essaouira et, pendant deux jours,à l'hôtel des Iles, soit vendredi et samedi, ont tenu à présenter les résultats de la longue et laborieuse enquête qu'ils ont menée. L'ouverture du colloque, hier matin, a été dominée par une présentation que M. André Azoulay, conseiller de S.M. le Roi a faite, et dans laquelle il a souligné «qu'il y a encore quelques années, la ville d'Essaouira était quasiment dans un coma prolongé qui a duré des années, dû en grande partie à une cruelle et inexplicable marginalisation dans laquelle la ville était tenue. Nous sommes partis donc à partir des années quatre-vingt-dix, animés par le seul instinct de conservation et avec des gens comme moi qui faisaient partie de la mémoire de la ville, pour changer les choses. L'instinct de conservation s'est transformé en une dynamique qui a eu un impact à la fois économique, politique, culturel. Aujourd'hui, en juin 2002, la situation par rapport à ce qu'elle était en 1990 est totalement différente. Et tous ceux qui étaient sceptiques ont, aujourd'hui, simplement transformé leur scepticisme en interrogations mais toujours amicales consistant à dire : mais comment cette ville a pu faire et quelles sont les recettes cachées ?...sans jamais se soucier comment la société civile, les bonnes volontés, l'Etat, les élus en partie ont pu générer cette renaissance. Comment d'une situation extrêmement aggravée, Essaouira a-t-elle pu se régénérer?» Et M. André Azoulay d'ajouter qu'en fait la décision a été confiée aux chercheurs d'Al-Akhawayne d'expliquer mieux l'état d'évolution d'Essaouira depuis dix ans».
M. Rachid Belmokhtar, président de l'Université Al-Akhawayne, qui était le modérateur du colloque, s'est félicité ensuite que son établissement ait pu mener cette enquête qui révèle les capacités de sursaut de la ville, quand bien même un mauvais sort lui fût réservé par les responsables de l'après-indépendance. Les exposés se sont succédé, faits par des professeurs nationaux ou étrangers, d'Allemagne notamment.Ils étaient tous précis et riches.
Nous y reviendrons
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