Menu
Search
Vendredi 29 Mars 2024
S'abonner
close
Vendredi 29 Mars 2024
Menu
Search
Accueil next L'humain au centre de l'action future

L'oeuvre de Laâbi revisitée : les choix du poète

Abdellatif Laâbi sera, demain, l'hôte d'une soirée poétique organisée en son honneur au Complexe culturel Sidi Belyout, à l'initiative de la Maison de la poésie du Maroc. Une autre rencontre a été organisée également la semaine dernière à Sochepress pour

No Image
Pourtant, lui-même n'arrête pas de rappeler qu'il ne veut pas être “ enfermé à vie ” dans un rôle qu'il revendique haut et fort, mais qui n'est pas le seul qu'il pense avoir joué dans ses différentes carrières.
Abdellatif Laâbi, écrivain, poète, homme de théâtre ou encore militant politique, est le même dans sa rigueur, sa simplicité, mais surtout dans son discours de militant. Il milite pour faire reconnaître le rôle social de l'écrivain, il milite pour que les femmes (espèce supérieure comme il dit) aient la place qui leur revient dans la société. Il a aussi milité pour la cause berbère…
La vie de l'écrivain Laâbi a été empreinte d'un bon nombre d'événements et de tournants. Il se plaît, d'ailleurs, lui-même à dire que “la vie d'un homme c'est comme celle d'un pays, il y a des malheurs, des éclaircies…”.
Toutefois, l'exil de Laâbi reste un fait marquant dans la carrière de celui-ci.
Lorsqu'il est sorti de prison, l'écrivain a choisi de s'exiler en France, au début des années 80 pour y entamer sa vie post-carcérale.
“Mon exil exprimait un besoin de liberté. C'était le choix à faire pour vivre dans mes valeurs. Concernant mon style avant et après mon emprisonnement, il faut savoir que je me suis souvent remis en question quand je commençais à me rendre compte, alors que j'étais déjà en prison, que je devenais en plus prisonnier d'une idéologie. Alors, à partir des années 70, j'ai commencé à décrocher de mes credo idéologiques pour m'ouvrir sur plusieurs autres choses”, explique-t-il. Abdellatif Laâbi considère toutefois, que son mûrissement s'est fait en prison.

Littérature et société


Il est vrai que l'écrivain dit avoir remarqué une nette avancée du rôle de la littérature dans la société ; il n'en demeure pas moins un militant qui se bat pour qu'on reconnaisse que la fonction d'écrivain est “d'utilité publique”.
Aujourd'hui, Laâbi vit entre la France et le Maroc dans une situation qu'il appelle l'entre-deux. Cette situation est un besoin, une nécessité puis aussi un devoir lorsqu'on regarde le nombre de combats que mène Abdellatif Laâbi en dehors de son pays.
“Depuis 2 à 3 ans, rester fidèle à ses engagements et à ses principes en tant qu'écrivain est devenu possible au Maroc. C'est pourquoi je me partagerai dorénavant entre la France et le Maroc… Rester en France est aussi important pour moi. Les écrivains maghrébins ont un rôle à jouer en Europe. En effet, après le 11 septembre, on a donné la parole à des soi-disant spécialistes du monde arabe. Alors, même si je suis pour le pluralisme, je me bats pour faire entendre la voix des intellectuels libéraux en France et en Europe car ceux-là aussi ont leur mot à dire en ce qui concerne les réalités du monde arabe ”, expliquait Abdellatif Laâbi.
Selon lui, les intellectuels marocains, les écrivains et hommes de Lettres ne peuvent pas se permettre de rester en dehors de la machine engagée pour le développement de leur pays.
“L'écriture est une brûlure permanente, et un écrivain doit se remettre en question pour faire avancer la société. Certes, un écrivain peut se permettre le luxe de se contenter de son œuvre littéraire, mais, en Europe par exemple, le retrait de l'écrivain du champ social a eu des répercussions néfastes. Personnellement, je ne peux pas séparer mon travail d'écrivain de mon rôle de citoyen. Dans le tiers-monde, nous n'avons pas le droit d'une ignorance quelconque en tant qu'intellectuel”, ajoute-t-il à ce sujet.
Toutefois, pour Abdellatif Laâbi, le combat dans le domaine du social, ne passe pas toujours que par le militantisme politique. D'ailleurs, il tient toujours à rappeler qu'il ne récuse pas son image “d'écrivain des prisons” et ne nie pas non plus son passé de militant puisqu'il se dit “dépositaire de ce patrimoine de combat” . Cela dit, il aime à préciser qu'il “ était bien en prison mais, qu'il ne veut pas qu'on l'enferme à vie dans un type d'écriture”. “Le drame c'est qu'on cherche toujours les enjeux politiques dans l'écriture de tel ou tel écrivain”, dit-il.

Souffles: un geste héroïque


On ne peut, toutefois, parler de Abdellatif Laâbi, sans parler de la revue “ Souffles ”, revue créée par l'écrivain avec un groupe de jeunes écrivains et poètes de l'époque . Une publication qui a eu son rôle à jouer dans le domaine culturel mais aussi sur bien d'autres fronts dans le Maroc des années 60 et 70.
Abdellatif Laâbi décrit “Souffles” comme étant un geste héroïque entrepris par une équipe ambitieuse.
“Nous étions une équipe de jeunes, d'une moyenne d'âge de 22 à 23 ans. Nous avons décidé de créer “Souffles” dans un moment de grand chambardement dans le monde de la culture. Mais notre souci était justement de faire émerger une nouvelle culture, une nouvelle démarche de l'écriture. A mon sens, cette mission a été accomplie”.
Le débat nous mène à parler de la jeune génération et leur relation avec le monde de l'écriture. “Les jeunes d'aujourd'hui travaillent beaucoup. Ils ont besoin de croire en quelque chose. Mais, pour mieux les inciter aussi bien à la lecture qu'à l'écriture, il faut instaurer un dialogue entre les différentes générations. En France, j'ai participé à une très bonne initiative des ministères de la Culture et de l'Education Nationale. Il s'agit de la maison des écrivains : des ateliers d'écritures pour les jeunes. Cette maison des écrivains a fait le tour de la France, s'arrêtant dans les écoles… Plus de 400 écrivains ont pris part à cette initiative. Voici une petite initiative qui mérite réflexion”.
Abdellatif Laâbi est de ceux qui pensent que la phase de construction ou de développement de toute nation ne peut être franchie sans la totale collaboration de tous. “Nous avons trop pris l'habitude d'attendre trop du gouvernement. L'évolution doit venir de nous pour l'instauration de l'Etat de droit. La responsabilité est maintenant sur les épaules des démocrates et de la société civile”, explique-t-il à ce propos.
Pour les Marocains, la tâche ne devrait pas être difficile. Nous sommes des héritiers d'une grande “civilisation humaine” qui doit normalement nous mener droit vers le progrès. Les Japonais ont bien fait de leur héritage un facteur de modernisme. “Nous ne sommes pas conscients du socle culturel sur lequel nous sommes debout. Ce que l'histoire nous a légué est suffisant pour nous servir de tremplin vers un meilleur avenir”.
Un message d'espoir qui anime Abdellatif Laâbi d'aujourd'hui, qui n'est pas si différent de celui des années 60 ou 70 sauf qu'il est aujourd'hui ouvert à plus d'horizons pour mieux servir sa cause…voire ses causes.
Lisez nos e-Papers