Menu
Search
Mercredi 24 Avril 2024
S'abonner
close
Mercredi 24 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next L'humain au centre de l'action future

La communication est un levier essentiel de la démocratie

Docteur es-science de l'information et de la communication, professeur à l'ISIC, M. Abdennasser Fath Allah vient d'écrire un livre en arabe sur la communication politique au Maroc sous le titre «Applaudissez le discours du leader» où il analyse la réalit

No Image
Vous idée de base dans ce livre est que la politique aujoud'hui ne consiste pas à faire des discours flamboyant devant les foules mais un engagement sur la base d'un programme. Pensez-vous que les élites politiques au Maroc adhèrent à cette idée? Et d'abord, dans quel mesure peut -on parler d'élite s'agissant de la classe politique marocaine?
Je crois qu'il n'est pas judicieux de traiter notre élite politique comme un ensemble cohérent et uniforme. Nous avons plutôt plusieurs types d'élites politiques. Entre autres, une élite issue d'un véritable parcours militant ayant des aspirations politiques clairement définies et un système idéologique basé sur des modèles soigneusement préétablis. Ces modèles constituent pour elle l'unique cadre de référence pour l'établissement de tout programme politique ou électoral ; nous avons aussi une autre élite fabriquée ou préfabriquée pour «réguler» le jeu politique. Elle est d'origine fonctionnelle diverse, composée essentiellement d'arrivistes et ne dispose pas de programme politique précis.
Dans un système démocratique, le programme politique est considéré comme critère primordial de différenciation entre les partis politiques et aussi l'élément déterminant pour les citoyens dans leur choix électoral, et constitue en outre pour la communication politique un atout majeur d'identification et de positionnement.
Il n'y a pas de parti marocain qui ne dispose pas de programme politique, seulement le programme est immédiatement rangé dans les bureaux du parti après approbation des congressiste. Pour la communication politique, le programme constitue la référence «originelle» pour toute démarche discursive quoiqu'il doit être continuellement soumis à l'innovation; l'approfondissement, l'argumentation.
On peut espérer enfin avec l'adoption du nouveau système électoral basé sur le mode de liste que l'intérêt , aussi bien de la part des élites que de la part des électeurs, sera enfin porté sur un véritable débat d'idées sur la pertinence et le bien fondé des propositions avancées dans les programmes des partis politiques concernant le chômage, la scolarisation, le niveau de vie, les priorités … Et j'insiste fortement sur la responsabilité des médias dans l'instauration et la consolidation de ces valeurs démocratiques.
Comment peut-on parler de politique de communication dans un environnement politique où le poids des tabous est encore écrasant, et où l'information fait partie d'une stratégie de domination?
On ne peut pas parler d'une véritable communication politique sans une réelle politique de communication. Une politique qui instaure l'infrastructure juridique, humaine et technique par une pratique communicationnelle, une politique qui tend à faire de la communication un véritable vecteur de développement politique et social, et enfin, une politique de communication qui, aussi bien, dans les textes que dans la pratique, favorise l'émancipation des catégories sociales données.
C'est une responsabilité partagée, à mon avis, entre les trois grands partenaires de la communication politique, à savoir, les politiques , les médias et les citoyens. Les premiers proposent et légifèrent , les seconds innovent et persévèrent et enfin les citoyens revendiquent et sanctionnent.
Vous faites une distinction entre deux périodes qui ont façonner la communication au Maroc, la période allant des années 60 jusqu' à la fin des années 90 et la période qui commence avec l'alternance. En quoi cette période a changé la nature de la communication?
Avant , par le fait du monopole du pouvoir au Maroc par une catégorie politique dite de «droite» d'une part et le cantonnement presque éternel de la gauche dans l'opposition , d'autre part, il était très difficile, de parler d'un véritable débat politique.
Chaque parti, en fait, avait sa propre stratégie discursive, son propre système argumentatif, c'était plutôt deux discours parallèles qui ne se croisent jamais.
Actuellement, les rôles ont changé , les opposants d'hier ont maintenant l'accès direct aux sources de l'information, ils peuvent enfin avoir une idée précise sur l'état de santé du pays. Ces informations sont indispensables pour rompre avec la stratégie des «enchères politiques» et d'épouser en fin un discours réel basé sur des données véridiques et de ce fait le fossé profond qui existait avant entre les deux discours doit logiquement être considérablement réduit.
4/ Vous constatez que la rubrique la plus prisée dans nos journaux est le «commentaire» au détriment de l'enquête et des articles d'information. Ne pensez-vous pas que le système de formation dans notre pays y est pour quelque chose?
Dans le domaine de la communication politique c'est effectivement l'enquête journalistique qui fait du journalisme un redoutable partenaire nommé quatrième pouvoir ou contre-pouvoi. Le journaliste se sent mandaté par le citoyen à chercher la vérité, à apporter des éclaircissements, à dénoncer … c'est un travail responsable qui fait de l'enquête la plus noble des genres journalistiques.
Je ne crois pas que son absence dans nos médias est due à un problème de formation à l ‘I.S.I.C., par exemple , tous les genres journalistiques sont dispensés aux étudiants.
Seulement le problème, à mon avis, réside dans le lieu de travail, et ce pour deux raisons : la première c'est que l'enquête est un temps de travail relativement long et des moyens financiers parfois considérables et nos médias ne sont pas généralement en mesure d'assumer cette tâche. La seconde, c'est que l'enquête dans le domaine politique risque toujours de se retourner par un effet de boomoring sur l'enquêteur lui-même ou le commanditaire. Ce qui rend tout travail d'enquête une aventure risquée et périlleuse.
Cela ne nous empêche pas de reconnaître à la presse non partisane essentiellement l'existence d'un intérêt réel à ce genre journalistique et qui nécessite de notre part encouragements et solidarité.
Vous consacrez un chapitre à l'étude de la communication à la télévision marocaine, et vous constatez que la TVM par exemple fonctionne aujourd'hui de la même manière que durant les années 60. Quels sont d'après vous les blocages qui font que la télé ne bouge pas alors que tout semble se transformer?
Les blocages sont nombreux, techniques, humains, juridiques mais ils découlent tous essentiellement de la prédominance chez les responsables d'un état d'esprit opposé à toute innovation, ce qui donne toujours encore le même type de traitement pour l'information nationale, la reproduction télévisée des normes protocolaires politiques. Notre télévision malheureusement marque un retard flagrant par rapport à l'évolution politique et culturelle au Maroc. Nous avons presque la seule télévision au monde arabe qui n'ouvre pas encore le téléphone à ses téléspectateurs et , par conséquent, nous avons encore une télévision unidirectionnelle dans un monde de plus en plus interactif.
Lisez nos e-Papers