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Accueil next L'humain au centre de l'action future

«Le fond de la jarre», de Abdellatif Laâbi

Le dernier roman de l'écrivain marocain, «Le fond de la jarre», nous invite sur les traces de son enfance au cœur de la ville de Fès. Passeur des autres écrivains par ses traductions et souvent à l'écoute des douleurs des autres, Abdellatif Laâbi est all

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Le poète convie à cette cérémonie des confidences, tout en balisant le chemin et en évitant soigneusement les chausse-trappes, les images et imageries, les clichés et lieux communs qui encombrent volontiers ce type de livres qui fleurent parfois la commémoration, l'ennui et le stéréotype.

Ici, l'auteur s'adresse à son lecteur et le met en garde en même temps qu'il le rassure : «On l'aura compris, car à l'averti suffit un clin d'œil quand au lourdaud il faut un coup de poing, c'est la prime enfance qui sera revisitée et, là encore, l'impasse sera faite sur les thèmes éventés».

Et Laâbi de citer l'école coranique, la circoncision, la fête du mouton, le hammam et ses secrets, ou la tyrannie paternelle parmi les sujets maintes fois rassassés.

Abdellatif Laâbi articule son récit autour de Namouss, un enfant, personnage central, double avec lequel il établit une relation, tout à la fois complice et distante. Namouss «c'est mon ancêtre et mon enfant» avoue-t-il et c'est dans la connivence de cette double filiation que l'auteur, narrateur-héros et protagoniste du livre nous convie à la table familiale, dans ses secrets, ses drames et ses rires.

«Famille, je vous aime» aurait peut-être pu dire Namouss mais il aurait fallu aussitôt évoquer l'amour des lieux, et de cette ville de Fès, tant chantée par le poète, qui donne aussi un charme mélancolique à ce livre d'évocation de lieux et de temps qui ne sont plus.

C'est dans cette atmosphère que l'enfant feuillette l'agenda des souvenirs, mais s'il évoque la maison familiale, l'école, les parents, les copains, les voisins, les frasques d'enfance et les premières découvertes, Laâbi a le souci d'éviter la folkorisation de son récit et la volonté explicite d'écrire l'envers d'une carte postale stéréotypée, par ailleurs trop souvent adressée aux lecteurs.

Quant au «Fond de la jarre» qui donne son titre à ce livre, Abdellatif Laâbi nous livre l'origine de l'expression (une supercherie de commerçants que le lecteur découvrira à la fin du volume), tout en précisant qu'avec le temps le sens en a été contrarié…

Comme un vieux tiroir et ses secrets oubliés, comme une soirée entre amis au cours de laquelle s'entremêlent anecdotes et souvenirs, comme une vieille malle entrouverte sur ses trésors enfouis, Abdellatif Laâbi est allé puiser dans «Le fond de la jarre» afin d'en extirper quelques traces de son passé.

Il en ressort un livre d'intimité mais avant tout le livre d'un poète qui mesure la confidence, se joue des mots, de la transgression, du vrai et du faux, non pour traverstir le réel mais pour donner sa vérité et sa vision, loin des chemins balisés et souvent encombrés de trop de poncifs et clichés. Un livre exigeant qui réclame une attention de toutes les lignes.

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