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Jeudi 28 Mars 2024
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Théâtre: «quatre heures à Chatila»

Adapté par Ouzri, et interprété par Touria Jabrane, le texte de Jean Genet sur les massacre de Sabra et Chatila est transformé en une pièce de théâtre qui en dit long sur la misère humaine.

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Transformer un article de presse en pièce de théâtre, rien n'est moins évident surtout un texte aussi dense aussi touffu, aussi tragique que celui que Jean Genet a consacré, sous le titre «Quatre heures à Chatila», au sujet des massacres des Palestiniens en 1982 par les phalangistes libanais avec la complicité de l'armée israélienne et de son commandement sous la responsabilité de Sharon, alors ministre de la défense.
Une gageure que Ouzri a plutôt réussi. Avec brio, pourrait-on dire. Il faut dire qu'il a mis toutes les chance de son côté: un texte fort d'un poète maudit, une traduction en arabe, assurée par le romancier Mohamed Berrada et le talent de comédienne d'une Touria Jabrane jusque là inégalable dans ce genre de rôle où elle est seule à occuper la scène. Il faut ajouter le concours des circonstances aussi : jamais l'opinion publique marocaine n'a été aussi sensible au drame des Palestiniens qu'en ce moment où tous les risques sont possibles.
Résultat: une heure et demi d'un spectacle poignant où, grâce à la magie du verbe, on se voit projeter en plein milieu du camps de Chatila , transformé, en l'espace d'une nuit de crime et de meurtre, en lieu de cauchemar et de frayeur. On imagine Jean Genet, obligé d'enjamber les cadavres en décomposition pour se frayer un chemin dans cet univers sinistre envahi par les mouches et noyé dans les odeurs fétide de la mort.
Il fallait sans doute beaucoup de courage, et un sens aigu d'humanité, ou alors tout simplement un grain de folie à Jean Genet pour s'infliger quatre longues heures de promenade entre les amoncellements de corps inanimés, à poser des questions sur les conditions de leur mort, et à retourner les têtes , les mains et les jambes arrachées. Il n'en fallait pas moins pour le spectateur pour se tenir sur son siège, le temps d'une pièce de théâtre, à prendre sur la figure les mots cruels de Touria Jabrane comme autant de coups de fouet sur le corps et sur la conscience.
On ne voit pas cette pièce, on la vit, on n'écoute pas les mots, on se les fait siens, on jure de les avoir prononcés comme on jure d'avoir senti les odeurs nauséabondes des cadavres qui jonchent la scène.
Le plaisir, tout autant que le spectacle, sont des qualificatifs déplacés pour ce genre de pièce, et pourtant, ils sont là, excluant tout risque d'ennui ou d'agacement.
En aurait-on le droit quand il s'agit de la misère des hommes ?
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