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Accueil next L'humain au centre de l'action future

Un as de la chanson française s'est éteint

L'auteur-compositeur français Francis Lemarque, interprète de chansons poétiques, engagées et populaires, est décédé samedi dernier à 84 ans à son domicile près de Paris.
Si un chanteur français symbolise la ville de Paris, c'est certainement Francis L

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Au cours d'une carrière longue et discrète, il a écrit près d'un millier de chansons dont «A Paris», devenue un standard international, interprété par des dizaines d'artistes à travers le monde. Son parcours artistique, entre engagement politique et poésie romantique, est l'oeuvre d'un artiste infatigable, qui a sillonné le monde entier avant de se retirer de la scène au cours des années 90.
Un parcours de combattant

Né le 25 novembre 1917 dans le quartier populaire de la Bastille à Paris, de son vrai Nathan Korb, Francis Lemarque était fils d'émigrés juifs d'Europe de l'est.
Sa mère Rose est originaire de Lituanie et son père, Joseph, tailleur pour dames, est polonais. Nathan grandit dans le quartier de la Bastille, où se mélangent alors des communautés juive et auvergnate dans une ambiance conviviale, le tout au son des innombrables bals musettes qui égrènent le quartier. Le petit appartement de la famille Korb se situe d'ailleurs au premier étage de l'un d'entre eux, le Bal des Trois Colonnes, rue de Lappe. Francis/Nathan est donc un gamin de Paris comme il le chantera plus tard. Avec son frère Maurice et sa jeune soeur Rachel, il connaît une enfance délurée et joyeuse.
Il quitte cependant l'école dès 11 ans pour se lancer dans le monde du travail. Il fut d'abord vendeur en bimbeloterie, ouvrier dans une imprimerie, métallurgiste, garçon de courses, figurant.
Cette première partie de sa vie le prédisposa à chanter la révolte et à s'ériger contre la misère du monde dès 1935. En effet, après la mort de son père Joseph, en 1933 de tuberculose à 41 ans, Nathan, alors adoilescent, commence alors à la musique. Les bals musettes et leurs orchestres le fascinent.
Vers 1934, Nathan et son frère intègrent le groupe Mars, lui-même issu du groupe Octobre, groupes affiliés à la Fédération des Théâtres ouvriers de France. Au sein de ce groupe qui développe une culture d'avant-garde, les frères Korb créent un duo qu'ils nomment les Frères Marc, sur les conseils de Louis Aragon. En 1936, avec le Front populaire, le duo trouve l'occasion de chanter dans les usines et tous les lieux où la lutte ouvrière est en action. Forts d'une certaine notoriété, ils font la connaissance de Jacques Prévert avec lequel Nathan/Francis devient très ami. Celui-ci les met en relation avec Joseph Kosma, célèbre compositeur entre autres de «les Feuilles mortes», qui est un temps leur pianiste.
L'après-guerre

A la fin de la guerre, Francis revient à Paris. Il fréquente assidûment le quartier de Saint-Germain-des-Prés où la vie littéraire et musicale est en pleine explosion. Toujours convaincu de vouloir chanter, il vit cependant de petits boulots à défaut d'engagements lucratifs.
Mais l'année 1946 va bousculer sa vie personnelle et professionnelle. D'une part il rencontre Ginny Richès qui deviendra son épouse en 1948. D'autre part, il voit pour la première fois Yves Montand sur une scène parisienne. Le jeune chanteur d'origine italienne, protégé de Piaf est en train de devenir une immense vedette. Son style unique et ses interprétations des chansons de Prévert, bouleversent le jeune Francis. Sa motivation d'auteur n'en est que décuplée et il se met à écrire en pensant à lui. Mais très vite, il ne se sent pas à la hauteur d'un tel talent et veut tout arrêter. Il faudra l'intervention de Jacques Prévert qui présente Francis à son idole, Montand. Ce dernier séduit par ses compositions lui commande immédiatement des titres, en étoffant ainsi le répertoire de Francis tout en contribuant à le populariser. Dès la fin des années 40, il chante «Ma Douce vallée», «Bal petit bal» ou «C'est à l'ombre». Leur collaboration durera de longues années et atteindra son summum avec le titre «A Paris».
Juliette Greco, André Claveau, Marcel Amont, Patachou et Henri Salvador eurent recours à ses talents, ce qui éclipsa un peu sa carrière d'interprète doté d'une voix pourtant agréable.
En 1949, Francis Lemarque est désormais un auteur reconnu et un interprète timide qui sort ses premiers disques, deux 78 tours, sur le label de Jacques Canetti qui a su le convaincre de rechanter. Excellente initiative puisque Lemarque, le chanteur, connaît un vrai succès. Dès 1951, il obtient son premier prix Charles-Cros.
On retient surtout des chansons de Francis Lemarque : «A Paris», «Ma douce vallée», «Mathilda», «Marjolaine», «Le Temps du muguet», faites pour être fredonnées et sifflotées. Toutefois, force est de rappeler qu'il a aussi composé la musique de plusieurs films, notamment Mimi Pinson» en 1958. Toutefois c''est au cours des années 60 qu'il écrira ses plus célèbres : «le Cave se rebiffe» en 61 ou «Maigret voit rouge» en 63, et surtout «Playtime» de Jacques Tati en 67. Il compose également beaucoup pour la télévision.
La reconnaissance mondiale

Dans son répertoire, Lemarque décrit Paris et ses quartiers populaires, le monde des guinguettes et des voyous. Il chante aussi l'amour et un certain romantisme bucolique. Mais il sait avoir une plume plus engagée. En 1958, il monte sur la scène de l'Olympia pendant cinq semaines et prouve ainsi sa popularité auprès d'un large auditoire.
En 1960, Francis Lemarque monte sa propre maison d'édition. Déjà à la tête d'un large répertoire, il éditera également les textes d'autres artistes tels Alain Barrière, Serge Lama ou les musiques des films de Jacques Demy, «les Parapluies de Cherbourg», écrite par Michel Legrand.
Les tournées continuent de plus belle pour Francis Lemarque dont le style trouve des amateurs à travers le monde entier. En 62, il donne des récitals en Afrique du Nord, en Europe et au Canada.
En France, son talent et son unique sens de la mélodie sont récompensés par le prix de la Rose d'Or d'Antibes en 1965 à travers son disque «Francis Lemarque rencontre Francis Carco».
Infatigable, Francis Lemarque ne se lassera jamais d'écrire. Près de mille chansons à son actif et un dynamisme exceptionnel. Avec Trenet ou Salvador, Francis Lemarque a une des plus longues carrières de la chanson et une des plus riches et certains de ses titres appartiennent à la mémoire collective de la culture française.
Il recevra de nombreuses récompenses: le Grand prix du disque en 1956 et 1978, le Grand Prix national de la chanson française en 1981, le Prix de l'Académie Charles-Cros en 1981 et 1989.
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