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«Un voyage de trop, court métrage de Aziz Salmy

Alors que Aziz Salmy présente son dernier court métrage «Un voyage de trop» comme «une comédie satirico-sociale haute en couleurs locales», plusieurs spectateurs y ont vu une simple histoire anecdotique. En fait, derrière sa banalité apparente, le film se

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Bouchaib, rôle joué par Hamid Zoughi, est chauffeur de camion. Pour arrondir les fins de mois, il n'hésite pas à prendre différents chargements. Présenté comme un homme sans scrupule, Bouchaib serait contraint à flirter avec l'illégalité sous la pression de la cherté du coût de la vie. L'Aïd Al Adha est une occasion propice pour augmenter ses ressources. La crise du transport dans pareilles circonstances favorise de tels agissements. Il charge son camion benne de passagers et de moutons et se lance dans un voyage dont l'issue est incertaine ! Son désir pour la belle jeune femme Saïda, interprétée par Saïda Baâdi, assise à côté de lui, le traîne dans une partie de séduction fatale. Pendant qu'il était distrait, la catastrophe survient.
La portée satirique de cette «fiction réaliste» est patente. Certes, le réalisateur explique qu'il a brodé tous les faits de son histoire autour de la relation entre le chauffeur et la jeune femme. Mais cela n'est, paraît-il, qu'un prétexte. Car le film brosse des portraits de différents personnages typiques qui rappellent bien des modèles de la société marocaine. Le chauffeur qui représenterait tout professionnel sans conscience, la jeune femme divorcée dans le besoin mais qui tient aux douceurs de la vie, et puis les autres, des personnages caricaturaux dont le discours, les effets vestimentaires en font un échantillon représentatif d'une certaine catégorie sociale.
Le film est plutôt un drame social dont on rit volontairement, mais qui ne suscite certainement pas chez les spectateurs ce fameux désir d'identification avec aucun des acteurs. Aziz Salmy reprend à sa manière ce dicton marocain qui dit que «quand le malheur est grand, mieux vaut en rire !» C'est un moyen de sensibilisation dont les vertus ne sont plus à démontrer.
Une autre lecture à charge cette fois politique, nous montrerait Bouchaib comme l'image métaphorique de ce meneur d'hommes, de ce responsable perverti qui existe dans notre société. Censé guider les gens et les prendre en charge dans leur voyage périlleux de la vie et tout faire pour les mener à bon port, il poursuit ses désirs personnels, ses intérêts propres et laisse les autres périr. Une fois de plus, cela évoquerait ce conte populaire que nous racontaient nos grand'mères et relatant l'histoire d'un «bahhar» qui, par insouciance, laisse son bateau couler avec les passagers dont il est responsable.
Enfin, il apparaît que l'analyse thématique pourrait trouver dans cette histoire riche matière à investigation.
Par contre, l'écriture filmique et les choix techniques et esthétiques suscitent un sentiment ambivalent. D'une part, la linéarité du récit, la simplicité des dialogues, la longueur relative des premiers plans et la lenteur du rythme conféreraient au film une certaine monotonie.
D'autre part, le casting est plutôt réussi, les costumes sont certes ordinaires mais significatifs, le cadrage, les angles des prises ne manquent pas de recherche et le choix des musiques concorde parfaitement avec la thématique du film. Les chefs-d'œuvre de Nass El Ghiwane sont mis au service de l'esprit de dénonciation des vices de la société.
L'effort de recherche se manifeste surtout à travers l'usage de l'accessoire. Ainsi, la poupée est, chez Salmy, chargée d'une haute valeur symbolique. C'est un moyen de communication qui permet de dépasser les blocages aussi bien langagiers qu'éthiques. Un moyen pour Aziz Salmy de briser le tabou du discours sur la séduction de manière intelligente. Il révèle à sa façon quelques non-dits!
Enfin, avec «Un voyage de trop», le jeune réalisateur signe son second court métrage après un premier intitulé «Déjà vu».
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