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Quels recours pour les victimes ?

Les recours judiciaires des victimes pour erreurs médicales semblent de plus en plus nombreux. Cependant, il existe un vide juridique, car, si le Code pénal sanctionne la négligence, il ne définit pas avec exactitude l’erreur médicale. Comment peut-on alors se défendre ?

Quels recours pour les victimes ?
Le stress du médecin est permanent et proportionnel à la gravité des cas traités.

De simples opérations chirurgicales peuvent parfois tourner au drame. Complications ou graves infections à la suite d'une opération, pansements oubliés à l’intérieur du corps du patient, coma ou carrément décès après une intervention chirurgicale, les exemples ne manquent pas. Au Maroc, il est difficile de mesurer le phénomène. «En dehors de statistiques rigoureuses et fiables en la matière, on ne peut pas évaluer honnêtement l'ampleur exacte de la situation. Cela dit, la presse relaye régulièrement des cas, un peu partout dans le pays, touchant différentes spécialités médicales, du secteur public comme du secteur privé», assure Me Abdelaziz Hatimy, avocat agréé par la Cour de cassation. Au tribunal, d’ailleurs, les cas d’erreurs médicales seraient monnaie courante. «Nous avons remarqué ces dernières années une recrudescence au niveau des recours judiciaires des citoyens, victimes d'erreurs médicales. Cet état de fait est une conséquence de la prise de conscience chez nos concitoyens de leurs droits en général et de leur droit plus particulièrement à une prise en charge médicale sécurisée, où le risque zéro n'existe bien entendu pas, mais où tout doit être fait pour s'en rapprocher. On peut dire que les Marocains deviennent de plus en plus exigeants envers leurs médecins, et ceci se traduit par une évolution quantitative au niveau des demandes liées à la recherche et à la détermination des responsabilités sur le plan médical», déclare Abdelaziz Hatimy.
En termes de loi, on distingue deux types de fautes : civile et pénale. La faute pénale est assimilée à une faute lourde. La base pénale de cette faute se trouve dans les articles 432 et 433 du Code pénal relatifs à l’homicide et aux blessures involontaires. Sont prévus l’emprisonnement de trois mois à 5 ans et une amende de 1 200 DH pour homicide involontaire, et l’emprisonnement d’un mois à deux et une amende de 1 200 DH pour blessures involontaires.

Cela dit, lorsqu'un patient suppose être victime d'une erreur médicale, encore faut-il qu’il le prouve devant la justice. Les procédures parfois longues et coûteuses en découragent plus d’un. Cette difficulté a été l'une des principales causes de la création de l'Association marocaine des victimes des erreurs médicales (AMVEM). Son président, Mohamed Himdi, souligne qu’il «n'est pas logique qu'un chirurgien qui effectue des opérations quotidiennement, où le risque de commettre une erreur est important, ne soit pas obligé d'être assuré pour la responsabilité civile». En effet, l’erreur est humaine. Le tout reste encore que le médecin reconnaisse ses erreurs.

D’autres pays l’admettent volontiers comme en France où plus de 600 000 erreurs médicales sont recensées chaque année, dont près de 10 000 débouchent sur des procédures contentieuses ou amiables. «Le problème se pose lorsqu'il y a une erreur médicale mal justifiée ou une déformation des faits. Ces comportements inappropriés sont faits dans le but de bafouer les droits de la victime (dont celui d'être dédommagée) et afin d'éviter la punition», conclut Mohamed Himdi. À noter que le malade peut s’adresser directement au juge civil dans le cadre des articles 77 et du Dahir sur les obligations et les contrats (DOC). La requête civile n’ouvre la voie qu’à des dommages et intérêts. Concernant la responsabilité disciplinaire des médecins vis-à-vis de leurs pairs, c’est l’Ordre national des médecins, chargé de contrôler l’exercice de la profession et d’assurer la police et la discipline professionnelles, qui doit sanctionner. 


Questions à Abdelaziz Hatimy, avocat agréé près la Cour de cassation

«Le médecin doit pouvoir continuer à exercer sans ressentir la présence d'une épée de Damoclès»

Quels recours pour les victimes des erreurs médicales ?
Tout accident médical reconnu comme tel peut et doit en principe donner lieu à une indemnisation au profit du patient. En l'absence d'une loi spécifique au Maroc, si l'accident médical est reconnu fautif (erreur médicale ou faute médicale), sur la foi d'une expertise, l'assurance du responsable, médecin et/ou institution de soins, se substituera à ce dernier dans le paiement des indemnités.

Que prévoit la loi ?
La faute la plus grave reste bien évidemment la faute pénale dont la preuve incombe au Parquet pour lancer les poursuites qui s'imposent afin de trouver l'auteur condamné pénalement. Il en découlera nécessairement une condamnation sur un plan civil pour que la victime soit indemnisée. À titre d'exemple, sont constitutives d'infractions dont la répression est prévue par le code pénal, la non-assistance à une personne en danger, le manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence, les violences volontaires, l'interruption volontaire de grossesse en dehors des cas prévus par la loi…

L'erreur est humaine, quelle protection pour les médecins ?
La responsabilité médicale s'est progressivement développée dans tous les pays du monde libre et moderne. Dans certains pays même, comme aux États-Unis, certains praticiens de l'art de guérir trouvent de moins en moins facilement de compagnie d'assurance qui accepte de couvrir leurs fautes professionnelles éventuelles. Mais le médecin doit pouvoir continuer à exercer son art sans ressentir constamment et systématiquement la présence d'une épée de Damoclès. Il doit aussi s'atteler à exercer sa profession dans le respect de la vie et de la dignité humaine, et s'acquitter de ses obligations professionnelles avec compétence, intégrité et loyauté. Les deux ne sont pas incompatibles, c'est pourquoi je militerais volontiers pour une loi spécifique sur les droits des patients.

 

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