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Un pays à nouveau dans la tourmente

● Derek EL ZEIN
Maitre de conférence à Paris Descartes.

Un pays à nouveau dans la tourmente
Depuis 1975 • le pays se trouve régulièrement au bord de l’éclatement et de la déchirure quand survient un miracle dans ce laboratoire du monde qui remet tous les protagonistes autour d’une table pour trouver une solution par essence temporaire.bPh

L’histoire du Liban a depuis son indépendance été jalonnée de nombreux soubresauts, si bien que ce pays, qu’on appelait sans doute un peu trop rapidement la «Suisse du Moyen-Orient», a connu depuis 1975, une guerre civile, une occupation israélienne (de 1982 à 2000) et syrienne (de 1976 à 2005), une nouvelle guerre dite des 33 jours en 2006 et de nombreuses crises gouvernementales. La dernière en date étant plus précisément présidentielle, puisque le Parlement libanais n’arrive pas encore à se mettre d’accord pour désigner le successeur du Président de la République Michel Sleimane.

La répartition confessionnelle pratiquée depuis l’indépendance a défini que le Président de la République soit de confession chrétienne maronite, le Premier Ministre musulman sunnite et le Président du Parlement musulman chiite. Se font face sur l’échiquier politique libanais deux formations parlementaires : le Mouvement du 14 mars et l’Alliance du 8 mars. Ce clivage du paysage politique ne rend pas aisée la désignation d’un Président de la République qui puisse satisfaire ces deux formations. Le Liban est un pays dont la taille est inversement proportionnelle au degré de complication qu’il implique tant sur le plan de la diversité des populations (18 communautés religieuses) qui le composent que sur celui de ses liens avec les pays proches ou lointains qui l’entourent.

Le mandat du Président Michel Sleimane est arrivé à son terme le 25 mai 2014 et la désignation du futur Président devait se faire avant cette date pour éviter la vacance du pouvoir. La difficulté repose sur la nécessaire réalisation d’un quorum (bien que la question ne fasse pas l’unanimité) des deux tiers des 128 députés libanais désignant le nouveau Président. Le boycott d’un certain nombre de députés peut, comme c’est le cas pour cette élection, faire obstacle à l’élection du Président de la République.
Une constante demeure malgré tout : le pays se trouve régulièrement au bord de l’éclatement et de la déchirure quand survient un miracle dans ce laboratoire du monde qui remet tous les protagonistes autour d’une table pour trouver une solution par essence temporaire. N’oublions pas par exemple que le Président Michel Sleimane a été désigné in extremis en mai 2008 grâce à l’intervention du Qatar, les députés libanais n’étant pas arrivés à un accord durant de longs mois de crise.

En réalité, le Liban hésite depuis la fin de la guerre civile entre modernité et archaïsme, tant institutionnels qu’ethniques et religieux. On ne peut que regretter une incapacité à faire évoluer des institutions qui ne peuvent, au vu des évolutions démographiques, demeurer en l’état même si elles ont démontré une certaine robustesse.
Le Liban se trouve ainsi plongé dans l’incertitude, entre risque de débordement armé et possible compromis sur les chemins d’une renégociation des accords de Taëf (1989). Le contexte international s’avère, comme souvent, extrêmement délicat. L’afflux de réfugiés syriens, dont on dit qu’ils ont dépassé le million d’âmes (soit un quart de la population libanaise), et qui viennent s’ajouter aux réfugiés palestiniens dont le sort n’est toujours pas réglé, la guerre civile syrienne qui déborde régulièrement les frontières libanaises, mais également les oppositions de principe qu’elle suscite entre les deux grandes formations politiques libanaises, ne sont que des exemples de facteurs de déstabilisation du Liban. Le pays a besoin aujourd’hui plus que jamais d’un Président de la République capable de ramener la sécurité et la sérénité au pays des cèdres.
Or force est de constater que si les noms qui circulent, comme celui de Samir Geagea, ou celui, sans doute plus crédible, de Michel Aoun ou même d’Amine Gemayel, sont ceux de personnages majeurs de la vie politique libanaise, ils auront beaucoup de difficulté à incarner ce pouvoir fédérateur nécessaire au Liban aujourd’hui. Tout ceci ne laisse rien présager de bon pour ce Liban dont la position géopolitique a toujours suscité les plus grandes convoitises.

En effet, ses terres fertiles de la façade maritime ou sa très grande richesse en eau douce, qui en fait le plus riche bassin hydrographique aux alentours, ou encore des gisements pétroliers et gaziers découverts très récemment au large du pays, ne sont qu’une partie des raisons très objectives qui peuvent motiver de puissants voisins dans leur désir de domination du Liban. Cette dernière découverte risque fort de changer la donne dans cette région du monde. Israël a déjà revendiqué ces ressources, tout comme Chypre, puisque celui des pays qui les exploitera sera assuré de rentrées substantielles et sera en capacité de construire un système social digne de ce nom et qui lui sera envié par tous les pays voisins, qui en sont presque totalement dénué.
Face à tous ces défis qui attendent le Liban dans les années à venir, le futur Président de la République libanaise jouera un rôle clé dans la stabilité du pays, l’avenir du pays en dépend. 

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