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Enjeux de la gestion des RH

Doté de sa propre stratégie nationale, lancée en 2010, le secteur de la logistique et du transport connaît une dynamique certaine qui a un fort impact sur la compétitivité économique du Royaume. Pour accompagner ce développement, la disponibilité des ressources humaines qualifiées demeure un enjeu crucial dans la réussite de la mise en œuvre de cette stratégie. En effet, le développement de la formation et des compétences fait partie des axes prioritaires de la stratégie nationale qui ambitionne de former plus de 60 000 personnes à l’horizon 2015. Dans ce sens, lors de la troisième réunion du Comité régional de l’Union internationale des transports routiers pour l’Afrique, qui a été tenue récemment à Abidjan, le président de la Fédération du transport de la CGEM (FT-CGEM), Abdelilah Hifdi, a présenté l’expérience du Maroc dans la formation en la logistique, rappelant le rôle pionnier qu’occupe le Royaume en Afrique en termes de formation de profils qualifiés.

Enjeux de la gestion des RH

Quelles sont donc les caractéristiques de la gestion des RH dans ce secteur ? Quels sont les profils les plus demandés par les entreprises au Maroc ? À quels types de problématiques RH sont le plus souvent confrontés les opérateurs de la logistique et du transport ? Et quels sont les défis RH que doivent relever les acteurs de la logistique et du transport pour l’année 2014 ? Abdelkabir Charkaoui, Docteur en Logistique & SCM, expert et professeur universitaire, invité du Matin Emploi, revient sur le sujet. Entretien.


Entretien avec Abdelkabir Charkaoui, Docteur en Logistique & SCM/Expert et professeur universitaire

«La place de la formation et de la formation continue est stratégique dans le développement du secteur»

Le Matin Emploi : Pourriez-vous nous donner un bref aperçu sur le marché de l’emploi au niveau du secteur de la logistique et du transport ?
Abdelkabir Charkaoui : La modernisation et la mise à niveau du secteur est toujours en phase de lancement. Présentement, seul le Logistics Performance Index (LPI) de la banque mondiale permet d’avoir quelques éléments chiffrés sur le niveau de la compétitivité logistique du Royaume (selon le dernier rapport du 2012, le Royaume est passé à la 50e position sur 155 pays évalués contre la 94e place en 2007). Sur le terrain, il faut noter que ce «bond» est dû, d’une part, à la libéralisation des transports, et d’autre part, aux développements des infrastructures de commerce et de transport. Le Maroc dispose d’un réseau de
1 416 kilomètres d’autoroutes, de 700 kilomètres de voies express, des ports de Tanger-Med, ainsi que d’autres chantiers entrepris dans le transport ferroviaire, sans oublier bien évidemment les ZLMF (Zone logistique multi-flux) qui constituent le 1er axe du contrat-cadre traçant la stratégie logistique du Maroc. Certes, ce n’est pas du tout aisé de juger une stratégie en cours de réalisation, mais le marché de l’emploi présente un constat sans appel… Seules les entreprises ouvertes à l’international sont dotées de stratégies logistiques et de ressources humaines claires.
Ceci est expliqué par trois handicaps : le premier est structurel (structures non adaptées à la logistique, structures pyramidales, distorsions de l’information et de la prise de décision…), le deuxième est organisationnel (cloisonnement des fonctions, rétention de l’information…), le dernier est institutionnel (manque de réformes au niveau des établissements publics, absence d’encouragement de l’État…).

Quelles sont les caractéristiques de la gestion des RH dans ce secteur ?
La situation de la gestion des ressources humaines dans le domaine de la logistique et du transport au Maroc présente plusieurs constats.
• Le premier constat est relatif au nombre réduit des compétences formées (selon les professionnels), mais également à la qualité des formations dispensées qui reste en déphasage avec les besoins réels du secteur (techniciens, techniciens spécialisés des métiers de la chaîne logistique).
• Le deuxième constat se réfère au marché de l’emploi qui se caractérise actuellement par une inadéquation forte entre l’offre et la demande en termes de profils, en particulier pour les métiers des opérateurs.
• Le troisième constat renseigne que la modernisation du secteur crée une demande de profils nouveaux, parfois très spécialisés et peu ou pas disponibles sur le marché national.
• Le quatrième et dernier constat précise que la logistique consomme beaucoup de ressources humaines qui ne sont pas disponibles dans l’immédiat sur le marché. Certes, des efforts sont déployés mais on ne sentira pas leurs effets dans l’immédiat, les résultats seront effectifs sur le long terme (vu le rythme avec lequel la stratégie avance, il faut être plus qu’optimiste pour espère de bons résultats dans un avenir proche). Le plus important c’est de mettre en place des initiatives qui mettent en avant d’une part : La ventilation des besoins sur les systèmes de formation existants, c’est-à-dire la définition des profils à l’entrée/sortie et de partenariats possibles, et d’autre part la mise en place d’un mécanisme de suivi garantissant l’adéquation quantitative et qualitative entre l’offre de formation et la demande générée par les métiers du secteur.

Dans un contexte fortement concurrentiel, quels sont les profils les plus demandés par les entreprises au Maroc ?
Il faut noter d’entrée que le secteur de la logistique et du transport est parmi les secteurs les plus consommateurs de ressources humaines. La plupart des opérateurs marocains déclarent être actuellement à la recherche de personnel/profil d’exploitation, commercial et de personnel d’encadrement intermédiaire. Le déficit des ressources humaines au profil adapté aux exigences des différents métiers de la logistique est frappant. La demande en compétences est beaucoup plus orientée vers les candidats issus d’écoles spécialisées afin d’intégrer des profils ayant déjà un bagage en transport et logistique, mais un manque flagrant est à signaler au niveau des profils de techniciens et d’agents opérationnels alors que l’essentiel de l’offre de formation est focalisé sur les profils d’encadrement. En gros, le secteur compte une trentaine de postes dans les différents métiers de l’entreposage et du transport. Les demandes les plus importantes portent sur le personnel de manutention et de conduite, puis les postes de maîtrise, pour les chefs de quai, d’expédition, d’exploitation et la direction logistique et de la Supply Chain.
En résumé, le secteur compte une trentaine de postes dans les différents métiers de l’entrepôt et du transport. Les offres d’emploi les plus importantes et récurrentes portent sur le personnel de manutention et de conduite, puis les postes de maîtrise, pour les chefs de quai, d’expédition, d’exploitation et la direction logistique et de la Supply Chain. (Voir tableau)

À quels types de problématiques RH, sont le plus souvent confrontés les opérateurs de la logistique et du transport ?
La première problématique qui revient le plus souvent et celle liée au fait que la plupart des responsables logistiques (en exercice) ne sont pas diplômés de formation de base en logistique, mais des profils qui se sont reconvertis en cours de route pour se retrouver finalement à la tête d’un service ou d’un département logistique.
Une deuxième problématique est à citer également, il s’agit d’un manque remarquable au niveau du savoir-être des responsables logistiques, surtout côté management interculturel et de la gestion de la diversité, compte tenu de l’aspect multinational des intervenants des chaînes logistiques. Finalement, il faut dénoncer le nombre de lauréats de formation Bac+5 et Ingénieurs à vocation-cadre et de profils dirigeants, contre une pénurie de diplômés en métiers opérationnels, ce qui présente un frein pour le développement et le soutien des stratégies déployées par les professionnels.

Quelle est donc, selon vous, la place de la formation et de la formation continue ?
Nous jugeons que la place de la formation et de la formation continue est stratégique dans le développement du secteur, et ce, pour plusieurs raisons. D’une part, les entreprises marocaines à vocation logistique et transport sont souvent intégrées dans des Supply Chain à l’internationale, ce qui exige un niveau de formation et de mise à niveau continu des ressources opérant dans ce genre d’entreprises le plus souvent livrées à une concurrence mondiale sans âme et surtout qui ne met plus en compétition les entreprises entre elles, mais les chaînes logistiques entre elles.
D’autre part, les métiers du secteur de la logistique (sous la pression de la même hyper concurrence) ne cessent de se métamorphoser et d’évoluer, que ce soit en terme de création de nouveau métier ou au niveau de la complexité et de l’éventail des tâches assignées aux ressources déjà en exercice. Face à cette réalité, nous déployons à haute voix un manque flagrant sinon l’inexistence presque totale, surtout au niveau des formations initiales (écoles d’ingénieurs ou grandes écoles de commerce) du volet pratique, des stages alternés et de terrain sur les programmes pédagogiques accrédités, étant donné que le stage de fin d’études reste insuffisant pour ce type de profil et de formation.

D’après vous, quels sont les défis RH que doivent relever les acteurs de la logistique et du transport pour l’année 2014 ?
D’après ma modeste expérience dans le secteur, le premier défi à surmonter et de pouvoir dispenser des formations en langue anglaise, vu que c’est la langue officielle de la logistique.
C’est pour moi une des premières pistes d’amélioration si nous espérons hisser nos entreprises marocaines au même niveau de performance pour pouvoir concurrencer leurs rivales, surtout en Afrique du Sud.
Certes, le Maroc bénéficie de plusieurs avantages (géographique, stabilité politique…), mais beaucoup de chemin reste à franchir à ce niveau, et l’État marocain doit jouer son rôle pour amorcer des actions tangibles et rapides. Il ne faut pas également oublier que le secteur informel de la logistique reste le point noir du secteur, ce qui rend encore certaines problématiques compliquées et difficiles à surmonter.
La majorité des entreprises marocaines opérant dans le secteur sont des structures à prédominance familiale et donc les pratiques ressources humaines sont toujours traditionnelles. 

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