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Leur savoir est-il en porte à faux avec les valeurs des sociétés modernes ?

● Pr Mahamat Seid ABAZÈNE SEID
[email protected]/[email protected] N’Djamena, Tchad.

Leur savoir est-il en porte à faux avec  les valeurs des sociétés modernes ?
Quelles éducation ? • Trouver le moyen de recueillir le savoir des anciens, d’en tirer ce qui peut être utile.bPh. AFP

La crise algérienne, d’où est parti tout le mal dans la sous-région du Maghreb et du Sahel, est née de la confiscation des droits d’une part et du torpillage de la démocratie sur pression occidentale, et tout particulièrement française, d’autre part ; ce qui a transformé le FIS (Front islamique du salut) de parti politique en mouvement jihadiste, algérien d’abord, puis sous-régional.

La même exclusion, souvent très sanglante, dont sont victimes les mouvements islamistes, est le facteur principal des crises que nous connaissons : Mali, Égypte, Nigeria, RCA et, ce dont on parle moins ces derniers temps, le Soudan. Quelle peut être la solution que proposeraient les sages pour le traitement de cette crise ? Je voudrais situer là la problématique que sous-tendent les questions qui ont été posées et qui ne peuvent, en cinq minutes, être abordées séparément, d’où la nécessité de les voir sous un angle global. Sur le plan du savoir, le Maghreb et le Sahel sont tous deux d’obédience malikite, c’est-à-dire, sur le plan islamique, d’une même école juridique. Je déplorerais donc l’exclusion des islamistes de cette rencontre, lesquels auraient eu leur mot à dire sur la question de leur exclusion, raison profonde de la crise.

Nous vivons une confrontation entre le droit colonial imposé par les pouvoirs publics et la tradition (charia) qu’on tente par tous moyens d’éradiquer. Un concept développé par Ataturk, Nasser et Bourguiba, cherchant à imposer un modernisme par l’oppression. Ce qui n’est évidemment pas sage et la situation actuelle en est le fruit. La sagesse aurait conseillé un retour en arrière après l’échec des pouvoirs politiques et des laïcs du monde arabe et africain à trouver une solution autre que la méthode répressive qui a engendré les mouvements islamistes (Frères musulmans, FIS, Ennahda…), transformés par l’oppression et les confiscations en mouvements armés (Al Qaïda, GIA, Aqmi, Mujao, Nosra, EIIL, Boko Haram), lesquels basculent, par un irritant dogmatisme, vers une interprétation rocailleuse des normes se traduisant, en conjugaison avec l’oppression des pouvoirs publics, en terrorisme. Une seule phrase du Coran aurait répondu à toutes les questions posées : soyez justes quand vous gouvernez (ou jugez parmi) les hommes : Ce adl, cette justice, nous ne l’espérons malheureusement pas des mouvements jihadistes qui procèdent de la même méthode d’oppression que nos pouvoirs publics.

La solution se trouve donc dans la compréhension de ce verset, lequel ne peut être maintenu dans l’archaïsme juridique développé par les islamistes soutenus par des pays d’obédience hanbalite du Golfe, lesquels disposent de moyens financiers énormes leur permettant de réaliser leurs visées. Le hanbalisme étant, bien entendu, la forme primitive du malikisme. Il s’agit, d’un point de vue de sage, en nous maintenant dans notre propre tradition, d’arriver à ce que j’appellerais les acquis de la colonisation. Nous devrions pour ce faire appeler en guise de recommandations à :

1. Faire en sorte que s’arrête l’oppression de nos pouvoirs publics que ne cessent de dénoncer les associations des droits de l’homme.

2. Cesser de diaboliser l’islamisme en opposant aux extrémismes des solutions médianes vers lesquelles pourraient converger nos masses, attirées par les mauvais prophètes, en raison d’une éducation défectueuse prônée par nos États.

3. Avoir une vue juste du droit, fondée sur nos réalités au lieu de l’opposition des lois par la méthode oppressive sous l’influence de nos intellectuels, qui n’ont qu’une vue approximative de nos valeurs traditionnelles, dont le fiqh, lequel n’est rien d’autre que la science juridique.

4. Redéfinir l’enseignement des sciences juridiques dans nos facultés de droit de manière à ce que le droit musulman (qui inclut ce qu’on a appelé péjorativement le droit coutumier) puisse être mieux enseigné suivant une méthode progressiste au lieu du dogmatisme dans lequel il est maintenu et qui est la source fondamentale des dérives jihadistes : je pose ici clairement l’ouverture de l’ijtihad par une renonciation du taqlid hérité des Byzantins *. Cette ouverture de l’ijtihad passe par la réforme de notre système éducatif et la réorientation de la politique intérieure de nos États. En conclusion, le savoir des anciens est un socle dont on doit toujours tenir compte, puisqu’il est le fondement de nos sociétés.

Certes, il y a des valeurs à modifier en ce qu’elles ne correspondent plus aux réalités de la vie. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille couper l’arbre au pied pour en cueillir le fruit. Il suffit de se trouver un moyen de le cueillir, lequel moyen devrait être approprié. C’est là la problématique de nos États dans la définition de nos politiques de l’éducation nationale, lesquelles ont tendance à ignorer la nature de nos propres sociétés pour vouloir nous imposer celle des autres, lesquelles ne sont pas forcément mauvaises. Il suffit de savoir les exploiter pour en tirer substantiellement ce qui peut nous être utile. Une éducation, oui, mais laquelle, là est la question. 

* P.C. Timbal, Histoire des institutions et des faits sociaux, 2e édition Dalloz, Paris 1961, pp. 32 et 33 : l’Empire romain a eu à imposer une telle limitation : Gaius, Papinien, Paul, Ulpien, ressemblent de trop près à la limitation sunnite aux maîtres des quatre grandes écoles Abu Hanifa, Malick, Chafé’i et Ibn hanbal.

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