Menu
Search
Vendredi 29 Mars 2024
S'abonner
close
Vendredi 29 Mars 2024
Menu
Search
Accueil next Conférence Internationale Du Sucre

La France et le Maroc prennent un nouveau départ à Tanger

Bouchra Rahmouni BenhidaProfesseur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

La France et le Maroc prennent  un nouveau départ à Tanger

Après une année de brouille et une réconciliation historique, scellée officiellement à l'occasion de la visite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à l'Élysée le 4 avril dernier, la France et le Maroc semblent bien décidés à prendre un nouveau départ dans leur relation. C'est du moins ce que laisse penser la visite que le Président français, François Hollande, a effectuée du 19 au 20 septembre derniers. Mais quels en sont les enjeux ?

Les vrais amis ne peuvent rester longtemps fâchés et c'est ce que viennent de démontrer la France et le Maroc. Ces deux pays, dont les relations dépassent le simple cadre économique et politique pour atteindre une dimension fraternelle et historique, ont su dépasser une année entière de malentendus qui a bien failli détruire leur longue amitié.

Une visite nécessaire

Le conflit était pourtant plus que sérieux avec des incidents aussi graves que les propos malheureux de certains diplomates ou encore la descente des forces de l'ordre françaises à la résidence de l'ambassadeur marocain. Mais il relevait plus d'incompréhensions, de mauvaises appréciations et surtout d'un grand manque de communication que d'une réelle séparation entre les deux pays. Ces derniers l'ont d'ailleurs bien compris et ont souhaité repenser leurs relations pour éviter que les conflits de ce type ne se reproduisent.

Des enjeux très importants pour les deux pays

Parce que des partenaires de ce calibre ne peuvent se permettre des ruptures de relation aussi longues et aussi sérieuses, il était primordial de repenser le partenariat pour mettre en avant les qualités des uns et des autres et surtout promouvoir le respect mutuel. Pour le Maroc tout d'abord, la nouvelle relation devra confirmer et faire reconnaître son statut de partenaire stratégique pour la France. Car sur des questions aussi sensibles que celles de la sécurité et de la montée des mouvements terroristes dans la région, le Royaume se retrouve en première ligne et a suffisamment démontré son efficacité. Il est également très avancé sur le modèle de société grâce à sa conception, unique dans la région, du vivre ensemble et de la tolérance entre les religions. Enfin, ses multiples actions en Afrique et sa nouvelle politique de coopération Sud-Sud en font un intermédiaire incontournable entre la France et la partie subsaharienne du continent. La France l'a bien compris en posant des gestes importants tels que la demande de formation de 50 imams français à l'Institut Mohammed VI au Maroc et en renforçant la coopération existante en matière sécuritaire et économique. François Hollande, qui était accompagné de nombreux chefs d'entreprises – notamment ceux de Thalès, la SNCF, Bouygues ou encore Véolia et EDF-énergies nouvelles –, a ainsi visité le site de maintenance des rames de la future ligne à grande vitesse Tanger-Casablanca dont l'entrée en service est prévue en 2017-2018.

De son côté, la France a également de grands intérêts à défendre dans sa relation avec le Royaume. Des intérêts économiques tout d'abord, car malgré son statut d'investisseur majeur au Maroc, elle est d'ailleurs le premier investisseur étranger, la France n'est plus le premier partenaire économique du Royaume. Cela fait désormais 3 ans que l'Espagne est devenue le premier partenaire du Maroc en termes d'échanges commerciaux : selon les chiffres de l'Office national des changes, le Royaume réalise en effet 16% de ses échanges commerciaux avec l'Espagne contre 15,8% avec la France. Un autre fait révélateur de cette réalité économique, l'hexagone enregistre ces dernières années un déficit commercial avec le Maroc qui est essentiellement le résultat de la baisse de ses exportations françaises, notamment au niveau des céréales, dont la demande a été moins importante, et de la hausse des exportations marocaines gonflées par l'installation récente de Renault. Il s'agit d'une situation difficile pour la France qui voit déjà d'autres parmi ses partenaires historiques réduire leurs relations commerciales avec elle. Cette visite est donc primordiale pour dynamiser les relations économiques entre les deux pays et pour renforcer leur partenariat stratégique. Sur le climat, où ils doivent parler d'une même voix en tant qu'organisateurs des deux prochaines conférences mondiales (COP21 et COP22), mais également sur la scène géopolitique internationale où la France est en perte de vitesse.

Que peut gagner le Maroc dans cette nouvelle relation ?

Même si les choses ne sont pas dites clairement, le Maroc détient aujourd'hui un certain avantage dans la nouvelle configuration des relations. La conjoncture internationale, et notamment la montée du terrorisme et du djihadisme, en fait un allié dont la France peut difficilement se passer. C'est donc désormais à lui d'utiliser ses cartes avec intelligence et surtout sur le long terme. Avec intelligence en faisant avancer des projets structurants et réellement pertinents pour son développement grâce à l'aide française. Et sur le long terme en pensant à institutionnaliser les relations avec l'Hexagone. Rappelons qu'au-delà des hommes, ce sont les institutions qui restent et l'une des choses que cette crise a mises en évidence, c'est que les relations changent rapidement au gré des pouvoirs en place à Paris. Il est donc plus judicieux de promouvoir des concepts chers à l'identité marocaine tels que la culture de l'islam tolérant et du savoir-vivre ensemble ou encore l'intégration de la diaspora marocaine dans l'Hexagone. n


Lisez nos e-Papers