Menu
Search
Jeudi 25 Avril 2024
S'abonner
close
Jeudi 25 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Économie

Pourquoi c’est le moment de libéraliser, les explications de la Banque mondiale

Pourquoi c’est le moment de libéraliser,  les explications de la Banque mondiale

Le Maroc se prépare à un régime de change flexible. Une décision majeure confirmée par le gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdelatif Jouahri, à l’issue du Conseil de l'institut d'émission le 24 mars dernier à Rabat. Dans certains milieux d'affaires et universitaires, c'est la stupéfaction. Est-ce le bon moment pour le Maroc de renoncer à son système actuel ?
En tout cas, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) poussent depuis plusieurs années le pays vers une plus grande souplesse de son régime de change. Le Maroc s'apprête donc à sauter le pas. Une décision qui n’est pas sans risque. Une assistance technique du FMI a été sollicitée par le gouvernement. La Banque mondiale se dit également prête à offrir toute son assistance pour accompagner cette nouvelle phase d’ouverture et de libéralisation de l’économie marocaine. Jean-Pierre Chauffour, économiste principal de la Banque mondiale pour le Maroc, livre son avis sur les avantages et les risques de cette libéralisation. Entretien.

Le Matin Éco : Que gagnera le Maroc s'il évolue vers un régime de change flexible ?
Jean-Pierre Chauffour : Maintenir un taux de change fixe et inchangé indépendamment des aléas économiques internes et externes consiste essentiellement à se priver des signaux du marché et d’un instrument pour ajuster l’économie de manière graduelle et permanente. Comme tout prix, le taux de change permet d’ajuster l’offre à la demande ; en l’occurrence l’offre et la demande pour l’économie nationale. Fixer le prix du dirham trop haut, et c’est la demande pour l’économie nationale qui fléchit. C’est-à-dire les exportations, l’emploi et à terme le niveau de vie. En l’absence de flexibilité des prix et des salaires internes, le pays peut alors se trouver durablement dans un équilibre sous-optimal avec de forts déséquilibres extérieurs -déficits du compte courant- et intérieurs –chômage- qui ne peuvent s’autocorriger.
Un régime de change plus flexible permettrait au taux de change de trouver en permanence son «juste prix» en fonction des aléas économiques internes et externes du pays. Le prix d’équilibre du dirham sur les marchés fluctuerait en fonction de la gestion de la liquidité interne, y compris des besoins de financement du budget de l’État, de la productivité relative de l’économie marocaine, des fluctuations des termes de l’échange, et de multiples autres facteurs liés aux anticipations des marchés. Parmi celles-ci, les perspectives en matière d’investissements directs étrangers (IDE) et autres investissements de portefeuille contribueraient à positionner le dirham vis-à-vis des autres devises étrangères en fonction des forces du marché.
La conjoncture actuelle nationale et internationale est-elle favorable à un régime de change flexible ?
Une transition réussie vers un régime de change flexible suppose effectivement qu’un certain nombre de conditions préalables soient satisfaites, notamment une solidité du secteur bancaire, y compris une capacité de supervision des risques de change pris par les banques, des finances publiques saines, et un niveau confortable de réserves de change. Par ailleurs, le fonctionnement même d’un régime de change flexible suppose le développement d’un marché des changes profond et liquide de façon à éviter les fluctuations de change intempestives. La réduction actuelle des déficits budgétaire et de la balance courante et les perspectives de réductions supplémentaires de ces déficits en 2015 et à moyen terme créent à nouveau les conditions d’une libéralisation possible du régime de change : les réserves de changes ont été reconstituées, le pays a conservé un accès favorable aux marchés financiers, et les banques marocaines ont continué à renforcer leurs fonds propres et leur gestion des risques de change. La baisse de l’euro combinée au choc positif sur la balance des paiements de la chute des cours du pétrole renforce actuellement ces conditions favorables.

Que risque le Maroc en passant à un régime de change flexible et comment limiter ces risques ?
Lorsqu’une «petite» économie ouverte comme le Maroc opte pour la flexibilité du taux de change, elle s’expose aussi aux aléas des marchés et donc aux coûts potentiels d’une forte volatilité du taux de change. La poursuite de politiques macroéconomiques prudentes devient alors une condition sine qua non de la stabilité du taux de change ; les fluctuations du taux de change sur les marchés fournissant en continu des informations permettant aux autorités de prendre la juste mesure de l’impact macroéconomique de leurs décisions monétaires et budgétaires, favorisant ainsi des corrections rapides de politique économique. Cette plus grande stabilité potentielle autour des équilibres interne et externe serait également source de confiance ; confiance, qui indirectement, pourrait favoriser les investissements directs étrangers, la croissance et l’emploi.
Les autorités monétaires marocaines semblent de plus en plus convaincues des vertus d’un régime de change plus flexible. II y a quelque temps déjà, elles avaient annoncé sa possible mise en œuvre sur une période de 3 ans. Compte tenu des enjeux en termes de croissance et d’emplois et des aspirations de la population, et si les conditions sous-jacentes restent favorables, le Maroc ne pourrait que bénéficier d’une accélération de ce calendrier. La Banque mondiale se tient prête à offrir toute son assistance pour accompagner cette nouvelle phase d’ouverture et de libéralisation de l’économie marocaine.

Lisez nos e-Papers