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À la recherche d’un nouveau souffle

Dans les années 1960, les combattants de la Sierra Maestra avaient défait une dictature corrompue inféodée aux États-Unis et avaient résisté à l’invasion, aux tentatives d’assassinat, à l’embargo économique et au financement de l’opposition. Cuba était devenue un symbole de fierté latino-américain. Une image qui s’est ternie au fil des années, du fait de la répression, des pénuries et des procès. Jean-Paul Sartre l’avait bien prédit dans l’un des articles qu’il avait consacrés à Cuba : «Quand l’homme-orchestre est trop vieux, la révolution grince, elle est raide».

À la recherche d’un nouveau souffle
Ph. Fotolia

Malgré l’embargo imposé par les États-Unis en 1962, renforcé en 1996 par la loi Helms-Burton et en 2004, Cuba a consolidé ses relations avec ses voisins, ainsi qu’avec plusieurs autres pays. À ce titre, il convient de souligner que ses liens se sont renforcés sur la base d’une idéologie apparentée, sur le plan politique, avec le Venezuela, la Russie et la Chine. Cuba est tout de même resté fidèle à sa position de départ qui consistait à favoriser les rapprochements avec tout pays latino-américain ou caribéen libéré de la domination extérieure et de l’oppression intérieure. Trente des 32 pays d’Amérique latine et des Caraïbes, à l’exception du Salvador et du Costa Rica, ont toujours maintenu des relations diplomatiques avec Cuba. Une situation qui s’est ancrée depuis que les partis de gauche ont le vent en poupe en Amérique du Sud, cette tendance a permis d’augmenter les échanges et les investissements entre Cuba et plusieurs pays de la région.

Les relations étaient particulièrement très étroites avec le Venezuela, à tel point que les États-Unis d’Amérique voyaient dans l’axe Venezuela-Cuba une menace à leur sécurité et à celle de leurs alliés dans la région. Une telle alliance risquait de renforcer les sentiments antiaméricains et d'encourager l’adhésion aux mouvements de la gauche en Amérique latine. Une idée qui s’est renforcée, en 2003, lorsqu’une grande admiration fut manifestée pour Chávez et Castro pendant la tenue à Caracas du Congrès bolivarien des peuples. Plus récemment, lors du deuxième sommet de la Communauté d’États latino-américains et caraïbes (Celac), le 29 janvier 2014, les dirigeants des pays de la région ont proclamé Fidel Castro «guide politique et moral d’Amérique», un titre qui illustre bien le soft power dont dispose Cuba via le «líder máximo» dans le sous-continent.

L’intégration économique proposait un cadre subtil et adéquat pour l’alliance venezuelo-cubaine. Le Venezuela reste, d’ailleurs, le plus grand partenaire commercial de Cuba. Le premier pas vers cette intégration débuta en 2001, lorsque Chavez annonça, lors du IIIe Sommet des Chefs d’État et de gouvernement de l’Association des États des Caraïbes, un projet d’intégration des pays d’Amérique latine et des Caraïbes à travers l’Alternative bolivarienne pour l’Amérique (Alternativa Bolivariana para la América, ALBA). Beaucoup y ont vu une initiative qui s’opposait au projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA). En 2004, la valeur totale des échanges de biens et services entre les deux pays avait atteint presque 2.400 millions de dollars, puisqu’environ 200 projets bilatéraux d’une valeur de 874,6 millions avaient été initiés. À ce titre, il convient de souligner que les échanges entre les deux pays portent essentiellement sur le pétrole vénézuélien et sur l’envoi de médecins et autres personnels de soutien de la part de Cuba. Le soutien du Venezuela se manifestait aussi dans le rééchelonnement de la dette cubaine. Néanmoins, depuis la disparition d’Hugo Chavez et la crise du pétrole, le pays préfère s’occuper de ses problèmes intérieurs. Le soutien d’autres pays devenait plus que nécessaire.

Tout comme le Venezuela, la Chine à son tour soutient Cuba à travers le rééchelonnement de la dette cubaine, auquel s’ajoutent des dons en nature. Toutefois, le plus grand support demeure la défense des positions de Cuba dans les forums internationaux, plus précisément à l’Organisation des Nations unies (ONU), d'autant plus que la Chine détient un droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU. Sur le plan économique, en plus d’investir dans l’exploitation des matières premières à Cuba, la Chine est devenue le troisième partenaire commercial de Cuba, après le Venezuela et l’Espagne. 

Quant à la Russie, malgré les trahisons commises par Moscou (voir encadré), l’évolution des relations entre elle et Cuba s’est faite sur la base d’une diversification des partenariats dans des secteurs de haut niveau. Contrairement aux autres partenaires, la particularité du partenariat russo-cubain réside dans le fait que celui-ci vise le secteur de l’industrie, les transports, la biotechnologie et le tourisme. Il s’agit là de secteurs porteurs dont le développement est crucial pour l’avenir de l’archipel.

En décembre 2014, Cuba décide de normaliser les relations diplomatiques avec son ennemi juré les États-Unis. Une décision qui correspond à la volonté cubaine de retrouver un nouveau souffle de croissance et de faire face à la contestation sociale grandissante. Pour La Havane, la recherche d’investisseurs et de capitaux pour lutter contre la pauvreté et ses autres maux est devenue vitale, et cela quel qu’en soit le prix. Les efforts pour attirer les investisseurs étrangers se sont ainsi multipliés depuis 2008 avec notamment la création d’une zone franche dans le port de Mariel pour les entreprises étrangères, les encouragements aux entreprises et aux coopératives privées ou encore le début de la distribution des terres : 1,6 million d’hectares ont déjà été distribués en usufruit. Les Américains, de leur côté, ne pouvaient rester insensibles à ce marché de 14 milliards de dollars situé à seulement 150 km de leurs côtes, d’autant plus que les Cubains importent près de 80% de leurs denrées alimentaires. Il n’en aura pas fallu plus aux agriculteurs américains pour monter l’US Agriculture Coalition for Cuba, une association qui se bat pour la levée de l’embargo des États-Unis sur Cuba et qui aura certainement gain de cause.

La face cachée de la mondialisation libérale en cours a suscité un regain d’intérêt et de solidarité de la part de beaucoup de pays en Amérique latine envers Cuba. Certains ont été jusqu’à porter des mouvements de gauche au pouvoir. Certes, Cuba a refusé, pendant des décennies, de céder au système capitaliste et libéral de l’Occident, mais il s’avère nécessaire pour les héritiers de Castro de mener des réformes profondes, radicales mêmes, de son système économique, social et politique s’ils souhaitent voir Cuba réintégrer le concert des nations. Et pour cela, ils ont besoin des capitaux et du soutien de pays autres que ceux qui partagent la même idéologie. 


Quand la Russie a trahi Cuba

Par le passé, Cuba a été victime d’une triple trahison de la part de Moscou. Dans un article, Salim Lamrani, spécialiste des relations entre Cuba et les États-Unis, avait écrit : «Tout d’abord, lors de la crise d’octobre 1962, Nikita Khrouchtchev avait décidé de retirer les missiles sans même prendre la peine de consulter le gouvernement d’Osvaldo Dorticos et de Fidel Castro. Ensuite, lors de la chute du bloc soviétique, du jour au lendemain, le Président Boris Eltsine avait rompu les accords économiques, commerciaux et financiers avec La Havane, plongeant la nation dans la pire crise économique de son histoire. Enfin, en 2001, Vladimir Poutine a pris la décision unilatérale de fermer la station radar de Lourdes à Cuba, toujours sans consulter les autorités de l’île, pour répondre aux injonctions de George W. Bush. Pourtant, celle-ci était vitale pour la sécurité de la nation caribéenne et générait des revenus de 200 millions de dollars par an à Cuba». (Source : Mondialisation.ca).

La Russie n’est plus un partenaire fiable

«À un moment déterminé, nous sommes arrivés à la conclusion que si nous étions directement attaqués par les États-Unis, jamais les Soviétiques ne lutteraient à nos côtés. De plus, on ne pouvait même pas leur demander cela. Avec le développement des technologies modernes, il était ingénu de penser, ou de demander ou d’espérer que cette puissance se battrait avec les États-Unis, si ces derniers intervenaient dans la petite île que se trouvait ici à quatre-vingts milles du territoire nord-américain. Et nous avons eu l’intime conviction que cet appui n’arriverait jamais. Plus encore : un jour nous avons directement posé la question aux Soviétiques, plusieurs années avant la disparition de l’URSS. “Dites-le-nous franchement”. “Non”, ont-ils répondu. Nous savions qu’ils allaient répondre cela. Et donc, plus que jamais, nous avons accéléré le développement de notre conception et nous avons perfectionné les idées tactiques et stratégiques avec lesquelles cette Révolution a triomphé et a vaincu sur le terrain militaire une armée cent fois plus nombreuse en hommes et on ne sait combien de fois supérieure en armes. Après cette réponse, plus que jamais, nous nous sommes ancrés sur nos conceptions, nous les avons approfondies et nous nous sommes renforcés à un tel point que l’on peut affirmer aujourd’hui que ce pays est militairement invulnérable ; et non pas en vertu d’armes de destruction massive».

Extrait de l’entretien accordé par Fidel Castro à Ignacio Ramonet, paru dans «Cien horas con Fidel» (La Havane : Oficina de Publicaciones del Consejo de Estado, 2006), tercera edición, pp. 415-16.


Cuba : Révolution et immigration

Cuba, le seul pays communiste du continent, est un archipel de 110.000 km² et 11 millions d’habitants, un pays petit par la taille, mais grand par la présence. Cuba c’est avant tout une île située dans le golfe du Mexique, entourée par la Floride et les Bahamas, et qui a été découverte par les conquistadors au milieu du XVIe siècle. Elle restera sous l’emprise des Espagnols jusqu’en 1868, avant d’être colonisée par les États-Unis, et n’obtiendra son indépendance qu’en 1934. Alors que toute l'Amérique latine devient indépendante au début du XIXe siècle, Cuba reste colonie espagnole jusqu'en 1898. Elle passe ensuite dans une situation de semi-colonie des États-Unis : l'amendement Platt leur donne en effet la base de Guantanamo et les instaure garants de la Constitution cubaine avec droit d'intervention pour la défendre. Même si Franklin Roosevelt renonce à l'amendement Platt en 1934, l'île reste sous dépendance américaine jusqu'à la victoire de Castro (1959). S’en suivent alors des années de dictature imposée par le régime de Batista, qui sera renversée en 1959 par le héros du pays : Fidel Castro. Cuba a joué un rôle majeur lors de la guerre froide, et a pu s’affirmer grâce à la main de fer de Castro qui a réussi à déjouer plusieurs tentatives de débarquements américains, une résistance qui a valu à la petite île une reconnaissance et un respect de la part des pays à régime communiste, notamment l’URSS. Cependant, ce refus d’obtempérer poussera les États-Unis à placer un embargo qui dure depuis plus de 45 ans, chose qui aurait coulé l’économie du pays si celui-ci n’avait pas été soutenu par l’URSS. Ces mesures drastiques ne décourageront pas pour autant le commandante Castro, qui continuera à appliquer sa politique socialiste, malgré la révolte d’une partie du peuple qui ressentira le besoin de quitter le pays durant les années 1980, pour immigrer aux États-Unis voisins, notamment en Floride, un état où la communauté cubaine se chiffre aux alentours d’un million de personnes.

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