Menu
Search
Samedi 20 Avril 2024
S'abonner
close
Samedi 20 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Spécial Marche verte

Entre une crise qui s’aggrave et la nostalgie d'une habitude qui se perd

Pendant les vacances, les Marocains utilisent de plus de leur temps libre pour renforcer les liens avec le livre et la culture, dans une saison où ce compagnon touche plus largement le public que durant les autres périodes de l’année. L’engouement pour la lecture atteint ainsi son apogée pendant les vacances estivales.

Entre une crise qui s’aggrave et la nostalgie  d'une habitude qui se perd
Les bibliothèques et les espaces dédiés à la lecture se font de plus en plus rares.

La crise du livre et de la lecture se justifie, selon les uns, par les affinités et les priorités quotidiennes de chacun et, d’après d’autres, par la réalité de la lecture dans des sociétés qui manifestent moins d’intérêt et consacrent moins de temps à cette pratique par rapport à d’autres activités favorisées pendant toute l’année. Le roman «Ana Lmansi» est la dernière lecture de Karim, étudiant universitaire de 24 ans, qui ne se soucie pas des dernières publications littéraires, mais qui tient, quand même, à rester fidèle à la pratique de la lecture qui atteint son pic pendant les périodes de vacances.

Selon cet étudiant, les jeunes sont généralement conscients de l’importance de la lecture malgré un certain manque d’engouement qui s’impose suite à des facteurs et des contraintes, notamment la culture sociétale qui place la lecture au dernier rang des priorités et les prix élevés des livres pour le pouvoir d’achat des Marocains. Ces derniers se penchent essentiellement sur l’amélioration de leur niveau de vie, considérant que la lecture est une activité secondaire, voire carrément «un luxe».

Nostalgique, Meryem, âgée de 40 ans, souligne dans une déclaration à la MAP que l’engouement pour la lecture, considérée comme la principale source de la connaissance, est en voie de tarissement. À l’ère d'Internet et des réseaux sociaux, la crise du livre s’aggrave, affirme-t-elle, faisant part de sa nostalgie pour l’époque des études universitaires quand beaucoup comme elle se précipitaient pour lire le plus grand nombre possible de livres et d’œuvres littéraires et philosophiques en dehors du programme scolaire, surtout en période d’été.

Dernièrement, certains éditeurs ont commencé à mettre à la disposition du public des livres électroniques gratuitement disponibles en ligne en vue d’encourager la lecture, sauf que cette nouvelle tendance ne remplace pas l’intimité favorisée par le contact direct avec le livre, qui permet au lecteur de s’arrêter sur les passages attrayants tout en réfléchissant à leur signification et en essayant de lire entre les lignes, poursuit la dame. Cette amoureuse du livre déclare qu’elle veille à diversifier ses lectures qui oscillent entre des publications philosophiques, des recueils de poèmes et des romans, «afin d’entretenir la passion pour le livre et faire de cette pratique une habitude quotidienne».

De son côté, Mohamed, fonctionnaire de 34 ans, note que les gens ne lisent pas beaucoup pendant l’été. Ils préfèrent le divertissement et le voyage, selon ce jeune qui estime que le manque d’intérêt pour la lecture est surtout lié à l'état moral de chacun et à l'ampleur des pressions de la vie professionnelle. «Personnellement, je m’efforce de consacrer un peu de temps pour la lecture, malgré mes engagements, en vue de m’ouvrir sur d’autres cultures et pensées et d’acquérir de nouvelles connaissances», explique-t-il.

Pour sa part, Mustapha, un bouquiniste de 60 ans, a relevé que la lecture n'est pas une pratique saisonnière qui dépend de la disponibilité en temps, faisant observer certaines personnes achètent de façon régulière des livres tout au long de l'année, en attendant le mois du Ramadan ou l'été pour plonger dans les dédales d'un bouquin, le temps d'une escapade livresque. Ce revendeur, qui a passé une vingtaine d'années dans l'antre des livres anciens, ce lieu de savoir riche en ouvrages traitant de divers domaines, a souligné que la lecture doit être «un rituel quotidien et une nécessité comme manger et boire, voire respirer», estimant que les horaires surchargés et le manque de temps ne sont que des prétextes qui contribuent à la baisse du taux de lecture dans les sociétés arabes. Par ailleurs, un collectif de jeunes nommé «Chi Haja» a lancé l'initiative «Dekhla B Ktab» (Un livre pour entrer) qui vise, selon Merouane (21 ans), un membre de l'association, à organiser des rencontres et des activités artistiques et musicales où les participants donnent un livre en guise de prix d'entrée.

«Ces livres recueillis sont destinés à construire des bibliothèques dans les régions les plus reculées du Royaume», a-t-il expliqué. En plus de son but qui consiste à enrichir la banque des livres, le jeune a relevé, dans une déclaration à la MAP, que cette initiative se veut également une occasion pour rappeler la valeur du livre et développer le sens de solidarité chez les individus, outre la diffusion de la culture de la lecture auprès des jeunes à travers l'échange de livres et de publications. «Il s'agit d'une tentative de remédier à ce manque d'engouement pour la lecture», a-t-il enchaîné.

De l'avis d'Ali Chaabani, professeur universitaire et chercheur en sciences sociales, il est assez compliqué de débattre de cette problématique dans notre société marocaine, puisqu'«il y en a certains qui reconnaissent l'existence d'une véritable crise et d'autres qui estiment, au contraire, qu'il n'y a pas lieu de parler d'une quelconque rupture entre l'individu et la lecture, au regard de la diversité et de l'abondance de l'offre en matière de journaux électroniques et de réseaux sociaux qui permettent l'accès à des articles littéraires et philosophiques». «Il existe des facteurs qui contribuent à ce désintérêt pour la lecture dans les sociétés arabes qui préfèrent débattre plutôt que lire, à savoir, le désamour pour les livres et les programmes scolaires qui ne répondent guère aux besoins et aux attentes des jeunes, à une époque où les bibliothèques et les espaces dédiés à la lecture se font de plus en plus rares», fait valoir M. Chaabani.

En plus du volet éducatif, selon le chercheur, il y a une absence d'installations et d'infrastructures culturelles qui peuvent accueillir les mordus des livres, d'autant plus que rares sont les institutions telles que les maisons de jeunes et les associations qui mettent à la disposition des personnes intéressées des espaces pour étancher leur soif de connaissance et de culture.

Lisez nos e-Papers