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Le brown-out : quand le travail perd son sens

Encore un nouveau syndrome qui fait son entrée dans la sphère des pathologies liées au travail : le brown-out. Après l'épuisement professionnel et l'ennui au travail, voici que le travail perd tout son sens pour le collaborateur, le poussant à tout lâcher, à l’image d’une chute de courant électrique qui intervient quand un appareil ne peut plus fonctionner au-delà d’une certaine tension. Les détails avec Hafssa El Bakkali, associée chez Horizon RH-Tanger, coach et consultante d’entreprise.

Le brown-out : quand le travail perd son sens
Le contenu du travail perd son intérêt aux yeux du collaborateur pour différentes raisons : absence de challenges et de stimulations intellectuelles, un désalignement par rapport à ses propres valeurs ou vocation, voire une contradiction entre les t

Éco-Conseil : Après le burn-out et le bore-out, on parle aujourd’hui de brown-out. De quoi s’agit-il au juste ?
Hafssa El Bakkali : Le champ de la psychopathologie s’est enrichi ces dernières années par de nouveaux vocables en relation avec le monde du travail, notamment le bore-out, un terme choisi en 2007 par deux consultants américains, Peter Werder et Philippe Rothlin, pour qualifier les situations d’épuisement professionnel causées par l’ennui à son poste. Le brown-out, qui signifie littéralement «chute de courant», correspond à l’épuisement professionnel conséquent à une perte du sens de son travail. Ce concept a été théorisé par deux autres chercheurs, cette fois un britannique et un suédois (André Spicer et Mats Alvesson), qui, dans leur ouvrage «the stupidity paradox», se sont fondés sur les recherches de l’anthropologue américain David Graeber dénonçant les multiplications de «bullshit jobs» en 2013.

Qu’est-ce qui peut causer un tel syndrome et peut-on en détecter les signes avant-coureurs chez le collaborateur ?
Il est important de noter au niveau des risques psychosociaux que l’ensemble des pathologies mentionnées précédemment est inextricablement lié au stress au travail. Je reviens aux travaux de P. Légeron (2001, 2004) qui précisent que le stress au travail peut être lié :
• Au contexte de travail : changements organisationnels, incertitudes, conflits de rôles…
• Au contenu du travail : sous-utilisation des compétences, sur ou sous-charge de travail, pression sur les délais, sentiment de responsabilité face à son travail.
• Aux difficultés relationnelles avec la hiérarchie, les pairs...
Le burn-out survient quand on souffre d’un stress excessif, généralement pendant une longue période, et qui conduit à un état extrême de saturation physique et émotionnelle. À mon sens, c’est au niveau des facteurs de stress ci-dessus qu’il faudrait chercher la source du bore-out, quand on se retrouve avec une sous-charge de travail, ou du brown-out, quand le contenu du travail perd son intérêt aux yeux du collaborateur pour différentes raisons : absence de challenges et de stimulations intellectuelles, un désalignement par rapport à ses propres valeurs ou vocation, voire une contradiction entre les tâches assignées et son éthique personnelle.
Cela dit, les signes peuvent être très disparates. Il y a le cas des personnes qui, loin de la pathologie, connaissent et acceptent leurs limites et font, de façon délibérée, une demande de changement de poste ou prennent une décision de démission. Mais il y a aussi les cas situés au cœur de la souffrance psychique, où la lutte contre le désintérêt pour leur travail prend la forme d’une réelle crise existentielle, menant vers une maladie dépressive ou même vers une tentative de suicide.

Comment agir face à ce malaise, que ce soit du côté du collaborateur ou de l’entreprise ? Qu’en est-il de la prévention ?
Le contexte où évoluent nos organisations est très délicat. Nous y assistons à une accélération des rythmes de travail, à un excès de situations de dépassement et d’hyperactivité. Ce «culte de l’urgence», selon l’expression de Nicole Aubert, a pour conséquence inévitable une déconnexion par rapport à ses propres besoins et aspirations. C’est une réalité qui s’impose à nos managers. Ceux-ci ne peuvent plus passer à côté des besoins, exprimés ou latents, de leurs équipes. Être à l’écoute de ses collaborateurs me paraît une responsabilité sociale de nos managers, pour plus d’épanouissement et d’accomplissement au travail, loin d’une vision utilitariste qui fait de l’homme un moyen au service d’une course effrénée vers la performance. 

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