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Le CETA est-il déclaré en sursis ?

Après sept années de dures négociations et une objection de dernière minute émise par le Parlement de la Wallonie, une région de la Belgique, l’Union européenne et le Canada ont finalement abouti à un accord de libre-échange le 30 octobre 2016.

Le CETA est-il déclaré en sursis ?
Ph. Fotolia

Au Canada, où les partis libéral et conservateur sont tous deux en faveur de l’accord, le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement ou Accord économique et commercial global), devrait être ratifié par le Parlement sans aucun problème. Mais en Europe, la situation est beaucoup plus compliquée. La signature de l’accord a été retardée de trois jours, suite aux vifs désaccords internes en Belgique. La Wallonie, dont la population constitue 1% de l’Union européenne (UE), s’y est opposée, craignant que l’accord se répercute sur l’agriculture et ne profite qu’aux grandes corporations, rendant non rentable le travail des agriculteurs.

En plus du refus belge, des actions de protestation avaient également secoué d’autres villes de l’UE. Aussi, dix-sept députés européens sociaux-démocrates, écologistes et de la gauche radicale ont dénoncé la signature de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada. Certes, le CETA sera officiellement signé le 30 novembre prochain, mais sa mise en application n’est toutefois pas immédiate : une fois signé, le traité devra en effet passer par une longue procédure de ratification, devant les Parlements nationaux des 28 États composant l’Union européenne et le Parlement canadien avant d’entrer en vigueur. Dans un document de plus de 1.600 pages, le CETA prévoit la suppression de plus de 99% des droits de douane sur les échanges de produits entre l’UE et le Canada. Cette suppression des droits de douane concerne presque tous les produits, à quelques exceptions près, dont certains produits agricoles. Par ailleurs, le CETA offrira une ouverture aux entreprises de l’UE sur les marchés publics canadiens et, selon le principe de réciprocité, les Européens donneront un large accès de leur marché aux entreprises canadiennes. Pour certains partisans du CETA, ce dernier recèle un enjeu géo-économique puisqu’il s’agit de plusieurs parties à fixer et à défendre des standards internationaux élevés (droits de l’Homme, démocratie, respect de l’environnement…).

Ces derniers permettront de lutter contre la concurrence et le dumping chinois. Sur un plan plutôt géopolitique, dans le cadre de la rivalité entre l’extrême droite et l’extrême gauche sur le territoire européen, le CETA fera basculer la balance du côté extrême droite dans la rivalité. Comme il est connu de tous, dans les douze prochains mois, quatre pays européens doivent tenir des élections : l’Autriche en fin 2016, et les Pays-Bas, la France et l’Allemagne en 2017.

Il convient de rappeler, à juste titre, que le vieux continent connaît la coexistence de deux types de mouvement d’extrême droite. L’extrême droite dite «classique», virulente, antisémite, parfois violente, et les «néo-populistes» qui surfent sur deux éléments : la crise économique et la perte de l’identité européenne face à l’immigration et à l’islam.

Les partis appartenant à cette dernière mouvance participent à la vie politique et parfois à certains gouvernements. Les années de mondialisation sauvage ont ancré dans l’esprit des Européens l’idée que leurs gouvernements sont dans l’incapacité totale de maîtriser les dérapages induits par le libre-échange. Il est, donc, fort probable que le CETA fasse adhérer plus de personnes, donc plus d’électeurs, à de tels partis. Ces derniers, une fois élus, appelleront à voter contre l’accord, puisqu’à l’origine ils ont une opinion négative sur les accords de libre-échange. Un tel dénouement politique, dans certains pays européens, risquerait de faire dérailler le CETA au cours du processus de son approbation définitive. Car si avant la question des inégalités, induite par le libre-échange, se comprenait mieux entre le Nord et le Sud, elle est actuellement très perceptible entre les pays du Nord.

La mondialisation a multiplié les opportunités pour les firmes multinationales en tant que force économique. Elles ont acquis une certaine puissance qui fait craindre aux citoyens et aux peuples européens la détérioration de leur situation économique déjà affectée par la crise financière de 2008. Pour devenir définitif, le CETA doit être ratifié par plus de 30 Parlements nationaux et régionaux de l’Union européenne. Ce processus pourrait s’étaler sur plusieurs années et pourrait être renversé par n’importe lequel de ces gouvernements. Cependant, l’approbation, fort probable, de l’accord au cours des prochains mois par le Parlement européen, combinée à l’approbation du Canada, déjà acquise, légitimeront le principe de l’application provisoire en vertu duquel plus de 90% de l’accord commercial entreront temporairement en vigueur dès 2017, et ce contre vent et marée.

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