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Les énergies renouvelables, le nouveau terrain des rivalités

À la veille de la COP 22, la communauté internationale se veut optimiste et affirme que les choses évoluent dans le bon sens. Elle se réfère notamment à la mobilisation de nombreux États qui ont déjà fait parvenir leurs contributions, mais également aux paroles très fortes du Président Obama sur le climat et à l’engagement de la Chine qui est assez inhabituel pour être souligné. Des paroles et des engagements appuyés par leur adhésion à l’Accord de la COP 21.

Les énergies renouvelables, le nouveau  terrain des rivalités
Ph. AFP

Il faut dire qu’il était temps de prendre conscience d’une évidence : si aucune mesure n’est prise, le monde court à sa perte. La température moyenne de la terre a augmenté à hauteur de 0,6% au XXe siècle. Dès la fin des années 1980, le changement climatique est apparu dans l’agenda des négociations internationales et devient dès lors une problématique politique.

La croissance soutenue des nouveaux émergents a fait augmenter encore plus la consommation d’énergie primaire et a contribué ainsi à accentuer les déséquilibres qui menacent la pérennité de la planète, dont le réchauffement climatique. Fonte de la banquise, élévation du niveau moyen des océans et disparition de certaines espèces en seront les principales conséquences pouvant compromettre l’avenir de l’humanité.

Une humanité qui connaîtra de plus en plus de catastrophes liées au climat, comme les sécheresses et les inondations, des phénomènes qui ne manqueront pas d’accentuer la situation de vulnérabilité des populations, comme la pauvreté, le déplacement des populations et la perte des terres et des moyens de subsistance.
À ce niveau, une rupture technologique s’impose, une rupture fondée sur les énergies renouvelables. Les enjeux climatiques joueront forcément un rôle dans la réorganisation des relations internationales. Il est temps de considérer l’influence de plus en plus grande et perceptible des problématiques climatiques et environnementales au sens large dans le remodelage des rapports de force et dans les dynamiques de compétition. Selon le global trend in Renewable Energy, en 2015, les investissements dans les énergies renouvelables (ENR) ont connu une hausse de 5% par rapport à 2014 pour se situer à 286 milliards de dollars. Ce qui révèle une course à la transition énergétique. Une tendance qui se confirme quand on voit que les ENR ont représenté, en 2014, plus de 53% des nouvelles capacités électriques installées.

La puissance étant un concept évolutif, c’est souvent les ruptures technologiques qui redessinent les contours et les moyens de celle-ci. La transition énergétique, en tant que rupture technologique, entraînera dans son sillage quatre types d’évolution majeurs : une évolution industrielle, pour assurer une production de masse ; une évolution des politiques publiques et une évolution réglementaire pour fixer des normes ; une évolution des grandes infrastructures de transport, de distribution et de circulation pour assurer le fonctionnement des nouveaux usages ; une évolution sociétale, pour engager des comportements nouveaux de la part des usagers et des consommateurs. Pour assurer la cohérence et la concomitance de ces évolutions, il faut souvent compter dix à vingt ans, voire plus.
L’année 2015 est qualifiée par plusieurs experts d’année de rupture puisque, pour la première fois, les investissements des pays en développement (PED) en énergies renouvelables, 156 milliards de dollars, ont dépassé ceux des pays développés, 130 milliards. Parmi les plus importants investisseurs en énergies renouvelables dans le groupe des PED on trouve la Chine, l’Inde, le Mexique, l’Afrique du Sud, le Maroc et la Turquie. Le constat est sans appel, les énergies renouvelables deviennent un terrain de rivalité non seulement entre pays développés, mais entre pays développés et pays en développement. Chacun essayant de se préparer du mieux qu’il peut à la future géopolitique énergétique mondiale. 


Le Maroc : Leader des énergies renouvelables en Afrique

À travers sa stratégie des énergies renouvelables, le Maroc se tiendra prêt, influencera les agendas internationaux et jouera un rôle déterminant dans le leadership de la sécurité énergétique dans le monde. En plus d’être le deuxième investisseur africain sur le continent, le Maroc, en se positionnant comme une puissance énergétique future et comme le leader de la croissance verte à l’échelle du continent africain, renforcera encore plus les relations avec ses voisins africains et permettra à la coopération Sud-Sud d’atteindre une nouvelle dimension. En développant une expertise dans le domaine des énergies renouvelables, le Maroc, fidèle à ses objectifs de codéveloppement, de co-émergence et de co-création africaine, aura une grande valeur ajoutée à l’échelle du continent.

L’Arctique, un enjeu géopolitique, et les pays en voie de développement en danger

Les débats sur la gouvernance de l’Arctique sont sans doute l’illustration la plus éloquente des enjeux géopolitiques du climat. La région, qui jusqu’ici était marginalisée par la communauté internationale, est aujourd’hui l’objet de convoitises en raison de la fonte des glaces, qui va demain rendre possible l’ouverture de nouvelles voies navigables d’une part, et d’autre part l’accès à d’importantes ressources en sous-sol, notamment de larges réserves de pétrole. Un certain nombre d’analystes et de rapports qui se sont intéressés à l’analyse des conséquences du réchauffement climatique viennent révéler des répercussions d’un autre genre, qui sont tout aussi alarmantes. Les changements climatiques, au-delà d’aggraver les effets néfastes de la dégradation environnementale, contribuent à l’augmentation de la pauvreté et à la marginalisation et engendrent des conflits violents. Instabilité politique, situation économique difficile, insécurité alimentaire et migrations massives sont citées comme étant des facteurs de risque susceptibles d’engendrer la violence dans les pays en voie de développement par l’organisation International Alert dans son rapport intitulé «Climate of Conflict». Le même rapport mentionne que 2,7 milliards de personnes vivant dans 46 pays s’exposent à des risques élevés de violence à court terme à cause des répercussions des changements climatiques qui alimentent les tensions économiques, sociales et politiques existantes.

Des chiffres alarmants

Un rapport de la NCDC (Global Surface Temperature Anomalies) enregistre de fortes hausses de température entre 2006 (+0,61) et 2015 (+0,89) et un réchauffement assez conséquent des eaux tropicales de +1,2 °C et +0,5 °C en moyenne pour les océans. À cela s'ajoute qu'on fait état de la montée rapide du niveau des eaux depuis 2003, avec +3,2 mm/an enregistrés, contre 2 mm/an durant le siècle dernier. Le pire reste à venir, parce que si la pollution atmosphérique ne cesse pas et si de nouvelles mesures de réduction de température ne sont pas prises, la hausse attendue à la fin du siècle serait probablement entre +3,7° et +4,5 °C. Fin 2012, pour lancer la deuxième phase du protocole de Kyoto, trois publications du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD, 1. The Emission Gaz Report 2012 : A UNEP Synthesis Report, Nairobi, 2012), de la Banque mondiale (2. Turn Down the Heat: Why a 4°C Warmer World must be avoided, Washington D.C, 2012) et de l’Organisation météorologique mondiale (OMM, 3. The State of Greenhouse Gases in the atmosphere based on global observations through 2011, WMO, n° 8, novembre 2012) confirment la dégradation avérée de la situation climatique mondiale. Le 18 septembre dernier, l’Agence américaine océanographique et atmosphérique détient un scoop : sur une période de 150 ans, depuis le début des relevés de températures en 1880, le mois d’août 2014 a été le mois le plus chaud de la planète.

Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

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