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Les patrons plus généreux face à la compétence

Les constats établis en 2014 et en 2015 se confirment. Le taux d’augmentation moyen du salaire de base s’est établi à 4% en 2016, avec une perspective haussière en 2017 avoisinant les 4,5%. La compétence reste également le principal critère pour fixer les salaires. C'est ce qui ressort, entre autres, de la vingtième édition de l’enquête TRS Morocco 2016 Diorh-Mercer rendue publique le 12 octobre 2016 à Casablanca.

Les patrons plus généreux face  à la compétence

La part fixe de la rémunération baisse timidement en comparaison avec les benefits qui connaissent une légère augmentation. C’est la première conclusion tirée de la dernière enquête TRS Morocco 2016 Diorh-Mercer présentée mardi dernier par Hind Talhi, chef de projet TRS et Mehdi El Yousfi, directeur général adjoint du cabinet Diorh à Casablanca. Un constat qui est identique sur l’ensemble des catégories professionnelles (non-cadres, cadres, superviseurs, directeurs). Cependant, les enquêteurs notent une évolution supérieure à 6% de la rémunération fixe de la classe managers. «En 2014 et 2016, on peut noter que l’inflation et la croissance annuelle moyenne du PIB (produit intérieur brut) se sont respectivement établies à 1,7 et 3% sur la période et que les augmentations salariales ont atteint 7% en moyenne annuelle pour les cadres supérieurs, loin devant celles des cadres (4%), middle managers (2%) ou non-cadres (1%)», explique M. El Youssfi. Des indicateurs qui semblent tout à fait illustratifs mettant en évidence le rapport de force qui s’instaure dans l’entreprise entre l’employeur et ses cadres, en particulier ses cadres supérieurs.

Côté métiers, les postes de Supply Chain, production et IT ont connu une évolution supérieure à 4% entre 2015 et 2016 si on les compare à d’autres fonctions support comme les ressources humaines. Par ailleurs, dans sa comparaison entre le salaire de base et le salaire garanti, l’enquête prouve que l’écart entre les deux est globalement similaire pour la majorité des catégories sauf pour la catégorie non-cadres. Dans la section du bonus cible, les résultats attestent d’une évolution importante accordée aux postes de directeurs et de managers. D’un autre côté, l’analyse du bonus cible et celui réel fait apparaître un écart de moins de 20% entre le bonus prévu et celui réellement attribué aux postes de directeurs et managers. Idem pour le salaire garanti et le Total Cash.

Pour ce qui est des rémunérations différées, l'enquête révèle que les dirigeants sont les principaux bénéficiaires des outils de motivation à long terme. Ils sont suivis par les cadres supérieurs et les middle managers. Quant aux leviers de motivation, ce sont les stockoptions qui sont les plus utilisés en permettant ainsi aux dirigeants, et à moindre échelle aux salariés, d'acquérir ou de souscrire des actions de l'entreprise. Cependant, «le nombre des entreprises qui ont répondu à cette thématique n’est pas très important (moins de 30 entreprises)», précise la chef de projet TRS. Pour en revenir à la question de benefits, les avantages sociaux et en nature, comme pour les précédentes enquêtes, prennent toujours une part croissante. Les entreprises favorisent le plan de retraite et les mutuelles privées comme premier choix en avantages sociaux. Quant aux avantages en nature, le véhicule d’entreprise et le téléphone sont les plus octroyés. Le logement, les prêts et les clubs de sport viennent en seconde position avec des taux qui avoisinent 20, 28 et 33%.

Côté métiers, les deux secteurs où les employeurs sont le plus généreux sont l’industrie pharmaceutique et l’industrie de grande consommation.
Par ailleurs, la comparaison par fonction des niveaux d’alignements marchés du salaire garanti a fait ressortir un alignement, voire «suralignement» des fonctions de support au contraire des fonctions cœur (opérationnelles). «De manière assez générale, au sein de chaque catégorie (directeurs, managers, cadres, non-cadres), se vérifie une tendance à la “surémunération” des fonctions support (RH, IT, Finance) par rapport aux fonctions opérationnelles (vente, production, maintenance)». Ceci s’explique selon M. El Yousfi par «la très forte capacité des cadres des fonctions support à monnayer leurs compétences et expertises auprès d’autres entreprises, là où les opérationnels ont a priori une fidélité plus importante à leur entreprise, détentrice du savoir-faire et plus résiliente au turn-over de ses compétences cœur».

L’enquête a également révélé que la performance individuelle reste le principal levier pour la détermination d’une augmentation salariale. Comme expliqué par M. El Youssfi, «le Maroc est un marché extrêmement complexe, et en même temps de taille limitée. Les entreprises sont principalement préoccupées par leur capacité à attirer et retenir des talents. La compétence est rare et se monnaye au prix fort». Et de souligner que les niveaux de salaires des experts et managers au Maroc commencent à atteindre ceux des pays d’Europe du Sud. Cela conforte bien l’idée que le principal critère de fixation des salaires est le prix de la compétence. 


Entretien avec Mehdi El Yousfi, DGA Diorh

«Le principal critère de fixation des salaires est le prix de la compétence, c’est-à-dire le reflet de la loi de l’offre et de la demande»

Éco-Emploi : Par rapport aux éditions précédentes, quels sont les principaux enseignements de la vingtième édition de l’Enquête de rémunération ?
Mehdi El Yousfi : Je profite de votre question pour rappeler qu’en effet nous fêtons cette année le vingtième anniversaire de l’Enquête générale de rémunération du cabinet Diorh. Fort de l’expertise que Diorh a développée, Mercer nous a alors demandé de devenir notre partenaire au Maroc. C’est donc conjointement et depuis 10 ans que nous travaillons à construire une enquête large et représentative. Nous couvrons, en effet, la rémunération totale de plus de 400 postes repères et avons, cette année, pu compter sur la participation record de 127 entreprises. Cette vingtième édition est marquée par quelques enseignements importants : le premier est le désalignement total entre le niveau des augmentations salariales et les indicateurs économiques. Ainsi le taux d’augmentation moyen du salaire de base s’est établi à 4%, en 2016, avec une perspective haussière en 2017 avoisinant les 4,5%, alors qu’en même temps, on ne peut espérer un taux de croissance du PIB supérieur à 2%. Cette inflation salariale est particulièrement observable si l’on se penche sur les 3 dernières années, en particulier pour la population des managers et des cadres supérieurs. Ainsi entre 2014 et 2016, on peut noter que l’inflation et la croissance annuelle moyenne du PIB se sont respectivement établies à 1,7 et 3% sur la période et que les augmentations salariales ont atteint 7% en moyenne annuelle pour les cadres supérieurs, loin devant celles des cadres (4%), middle managers (2%) ou non-cadres (1%). Autre enseignement : si l’on se penche sur les tendances par métier, on peut noter qu’entre 2015 et 2016, les taux d’augmentation ont été particulièrement élevés pour les directeurs fabrication, logistique et achats. De manière générale, chez les managers et les cadres supérieurs, la production, la Supply Chain et, dans une moindre mesure, l’informatique tirent leur épingle du jeu, bénéficiant en moyenne de taux d’augmentation plus élevés que ceux des fonctions support tels les RH. Ceci correspond à un effet de rattrapage, car les fonctions RH et, dans une moindre mesure, la finance avaient déjà bénéficié d’augmentations significatives les années précédentes. Nous constatons du reste et de manière assez générale qu’au sein de chaque catégorie (directeurs, managers, cadres, non-cadres) se vérifie une tendance à la surémunération des fonctions support (RH, IT, Finance) par rapport aux fonctions opérationnelles (vente, production, maintenance). Ceci s’explique notamment par la très forte capacité des cadres des fonctions support à monnayer leurs compétences et expertises auprès d’autres entreprises, là où les opérationnels ont a priori une fidélité plus importante à leur entreprise, détentrice du savoir-faire et plus résiliente au turn-over de ses compétences cœur (du moins la plupart).

Quels sont les critères pris en compte par les chefs d'entreprises pour fixer les salaires ?
Comme le démontre notre enquête, le critère principal pour fixer les salaires est le prix de la compétence. Le Maroc est un marché extrêmement complexe, et en même temps de taille limitée. Les entreprises sont principalement préoccupées par leur capacité à attirer et retenir des talents. La compétence est rare et se monnaye au prix fort. Il est d’ailleurs extrêmement problématique de constater que les niveaux de salaires des experts et managers au Maroc commencent à atteindre ceux des pays d’Europe du Sud. Cela conforte bien l’idée que le principal critère de fixation des salaires est le prix de la compétence, c’est-à-dire le reflet de la loi de l’offre et de la demande, quitte à bafouer des principes d’équité salariale interne. Les DRH considèrent en effet comme préoccupation première la capacité de l’entreprise à attirer des compétences pour soutenir leur croissance et leur avantage compétitif. Ceci amène une interrogation : jusqu’à quand l’économie marocaine va-t-elle pouvoir soutenir cette inflation salariale, complètement décorrélée de la croissance de notre économie ou de l’inflation des prix ? Il en va ainsi à terme de la compétitivité de notre économie et de sa capacité à attirer des investissements étrangers. L’autre question fondamentale est celle de l’écart grandissant entre les salaires de cadres et cadres supérieurs et celle des non-cadres, qui risque de creuser un peu plus les écarts de revenus et les disparités sociales dans notre pays.

Qu'en est-il des augmentations ?
Obéissent-elles aux mêmes critères ?
Au sein du panel de notre enquête, les augmentations obéissent bien entendu, comme je l’ai exposé précédemment, à la logique du marché. Bon nombre d’entreprises du panel sont focalisées dans l’exercice des révisions salariales sur le niveau d’alignement de leur rémunération par rapport à la médiane du marché. D’autres critères sont bien entendu pris en considération, tels les leviers traditionnels que j’appelle les leviers subits (augmentation légale liée à l’ancienneté), mais aussi les critères de performance individuelle. Cependant, nous constatons après analyse que la capacité à discriminer entre collaborateurs en concédant des augmentations plus significatives aux top performers est encore timide. Les managers ont, en effet, encore toutes les peines du monde à différencier leurs collaborateurs de manière tranchée en fonction de leur degré de contribution individuelle.

Qu'est-ce qui explique ces tendances ?
Ces tendances, comme je l’ai exposé précédemment, s’expliquent en premier lieu par le rapport de force qui s’instaure dans l’entreprise entre l’employeur et ses cadres, en particulier ses cadres supérieurs. Ce rapport de force, dans un contexte de guerre des talents, d’attrition des compétences et d’inflation induite des salaires, est largement favorable aux managers et cadres supérieurs. La compétence est un bien rare qui se paye aujourd’hui au prix fort. 7% d’augmentation annuelle pour cette population sur ces dernières années contre 1% pour les non-cadres en est un indicateur tout à fait illustratif.

Outre la différentiation de la rémunération en fonction de la performance et du rendement, on constate que la rémunération et l'augmentation varient d'un secteur à un autre ? Pourquoi ?
Effectivement, l’ensemble des secteurs ne se comporte pas tout à fait de la même manière, bien qu’il y ait en même temps une convergence croissante dans les pratiques. La première explication, toute naturelle, renvoie à la situation contrastée des dynamiques sectorielles dans notre pays, entre secteurs jeunes en pleine expansion et secteurs plus stables. Une autre explication renvoie au degré de maturité et de sensibilisation à l’enjeu de la rémunération. Les meilleurs payeurs restent les industries de la grande consommation ainsi que les pharmaceutiques qui sont historiquement les piliers de nos enquêtes salariales et qui sont plus enclines à s’aligner sur le marché. Ces entreprises ont par ailleurs une capacité accrue à identifier leurs top performers et leurs talents, leur proposant des niveaux de salaire plus proches du troisième quartile du marché.

Quels sont, à votre avis, les leviers sur lesquels il faut agir pour l’élaboration d'une vraie politique de rémunération ?
Une vraie politique de rémunération s’appuie sur 4 piliers fondamentaux. D’abord, définir des principes clairs et les appliquer (rétribution de la performance, du mérite, de l’expertise, de la contribution à la valeur ajoutée…). De ces principes, qui forgent la politique RH de l’entreprise, découle le deuxième pilier qui vise à clarifier la structure de rémunération de chaque catégorie de collaborateur : quelle doit être la part de la composante fixe, variable en nature selon la catégorie et la nature de métier du poste ? Ensuite, définir des valeurs de références et des fourchettes salariales autour de cette valeur de référence, fruit d’un compromis entre équité interne et compétitivité externe. Enfin, définir clairement les leviers des augmentations individuelles et les critères d’octroi d’une augmentation. Ainsi une politique claire de rémunération est capable de formaliser et d’expliquer 3 choses : quel niveau de rémunération l’entreprise offre-t-elle à ses collaborateurs ? Comment cette rémunération se ventile-t-elle entre part fixe, variable, différée, en nature ? Et comment cette rémunération peut-elle évoluer dans le temps. 

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