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Multiplication des défis et des enjeux

La semaine dernière, Jean-Claude Juncker, actuel président de la Commission européenne, était en visite officielle à Paris où il n’a pas hésité à dire que démographiquement et économiquement l’Europe est un petit continent qui décline. D’ici vingt ans, plus aucun pays européen ne sera membre du G7.

L’Europe joue certes un rôle attractif à l’échelle mondiale puisqu’elle jouit d’un soft power fondé sur l’universalisme de ses idéaux (droits de l’Homme), sur ses avancées économiques, scientifiques et culturelles et sur son rôle de laboratoire de la paix. Plus d’un appelle à relativiser ce soft power. Elle est certes le pôle majeur de l’économie mondiale en raison du poids de son économie, de son rôle financier et commercial, de sa place de carrefour dans le maillage de l’économie mondiale. Pourtant, déjà en 2010 lors d’un colloque sur «L’Europe vue par le monde», le ministre des Affaires étrangères français de l’époque, Bernard Kouchner, déclarait : «Une chose est claire : la rente de situation dont jouissait l’Europe depuis cinq siècles est bel et bien en train de s’achever, ne serait-ce que parce que s’affirment d’autres grands pôles de puissance autour de nous, particulièrement en Asie et demain en Afrique.
À l’heure de la mondialisation, c’est-à-dire d’une double révolution à la fois géopolitique et économique, l’heure est venue de la prise de conscience par tous les Européens que notre cher monde européen est en grave danger de déclassement rapide». Ce n’est pas sans nous rappeler la boutade d’Henry Kissinger demandant en 1970 le numéro de téléphone pour appeler l’Europe.

En 2013, José Manuel Barroso, président de la commission européenne d’alors, insistait sur le fait que l’UE «devait être très visible sur les grands enjeux, plus discrète sur les questions de moindre importance», faisant allusion aux réglementations sur la taille des bouteilles d’huile d’olive ou sur les concombres cornes ou encore les critères pour l’attribution du label de l’UE aux toilettes à chasse d’eau et urinoirs. Le constat est clair, l’Europe, depuis la CEE (Communauté économique européenne), manque de visibilité politique et diplomatique, ce qui se traduit par une absence de représentativité et une incapacité à peser sur la gouvernance mondiale. Cette situation tient au fait que l’Union européenne s’est construite, avec beaucoup de difficulté, sur un double objectif de recherche de la paix et du développement économique, ainsi que sur la promotion de l’économie de marché et de la démocratie. Sauf que le contexte mondial a changé avec l’émergence de nouveaux acteurs les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) et notamment la Chine. Cette situation tient aussi au fait que la construction européenne est le fruit d’une juxtaposition de conceptions géopolitiques dans un environnement marqué par la bipolarité. Du coup, l’UE manque d’une vision politique autonome et unifiée. 

Avant le Brexit, l’UE ne disposait pas d’une, mais de 28 politiques étrangères vis-à-vis de la Russie ou de la Chine. Les divergences sont palpables, même quand il s’agit d’un espace très proche, comme l’a montré la question de l’intervention libyenne en 2010 et plus récemment la Syrie et la question des réfugiés. La situation n’a pas changé depuis, puisque les négociations en vue d’un accord de libre-échange transatlantique sont dans l’impasse. La France réclame purement et simplement l’arrêt des négociations, la position d’Angela Merkel n’est pas aussi tranchée. Plusieurs manifestations anti-Tafta se sont déroulées dans de grandes villes européennes, en Allemagne une part de la population – entre 200 et 300.000 personnes – a manifesté contre l’accord de libre-échange avec le Canada (Ceta).

Pour s’en sortir, le rapport sur la stratégie de Lisbonne post-2012 le dit clairement : tous les Européens, responsables politiques, citoyens, employeurs et salariés, doivent se montrer capables de se rassembler autour d’une vision commune nouvelle, en fonction des impératifs de l’époque». Une recommandation qui semble être tombée dans l’oreille de sourds. Au lieu de fédérer les efforts pour une Europe forte, l’UE se voit confrontée à un risque d’implosion, depuis le Brexit. Pour y remédier, l’actuel président de la Commission européenne propose : «On doit arrêter d’attaquer les eurosceptiques : il faut au contraire dialoguer avec eux et expliquer. L’Europe ne peut pas se faire contre les Nations et les citoyens européens, mais elle doit au contraire se faire avec leur étroites confiance et collaboration. L’Europe est capable de grandes choses quand elle sait unir ses forces et ses énergies». Il est désormais difficile de savoir où l’UE va et veut aller. Évoluera-t-elle vers une Europe intégrée et plus forte géopolitiquement, selon un mode fédéral ou confédéral, ou encore s’organisera-t-elle selon une logique à plusieurs vitesses ? 


Séparatisme : Posons les bonnes questions

Au-delà des slogans faciles et des calculs abracadabrants, quel serait aujourd’hui le bénéfice réel de la souveraineté ? À l’ère de la mondialisation et des régionalisations, le séparatisme est devenu un accessoire identitaire, largement emblématique et ultimement contre-productif. Des penseurs, des philosophes, des essayistes et des politologues se sont interrogés à ce sujet. Et les questions fusent : est-ce que la souveraineté mettrait l’économie du Québec, de l’Écosse ou de la Catalogne à l’abri des fluctuations de l’économie mondiale ? L’exclusion subséquente de certains de l’Union européenne, du G7 ou du G20, augmenterait-elle leur influence et leur poids économique ? Comment leur indépendance améliorerait-elle les finances publiques ? Le service dans les hôpitaux ? Comment réduirait-elle le décrochage scolaire ? Une Écosse, Une Catalogne et un Québec souverains n’auraient-ils pas, par ailleurs, à affronter – comme la France, l’Angleterre, les États-Unis et d’autres pays indépendants – les mêmes risques écologiques ? À l’heure de l’ouverture et des échanges académiques, culturels et commerciaux, la règle de la réciprocité ne s’imposerait-elle pas au même titre aux entrepreneurs, aux chercheurs et aux artistes écossais, catalans et québécois que leurs homologues à travers le monde ? Seront-ils épargnés d’une rude concurrence ?

Crise des réfugiés et malaise européen : cas de la France

Actuellement, l'Union européenne fait face à la plus grave crise migratoire de son histoire depuis sa création. Non seulement à cause du nombre des personnes qui sont déjà entrées illégalement sur son territoire (près d'un demi-million en seulement un an et demi), de l'urgence dans laquelle elles se trouvent, mais aussi des faibles moyens dont disposent les pays membres. Ce sont ces raisons et bien d'autres qui ont amené certains pays européens à réviser leurs positions sur la crise syrienne pour tenter de guérir le mal à la racine. Le Président français François Hollande déclarait notamment que la solution de la crise syrienne ne passait pas nécessairement par Bachar Al Assad et que son pays était prêt à passer à l'action, mais pour quelles conséquences ?
La question du flux migratoire agite actuellement en Europe et en France, elle se pose d'abord de manière sémantique. Le peuple français se demande en effet s'il faut accueillir des migrants ou alors des réfugiés. Une différence de taille puisque le réfugié est celui qui fuit son pays pour protéger sa vie, tandis que le migrant, aussi appelé le migrant économique, décide de partir de son pays pour aller chercher une vie meilleure. Dans le premier cas, la classe politique française se dit prête à accueillir son quota, tandis que dans le deuxième, elle tendrait plutôt à refuser. Cette semaine, plusieurs maires ont ainsi estimé que leurs communes n'avaient pas vocation à accueillir des personnes étrangères supplémentaires, alors que certains se sont dits ouverts à cette solution, à condition d'avoir des renseignements supplémentaires. Une situation qui fait bien sûr les affaires du Front national, le parti qui fait sa spécialité du rejet de l'immigration. Jean Marie Le Pen déclarait ainsi cette semaine que toutes les prédictions à ce sujet s'étaient réalisées, tandis que sa fille, Marine, affirmait que la France ne pouvait accueillir personne. Une position que semble partager une bonne partie de la population : certains sondages indiquaient en effet que de nombreux Français estiment que Marine Le Pen ferait une bonne présidente.

Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

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