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Progression du nationalisme : une Europe divisée

Est-ce la crise financière qui frappe l’Europe depuis 2008 ou alors seraient-ce des motifs plus profonds qui expliquent la montée de l’extrême droite dans cette région du monde ? Ce qui est certain, c’est que la crise est pain bénit pour l’extrême droite et que le rejet de l’autre ne s’est jamais autant manifesté en Europe que ces dernières années. Le vieux continent connait la coexistence de deux types de mouvement d’extrême droite. L’extrême droite dite «classique», virulente, antisémite, parfois violente et les «néo populistes» qui surfent sur deux éléments : la crise économique et la perte de l’identité européenne face à l’immigration et à l’islam, les partis appartenant à cette mouvance participent à la vie politique et parfois à certains gouvernements.

La notion de nationalisme reste assez mal documentée et étudiée, mais elle est une réalité dans la vie sociale. Elle représente pour un peuple la volonté de promouvoir et de faire reconnaître son identité, ses valeurs et sa culture. Et d’une certaine façon, l’excès de nationalisme peut être analysé comme la crainte de disparaître. Elle est observée chez tous les peuples, à des degrés divers, même si certains d’entre eux ont réussi à comprendre que la différence enrichit. L’exemple des États-Unis est sans doute le plus éloquent à ce sujet, même s’il reste encore à parfaire.

En France, où la colonisation a fait de la diversité culturelle un fait non négociable, le nationalisme a tendance à se développer ces derniers temps sous des formes diverses. Une forme économique avec la défense des industries et du «made in France» qui est bien sûr un appel aux citoyens à consommer exclusivement des produits fabriqués en France, en oubliant que les produits français se vendent aussi à l’étranger et sont donc consommés par des personnes d’autres pays. Une forme politique des idées désormais bien connues du Front national sur l’immigration et ses dégâts en France, mais aussi les idées bien arrêtées de certains responsables de droite. Et bien entendu, une forme extrême qui s’exprime allègrement dans les actes haineux et violents.

En septembre 2015, les Européens, et le monde entier dans une plus large mesure, ont été choqués de découvrir les photos d'un enfant de 3 ans mort noyé, étendu sur le sable. Des images effroyables qui témoignent d'une réalité non moins effroyable, mais qui ne poussent pas pour autant la majorité des pays à réagir. Les Français par exemple ont été 55% à se prononcer contre l'accueil des migrants syriens sur leur sol, tandis que la Slovaquie s’était officiellement opposée à la demande de Bruxelles d'accueillir des migrants.

Quant à la Hongrie, elle a procédé à la construction d'un mur gigantesque au niveau de ses frontières, ce qui en dit long sur sa position. Et la désormais célèbre journaliste hongroise, spécialiste du croche-pied, vient définitivement ôter les illusions de ceux qui croyaient encore à un malentendu. Le «Jobbik» en Hongrie, qui plaide pour le retour des valeurs chrétiennes, de la famille et de l’autorité et se réfère parfois aux symboles d’une formation fasciste pronazie des années 1930.

La question religieuse qui ne dit pas son nom

S'il y a une question qui se lit clairement à travers les lignes, c'est bien celle de la religion. Certains l'avancent timidement en parlant d'aider les chrétiens d'Orient, tandis que d'autres le disent clairement. La Slovaquie n'a par exemple accueilli que 200 migrants chrétiens et justifie sa décision par la voix de son ministre de l'Intérieur. Celui-ci estime qu'il est plus simple d'accueillir des chrétiens, car «il n'y a pas de mosquées ici». Rappelons d'ailleurs que la Slovaquie a refusé d'accueillir le quota de 1.500 migrants que l'UE lui avait fixé. Même dans les pays qui ont été relativement exemptés de la crise, les partis néo populistes connaissent un grand succès. En Suisse et dans les pays scandinaves, la «substitution de population» due à l’immigration, en particulier musulmane, fait craindre la perte de l’identité nationale. Par exemple aux Pays-Bas, le PVV (un parti qui appelle à la désislamisation) a prédit que la moitié de la population néerlandaise serait maghrébine d’ici à 2050 si les frontières restent ouvertes.

Le Danemark, qui est allé jusqu'à faire en 2015 une publicité dans 4 journaux libanais pour expliquer qu'il avait durci ses conditions d'accueil et qu'il était désavantageux pour les migrants de penser à ce pays. À noter toutefois que ce genre de parti est plutôt en régression en Europe occidentale. Dans des pays comme la Grèce et l'Italie, qui sont déjà critiqués pour leur gestion des migrants, la question n'a même pas lieu d'être posée. Au Portugal, en Espagne et en Grèce, l’extrême droite est faible, toute tentative de néo-populisme échoue. Une chose est sûre, la carte de l’extrême droite actuelle ne recouvre pas les zones «traditionnelles» des idéologies fascistes ou nazies.


L'Allemagne et la question des migrations

Traumatisée par son passé nazi, mais également confrontée à une faible croissance démographique, l'Allemagne s'est portée volontaire pour accueillir 31.443 réfugiés.
Une décision courageuse et exemplaire qui mobilise déjà la majorité des citoyens et qui a forcé d'autres pays, jusque-là réticents, à faire des efforts. La France a ainsi accepté d'accueillir 24.031 nouveaux réfugiés, l'Espagne en accueillera 14.931, la Pologne 9.287 et la République tchèque 2.978. Toutefois, il ne faut pas mélanger les choses : l'Allemagne a accepté d'accueillir un quota de réfugiés, mais pas tous les migrants, le pays vient d'ailleurs de rétablir le contrôle aux frontières avec certains de ses voisins pour bien clarifier le message.

En décidant d'accueillir près de 35.000 migrants, l'Allemagne a affronté sans doute l'un des plus grands défis de son histoire. Et déjà, sa population répond présente : ce sont en effet près de 800 volontaires qui se sont précipités dans les gares de train pour apporter de l'aide et leur expertise en matière de santé. Cela sans compter les milliers de citoyens ordinaires qui ont apporté de la nourriture, de l'eau, des vêtements ou tout simplement leur soutien. Ils sont en effet 95% à se féliciter du mouvement de solidarité que l'afflux des réfugiés a provoqué en Allemagne, tandis que 96% d'entre eux jugent justifié d'accueillir des réfugiés qui fuient la guerre.

De son côté, l'État a estimé à 300 millions d'euros le coût des 30.000 places dans les centres pour accueillir les réfugiés. Un élan de solidarité qui distingue clairement l'Allemagne des autres pays d'Europe, mais qui s'explique également par le besoin de l'Allemagne de rompre avec son passé nazi et de remédier à son problème de natalité. Ces réfugiés constituent donc une chance certaine pour le pays.


France : Le rejet de l’autre se décomplexe

En France, Christiane Taubira comparée à un singe, les petits pains au chocolat de Jean-François Copé ou encore «la race blanche» de Nadine Morano, cela pourrait paraître comme de petits incidents isolés, attribués à une certaine droite et même à l’extrême droite. Toutefois, une fois qu’ils sont additionnés et analysés globalement, ils prennent une ampleur considérable, d’autant plus qu'il n'y a pas que la sphère politique à les employer. L’on se souvient notamment de David Pujadas qui avait lancé le journal de France 2 en janvier 2015 en présentant un reportage sur «un musulman marié à une Française» comme si l’islam était désormais devenu une nationalité. L’intéressé avait bien entendu reconnu une «maladresse» pour calmer la colère suscitée sur les réseaux sociaux. Mais il avait en réalité dit tout haut ce qu’une frange non négligeable de la France pense tout bas. Car même si les politiques et les intellectuels de gauche essaient de la cacher, la réalité est bien là : une part non négligeable de la population française adhère aux idées du Front national et voit en lui un parti crédible et tout à fait efficace pour défendre leurs intérêts.

Ainsi, selon un récent sondage Odoxa, effectué pour le journal «Le Parisien» : 23% des Français estiment que le FN est proche des préoccupations des Français, 22% d’entre eux estiment qu’il propose des solutions efficaces et près de 25% pensent qu’il est capable d’exercer le pouvoir. Et c’est sans compter les régions et les mairies que le parti a déjà remportées, les récents sondages qui donnaient des opinions favorables à l’élection de Marine Le Pen à la tête du pays ou encore le dernier sondage IFOP qui montre que 61% des Français sont d’accord avec la proposition frontiste de supprimer l’aide médicale de l’État. Il y a donc là un véritable signal d’alarme et il serait vain d’essayer de l’occulter.

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