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Quand Donald Trump défie toute logique

Bouchra Rahmouni BenhidaProfesseur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

Quand Donald Trump défie toute logique
Ph. AFP

Le candidat républicain à la présidentielle, Donald J. Trump, a été élu 45e Président des États-Unis d'Amérique. Certes, l’environnement géopolitique et géo-économique international a contribué à cette victoire, mais des questions de géopolitique interne et de géopolitique féminine qui y ont aussi été pour beaucoup.

Donald Trump à la Maison-Blanche ! Une élection qui a suscité une grande consternation. Les étrangers (surtout les Latinos qui représentent 1/6e de la population américaine, soit 50 millions), les femmes (qui constituent 77% de l’électorat américain avec les gens de couleur et les adultes de moins de 35), l’establishment et le voisin mexicain. Tous ont eu leur lot de déception durant la campagne Trump Versus Clinton, et pourtant... C'est dire que dans des situations pareilles, il ne faut pas trop faire confiance aux statistiques et à la logique. La vérité est que l’environnement géopolitique et géo-économique international a contribué à la victoire de Trump : terrorisme, Brexit, crise économique… Mais aussi des questions de géopolitique interne et de géopolitique féminine y étaient pour beaucoup. Sur le plan de géopolitique interne, Hillary Clinton est arrivée en tête dans les petits États du nord-est du pays comme New York, le Connecticut, le Delaware, le Maryland, le Massachusetts, le New Jersey, le Vermont ou encore Rhode Island. Son rival républicain, quant à lui, s'est approprié le centre du pays du Dakota du Nord au Texas jusqu'à l'Alabama et l'Indiana. Il faut reconnaître que les républicains ont gagné du terrain dans leur rivalité avec les démocrates. Trump a détourné à son avantage la crise économique, pour attirer l’attention de quatre États, c'est-à-dire le Michigan, l'Ohio, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Ces quatre États, de la région des Grands Lacs, sont traditionnellement démocrates et, bien que considérés comme «bleus», ils ont chacun élu un gouverneur républicain depuis 2010, excepté la Pennsylvanie qui avait choisi un démocrate.

Parmi les États qui ont fait basculer l’élection en faveur de Donald Trump : la Floride (64%), la Pennsylvanie (61,4%), la Caroline du Nord (63,5%) et le Wisconsin (68,1%). La Pennsylvanie et le Wisconsin ont donc été d’un grand soutien à celui qui deviendra le 45e Président des États-Unis. Contraindre Apple à produire aux États-Unis d’Amérique et imposer un droit de douane de 35% sur les voitures Ford produites au Mexique figuraient parmi les promesses faites par Donald Trump à ces États. La notion de la «place» de la femme et de ce qu’elle «peut» ou «ne peut pas» faire est plus que jamais d’actualité et il est clair que pour de nombreux électeurs, une femme n’a pas forcément sa place à la tête d’un État. Dans ce contexte, l’élection d’Hilary Clinton à la présidence est d’abord un défi important à relever d’un point de vue sociologique avant d’être un défi politique. 

Il est clair que les Américaines ont déjà franchi de nombreuses barrières et qu’elles ont obtenu de nombreux droits, tels que le droit à la contraception et la limitation des naissances, le droit à la protection contre les violences, le salaire minimum pour les domestiques ou encore le droit à la protection de l’emploi en cas de congés prolongés et le droit à la pension alimentaire pour les enfants. La situation est cependant bien différente au niveau politique, car bien que les femmes aient acquis le droit de vote depuis des décennies, elles sont pour le moment sous-représentées en politique. Ainsi, jusqu’en 2015, seules 32 femmes ont été nommées au cabinet présidentiel américain et seules 3 d’entre elles ont pu atteindre des postes importants dans l’ordre de succession aux États-Unis. Il s’agit respectivement de Madeleine Albright qui est devenue secrétaire d’État en 1997, de Nancy Pelosi qui est devenue présidente de la Chambre des représentants en 2006, de Condolezza Rice qui a été deux fois secrétaire d’État à la défense.

Il y a donc un constat clair qui s’impose : d’un côté, les femmes réussissent mieux à défendre leurs droits, mais de l’autre, elles sont assez peu représentées en politique (9 femmes gouverneurs d’État, 16 sénatrices et 71 députées). Cette situation peut trouver des réponses dans la vision traditionnelle de la femme qui reste celle d’une mère au foyer. Il y a un choix tacite qui est demandé aux femmes entre la vie de famille et l’ascension sociale. Ainsi, selon l’économiste Ann Hewlett, qui est l’auteure de plusieurs ouvrages sur le travail des femmes, 42% des femmes qui sont cadres supérieurs dans les grandes entreprises sont sans enfants à l’âge de 40 ans, alors que seulement 14% d’entre elles avaient prévu de ne pas en avoir. La notion de la «place» de la femme et de ce qu’elle «peut» ou «ne peut pas» faire est plus que jamais d’actualité et il est clair que pour de nombreux électeurs, une femme n’a pas forcément sa place à la tête d’un État. Il est généralement admis que les grandes innovations et tendances naissent aux États-Unis avant d’être suivies dans le reste du monde. Mais pour ce qui est de la question des femmes en politique, ils ont été devancés par d’autres pays qui ont déjà à leur tête des femmes, comme c’est le cas en Allemagne avec Angela Merkel, au Brésil avec Dilma Rousseff, en Argentine avec Christina Fernandez de Kirchner, en Finlande avec Tarja Halonen ou encore au Libéria avec Ellen Jonhson-Sirleaf.

Au niveau international, le monde se divise déjà entre certitude et incertitude comme l’illustrent si bien les déclarations respectives du Président russe Vladimir Poutine, qui se dit être «certain qu'un dialogue constructif sera établi entre Moscou et Washington», et du Président français François Hollande : «Cette élection ouvre une période d'incertitude. Je dois l'aborder avec lucidité et clarté». Élire Trump est une façon de protester contre un système malade, le peuple américain nous a habitué à élire un lutteur professionnel en 1998 à la tête du Minnesota, un bodybuilder à la tête de la Californie et maintenant un homme d’affaires excentrique à la tête du pays, peut-être, ce dernier incarnera-t-il Le changement, mais dans quel sens ? Restons optimistes. 

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