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Trois acteurs et deux ambitions

En juillet dernier, face à la provocation de l’OTAN, la Russie a officialisé l’installation d’un bouclier antimissile en Crimée afin de rebâtir une aire d’influence. Une telle situation fait planer l’ombre d’une reconfiguration des rapports de force entre la Russie et l’OTAN dans le bassin stratégique de la Mer noire. À qui profite ce retour providentiel d’une «guerre froide» ?

Trois acteurs et deux ambitions

Le blocus de Berlin en 1948-1949, le coup de Prague en 1948 ou encore la guerre civile grecque ont constitué l’essentiel du contexte qui a vu naître l’OTAN. Sa naissance s’inscrit dans la logique de la doctrine du containment énoncée en 1947 par Harry Truman afin de créer un lien fort entre l’Europe occidentale et les États-Unis et bâtir un bloc occidental uni et fort. Siégeant à Bruxelles, l’OTAN est une organisation créée en 1949 par le traité de l’Atlantique Nord signé à Washington par les États-Unis, le Canada et dix pays d’Europe occidentale afin de protéger l’Europe contre les éventuelles offensives du bloc de l’Est. L’Organisation n’a eu finalement à gérer que la crise des euromissiles à partir de 1977. En 1999, le sommet de Washington est l’occasion pour élaborer une «version révisée du concept» qui autorise la collaboration avec les armées des États non membres. En 2001, le nouvel ennemi n’est plus le communisme, mais le terrorisme. Suite aux attentats du 11 septembre, les opérations vont se succéder : opération maritime active endeavour en 2001, la guerre d’Afghanistan à partir de 2002, la guerre d’Irak à partir de 2003… La dissolution en fin 2014 de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan (FIAS) rendait urgent de trouver une nouvelle vocation à l’organisation : provoquer la Russie.
En 1991, la fin de la guerre froide marque une nouvelle ère pour l’OTAN sur la base du «Nouveau concept stratégique». Au lieu de disparaitre, l’organisation voit le champ géographique de son action s’élargir. Les pays membres entament désormais une coopération avec les anciens adversaires de l’organisation afin de lutter contre toute menace à la sécurité de l’Europe tout entière, incluant les pays de l’Est.

Les Russes ont donc usé de tout leur pouvoir pour faire échouer les pourparlers d’adhésion avec l’Ukraine et la Géorgie. En juin 2010, l’Ukraine renoncera à être candidate. Dès 1999, plusieurs pays de l’Europe de l’Est vont devenir membre de l’alliance, un élargissement qui n’a cessé de s’amplifier, une évolution qui ne semble pas être au goût de la Russie, puisqu’elle qualifie cette politique d’«inamicale et fermée». Pour le pays des Tsars, le constat est sans appel, l’OTAN commence à empiéter sur l’ancienne sphère d’influence soviétique, générant comme l’a si bien précisé l’ambassadeur russe à Bruxelles le «syndrome de l’État situé sur la ligne de front». Une situation qui se confirmerait à travers la tactique du «tourniquet» proposée par l’organisation et qui consiste à baser sa nouvelle brigade blindée tous les neuf mois dans chacun des pays baltes, contournant ainsi l’accord de 1997 qui interdisait tout déploiement par l’Alliance d’une base permanente dans un de ces pays membres frontaliers de la Russie. Marquant la fin de la longue bataille diplomatique menée autour de l’élargissement de l’Alliance atlantique, l’accord de 1997 a été signé à Paris, le 27 mai 1997, et constitue l’«acte fondateur» des nouvelles relations entre la Russie et l’Organisation du traité de l’Atlantique nord.

La tenue de la réunion à Varsovie le mois de juillet dernier (où fût signé le pacte de Varsovie en 1955) n’a fait qu’accentuer la rancœur russe vis-à-vis de cette structure qui a survécu à l’URSS. Et comme si cela ne suffisait pas, le Président ukrainien, bien que son pays ne soit pas un État membre de l’OTAN, a été invité à la réunion de l’Organisation dans la capitale polonaise où le Président Barack Obama lui a renouvelé le soutien des États-Unis d’Amérique pour les efforts déployés pour défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale face à l’invasion russe, en rappelant la nécessité de respecter les accords de Minsk. Or bien avant la rencontre de Varsovie, deux faits avaient préparé le terrain à la provocation de la Russie. Il s’agit de l’annonce, en février dernier, par le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, du quadruplement des dépenses du pentagone en Europe de l’Est pour l’année 2016-2017. Et pour que la provocation soit à son comble, des manœuvres portant le nom «Anakonda» ont eu lieu à la frontière russe et à quelques jours du sommet de Varsovie. Ces manœuvres ont mobilisé 30.000 hommes, 200 blindés, 105 avions et 12 navires, constituant ainsi le plus grand exercice depuis la chute du mur de Berlin. On peut avancer et dire que ces deux faits constituent, respectivement, des réponses à la multiplication du budget militaire russe par trois dans le cadre d’un plan de réarmement sur 20 ans et aux démonstrations de force aériennes et maritimes russes opérées ces dernières années aux frontières de l’OTAN.

Ce qui est sûr, c’est que de pareils frottements ne calmeront pas le jeu et auront tendance à fragiliser les relations entre la Russie et les pays européens et à maintenir la tension faisant disparaitre tout espoir de rapprochement entre les deux entités. Ce qui ne manque pas de réduire le poids de l’Europe et de renforcer le lead militaire américain dans la région, conférant ainsi à son principal allié, la Grande-Bretagne, un rôle de premier ordre dans la défense européenne, pour compenser sa sortie de l’Union européenne. Ce qui est sûr aussi, c’est que les États-Unis d’Amérique restent fidèles à l’orientation principale de leur politique étrangère, telle que contenue dans le rapport Wolfovitz, du nom de l’ancien sous-secrétaire à la Défense : «Convaincre d’éventuels rivaux qu’ils n’ont pas besoin d’aspirer à jouer un grand rôle» et «Dissuader n’importe quelle nation,ou groupe de nations, de défier la suprématie des États-Unis» (extraits du rapport Wolfowitz cité dans le livre «Gouvernance globale : gouvernement du monde» de Marc Delplanque). Une autre évidence, l’OTAN se redonne des couleurs, offrant ainsi, une fois de plus, une réponse à la question de son utilité. 

OTAN : les organes de l’Alliance

Initialement, seul un Conseil comprenant les représentants des États membres et siégeant à Londres était prévu en temps de paix par le Traité de l'Atlantique Nord. C’est à l’occasion du déclenchement de la guerre de Corée, en juin 1950, qu'est conçue une construction institutionnelle et militaire permanente. Ainsi, l’organisation qui siège entre 1952 et 1966 à Paris comprend un Conseil de l'Atlantique Nord toujours composé d'ambassadeurs des États membres assistés de leur délégation, organe essentiel des prises de décision, ainsi qu'un secrétaire général qui coordonne l’activité de l’OTAN en collaboration avec l’État-major de l'Alliance. Des comités multiples se chargent de préparer des dossiers pour le Conseil. Quant au caractère intergouvernemental de l’OTAN, il n'est incarné que par des réunions des ministres de la Défense et des Affaires étrangères des pays membres, qui ont lieu deux fois par an. Les forces militaires sont dirigées par le Commandement allié des opérations, ou SHAPE (Suprem   Headquarters Alllied Powers in Europe), basé en Belgique, et par le Commandement allié pour la transformation, chargé de moderniser l'appareil militaire et la gestion des ressources humaines de l'OTAN. Géographiquement, l'Allemagne constitue le pivot de l'implantation de ces forces militaires. Des forces américaines (VIIe armée) et britanniques (British Army of the Rhine) ont en effet été installées en Allemagne de l'Ouest dès avant la naissance de l'OTAN, de même que les forces propres de l'Alliance atlantique. Six bases navales sont également mises à disposition de l'OTAN, et plusieurs pays européens, dont le Royaume-Uni et la France avant 1966, ont accueilli l'arsenal nucléaire et conventionnel mis à la disposition de l'OTAN par les États-Unis.

FIAS : Échec cuisant de l’OTAN en Afghanistan

Mandatée par la résolution 1386 du Conseil de sécurité des Nations unies, depuis le 20 décembre 2001, la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) ou International Security Assistance Force (ISAF) opère en Afghanistan et constitue la composante militaire de la coalition, sous l'égide de l'OTAN. Comptant sur 150.000 hommes (dont 100.000 Américains), la FIAS avait pour objectif premier d'aider le gouvernement afghan à assurer efficacement la sécurité dans tout le pays et à mettre en place de nouvelles forces de sécurité pour faire en sorte que l’Afghanistan ne redevienne plus jamais un sanctuaire pour les terroristes. À partir de 2011, la responsabilité de la sécurité a progressivement été transférée aux forces afghanes, qui ont pris la direction des opérations de sécurité dans l’ensemble du pays à l'été 2013. À la fin officielle de l’engagement, la FIAS a vu ses effectifs se réduire, on avançait à l’époque le chiffre de 41.124, dont 28.124 Américains. À la fin de l'année 2014 et au terme de la mission de la FIAS, le processus de transition s'est achevé et les forces afghanes ont assumé l'entière responsabilité de la sécurité. Selon la revue «Diplomatie» : «Le résultat est finalement négatif et il en résulte un gaspillage massif d’argent qui aurait pu être alloué à des postes réellement contributeurs à la sécurité et à la reconstruction. De 2001 à 2013, cette guerre aura coûté 755 milliards de dollars aux États-Unis et 3.476 soldats étrangers, dont 2.350 Américains, y sont morts. L’Alliance laisse derrière elle un pays dévasté et plongé dans l’incertitude avec le risque d’une nouvelle guerre civile. L’armée afghane, censée prendre la relève, est insuffisamment formée et équipée. Les talibans ont gagné du terrain et se retrouvent renforcés au point que des négociations ont été mises sur pied avec les Américains en 2011, ce que les alliés s’étaient toujours refusé à faire depuis le début de la guerre.»

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Bouchra Rahmouni Benhida

Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, «Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, «Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de «Géopolitique de la condition féminine», Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

 

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