Menu
Search
Mercredi 24 Avril 2024
S'abonner
close
Mercredi 24 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Spécial Marche verte

«La société conditionne la fille dès son jeune âge à penser qu’un métier technique est un métier d’homme»

eSTEM Morocco a organisé, le weekend dernier à Casablanca, la première édition de la Conférence internationale des jeunes filles en science et technologie. L’occasion de discuter de la place des jeunes filles dans ces deux domaines et de récompenser les lauréates de la compétition «Technovation Challenge». Retour sur cette journée avec Nezha Larhrissi, cofondatrice et présidente d’eSTEM Morocco.

«La société conditionne la fille dès son jeune âge à  penser qu’un métier technique est un métier d’homme»
Nezha Larhrissi.

Le Matin : En plus des panels de discussion, vous organisez aujourd’hui la troisième édition du «Technovation Challenge». Parlez-nous de cette compétition ?
Nezha Larhrissi : En effet, la compétition «Technovation Challenge» en est à sa troisième édition. C’est un programme dans lequel nous travaillons avec des filles âgées de 10 à 18 ans, qu’on forme pendant quatre mois (entre octobre et mai) à l’apprentissage des codes de développement d’applications mobiles. Mis à part l’âge et le sexe, les participantes au concours doivent avoir accès à un ordinateur, à Internet et on doit leur trouver un mentor avec des connaissances en anglais pour pouvoir accéder à la plateforme et dispenser les formations. Ces critères font qu’on ne s’est pas encore développé dans le rural. Néanmoins, nous avons accueilli des équipes de Tanger, Casablanca, Rabat, Ouezzane… Grâce à la compétition, 39 applications mobiles ont été développées. Il s’agit d’idées de solutions à des problèmes de communauté, comme la gestion des horaires de bus, par exemple.

Les filles de 10 ans s’intéressent-elles aussi à la technologie ?
Elles s’y intéressent énormément, même s’il ne faut pas négliger le rôle du mentor dans cette initiative et des pères qui ont beaucoup soutenu leurs filles. Par ailleurs, nous avons décidé de commencer le travail d’accompagnement et de sensibilisation aux sciences et technologies à un âge aussi précoce, parce qu’on veut créer une communauté qui s’entraide, pour mettre fin au blocage qui empêche les femmes de choisir une carrière scientifique ou technologique. J’ai eu la possibilité de participer au programme Techwomen à la Sillicon Valley en 2013. On part souvent avec l’idée que la femme américaine est émancipée, développée, libre, mais il n’en est rien. Je me suis rendu compte que les femmes américaines souffrent tout autant que les femmes marocaines d’oppositions entre le travail et la famille, de confiance en soi… Parmi les questions qui ont beaucoup été débattues, il y avait aussi le fait que les femmes ne s’entraidaient pas entre elles.

Où réside l’importance des sciences et technologies dans la vie des femmes ?
Je ne voudrais surtout pas que notre organisation donne l'impression qu’il faut absolument faire des métiers scientifiques et technologiques. Je respecte entièrement la diversité et l’importance qu’il y ait de tout dans une société pour qu’elle fonctionne. En revanche, à eSTEM Morocco, on a choisi cette thématique pour une double raison. D’abord, parce que les statistiques montrent qu’il y a un important taux de drop-out chez les filles et que souvent ce sont les femmes elles-mêmes qui prennent des décisions limitantes parce qu’elles sont conditionnées par leur environnement. Donc le but est d’équilibrer le ratio, car nous sommes conscients que la diversité du genre est très importante dans le milieu professionnel. Deuxièmement, parce qu’en 2017, on ne peut pas nier que la science et la technologie sont en train de façonner nos vies
au quotidien, il est donc essentiel de participer à cette révolution.

À quoi attribuez-vous le blocage dont vous parlez et qui empêche les filles d'exercer des métiers techniques ?
Ma conviction profonde est que le blocage est culturel. La société conditionne la fille dès son jeune âge à penser qu’un métier technique est un métier d’homme et que si elle choisit une carrière scientifique, cela va forcément l’éloigner d’une vie sociale et familiale. Toutes ces conceptions erronées conditionnent le choix des filles. D’ailleurs, statistiquement, les jeunes filles arrivent dans les écoles d’ingénieurs à être en parité avec les hommes, par contre, dans le milieu du travail, on constate souvent que les filles virent des métiers purement scientifiques et technologiques vers des métiers plus soft comme le management ou le commercial pour pouvoir trouver un équilibre. Or aujourd’hui, l’humanité fait face à différents challenges et problématiques sociétales. Pour les résoudre, on a besoin aussi bien des hommes que des femmes. Donc il est impératif que la femme puisse apporter sa contribution en matière d’innovation.

Quelles sont les principales actions réalisées par l’association ?
eSTEM Morocco est une ONG marocaine fondée grâce à un don de Techwomen, qui est un programme d’échanges américain auquel les cofondatrices avaient participé en 2013. Elle agit selon deux axes principaux. Le premier c’est «Technovation Challenge». Le second axe, c’est ce qu’on appelle les «Excellent camps», il s’agit de semaines de mentorat qui s'adressent aux lycéennes notamment, sous forme de shadowing en entreprise avec une femme active dans les métiers scientifiques et technologiques, des formations dans le développement personnel, la confiance en soi, l’environnement… 

Lisez nos e-Papers