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«Le Maroc est un pays très impliqué dans les consultations internationales sur la migration»

Le pacte mondial sur les migrations, le pacte mondial sur les réfugiés, la mouvance migratoire et sa relation avec les conflits dans le monde, la place du Maroc dans les consultations internationales sur la migration… Ce sont là quelques-unes parmi les questions abordées par Louise Arbour, la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies pour les migrations internationales dans un entretien accordé au «Matin».

«Le Maroc est un pays très impliqué dans les consultations internationales sur la migration»
Louise Arbour.

Le Matin : Vous avez été nommée Représentante spéciale du Secrétaire général pour les migrations en mars dernier. Quels sont les principaux axes de votre nouvelle mission ?
Louise Arbour : Mon mandat consiste essentiellement en deux parties. Il y a donc cette partie où je suis en charge de rassembler toutes les connaissances des différentes agences relevant des Nations unies qui portent sur les migrations. Ce premier processus est celui des États membres de l’ONU et le Secrétaire général a pour mission d’accompagner ce processus. De ce fait, ma mission est de coordonner les connaissances des Nations unies et d'aider à articuler les lignes directrices des politiques en matière de migration. Pour la deuxième partie de ma mission, je suis en charge du secrétariat général de la conférence sur les migrations qui aura lieu en fin d’année 2018 et durant laquelle les pays membres devront adopter le pacte mondial sur la migration. Mon travail est aussi de gérer cette conférence.

Quelles sont les principales étapes au cours des prochains mois pour élaborer les deux pactes mondiaux sur les migrations et les réfugiés et quels seront les principaux points de ces pactes ?
Les deux pactes sont différents, mais j’ai pour mission de m’assurer de la bonne marche des deux chantiers. Toutefois, il faut savoir que contrairement au pacte sur les migrations, le pacte sur les réfugiés n’est pas une initiative des États membres des Nations unies, mais plutôt du Haut-Commissariat aux réfugiés. Le pacte sur les réfugiés consiste donc en des initiatives du HCR, entre autres, des projets pilotes qui ont pour objectif d’améliorer la mise en œuvre de la convention encadrant le statut de réfugié. S’agissant du pacte relatif aux migrations, le processus est réparti en trois étapes. D’ailleurs, on vient à peine de commencer au début du mois d’avril. Dans ce sens, la première étape consistait à lancer une série de consultations touchant les différentes thématiques en relation avec les migrations. Au total, six grandes thématiques seront abordées. Une première consultation à Genève a déjà été consacrée aux questions des droits de l’Homme, du racisme et de la xénophobie ; une deuxième consultation impliquant les États membres et les ONG a été lancée et s’est intéressée aux facteurs causant la migration. Je peux aussi dire que d’autres consultations seront lancées sur la gouvernance, le trafic des personnes et le travail.
Des consultations régionales seront également lancées et ce processus s’achèvera en décembre prochain avec une réunion au Mexique pour faire le bilan et déterminer les points de convergence et de divergence. Deux co-facilitateurs, les ambassadeurs de Suisse et du Mexique, se chargeront, avec notre aide, de la rédaction de la première ébauche d’un document qui donnera lieu, à partir de janvier, à des négociations sur le texte pour le finaliser en juillet 2018. Je crois que le développement de connaissances plus détaillées sur les migrations sera l’une des recommandations du nouveau pacte, car aujourd’hui on se rend compte qu’on n’a pas de réponse à toutes les questions qu’on se pose à propos des migrations.

Les guerres dans plusieurs régions, notamment au Moyen-Orient, ont provoqué de larges vagues de migration. Que fait l’ONU pour atténuer l’impact de ce mouvement migratoire sur les pays de destination ainsi que pour lutter contre la discrimination et la violence contre les réfugiés et les migrants ?
On présume toujours que les conflits sont la cause du déplacement des réfugiés, mais l’anticipation des conflits et les après-conflits causent aussi des déplacements de personnes qui ne sont pas forcément des réfugiés, mais il s’agit toutefois d’une mouvance migratoire. Quand on regarde les chiffres, il y a dans le monde entier quelque 245 millions de migrants, dont 60 millions de réfugiés. Donc la proportion des réfugiés est assez réduite. L’autre aspect, c’est que la mouvance migratoire est principalement interne. Les gens se déplacent majoritairement dans leur pays. La mouvance est donc locale puis régionale. Les Africains, par exemple, et contrairement à ce que pensent les Européens parfois, ne s’en vont pas tous en Europe, mais plutôt dans leur région et le Maroc en est l’exemple. Il va falloir comprendre ce phénomène de la mobilité humaine dans toutes ses composantes et la résolution des conflits armés et la mise en œuvre de tous les objectifs de développement durable 2030 participeront à la limitation de la migration involontaire et irrégulière. La migration qui se fait par choix est bénéfique pour le migrant, son pays et le pays de destination. Car bien encadrée, la migration a été l’histoire d’un succès. Mais quand elle est mal gérée et surtout involontaire, elle est souvent néfaste pour les migrants et toutes les communautés impliquées.

En 2013, le Maroc a adopté une nouvelle politique migratoire. Qu’en pensez-vous ? Dans quelle mesure contribue-t-elle aux efforts internationaux visant à gérer le problème de la migration ?
Le Maroc est un pays très impliqué sur la scène internationale. D’ailleurs, il assure la coprésidence cette année, avec l’Allemagne, d’un forum qui s’appelle le forum global sur la migration et le développement et dont la réunion annuelle se tiendra à Berlin à la fin du mois. Cette coprésidence du Maroc fait de lui un pays très impliqué dans les consultations internationales sur la migration. Cependant, il m’est difficile de porter un jugement sur la politique nationale après une visite aussi courte. J’ai bien sûr rencontré les ministres concernés, comme le ministre la Justice, celui du Travail, le ministre chargé des Affaires de la migration et des MRE et le ministre des Affaires étrangères, mais je ne peux pas faire une évaluation. Toutefois, je peux dire que le Maroc se présente comme un pays qui était historiquement et continue d’être un pays d’origine, de transit et une terre d’accueil, et sa politique reflète sa préoccupation à tous ces niveaux, ce qui est une bonne chose. Plusieurs pays africains, d’Amérique du Sud et d’Asie sont également dans la même situation et il faut qu’ils développent des politiques nationales comme le Maroc l’a fait. Des politiques qui gèrent tous les aspects de la migration et qui le font avec la coopération pas seulement des systèmes de sécurité ou le ministère des Affaires étrangères. Car la Santé, l’éducation… doivent faire partie de la composante de gestion de la migration dans un pays, ce qui se fait au Maroc avec cette politique.

Dans le cadre de votre visite dans le Royaume, vous avez eu des entretiens avec de hauts responsables. Sur quoi ont porté ces entretiens ?
Cela dépendait des secteurs. Avec le ministre des Affaires étrangères, on a surtout abordé les questions relatives au pacte et à la coprésidence du Maroc du Forum avec l’Allemagne, de l’engagement de S.M. le Roi dans la gestion des questions africaines. Avec le ministre de la Santé, on a parlé du droit à la santé pour les migrants dans différentes situations. Donc on a discuté de la façon dont le Maroc a étendu sa couverture sanitaire pour toutes les personnes présentes sur son territoire.

Étant proche de l’Europe, le Maroc est un pays de transit pour des milliers de migrants. Cela représente un défi énorme pour les pouvoirs publics. Ne pensez-vous pas que le Maroc doit être soutenu dans ses efforts, sachant que la gestion de ce défi est une responsabilité commune des pays du voisinage ?
La notion de responsabilité sera au cœur de ce pacte mondial. Tout le monde cherche une espèce de reconstruction de solidarité internationale vis-à-vis de la mobilité humaine, donc je pense que la question de coresponsabilité, responsabilité des États et solidarité, autant du côté des réfugiés que des migrants, va être importante. Une meilleure gestion du marché du travail de sorte que le migrant ne soit pas absorbé, une fois dans les pays de destination, dans des milieux de travail clandestin. Tout cela va faire l’objet de discussions. Il y a eu également certaines propositions parlant de la création d’une agence de financement pour soutenir les pays qui sont plus au moins sollicité comme pays de transit, mais c’est encore prématuré. L’idée est de créer un fonds international pour que ces pays ne soient pas dépendants de leurs voisins immédiats ou leur région et qu’ils aient accès au financement. Mais tout ça dépendra de la façon dont les États membres vont décider de la gestion de leur solidarité.

Quelles sont les pistes de coopération que vous comptez développer avec le Royaume dans le domaine de la migration ?
Le Maroc est très impliqué depuis le lancement du processus de consultations. L’ambassadeur du Maroc a déjà été le modérateur de l’une des sessions de consultation. De mon côté, je compte bien revoir les ministres marocains à Berlin à l’occasion du forum global sur la migration et le développement. On va donc rester en contact, dans la mesure où l’expérience marocaine, qui est très complète, va sûrement intéresser des pays pour qui cette expérience tripartite (pays d’origine, transit, accueil) est nouvelle. Je pense aussi que l’implication du Maroc au niveau africain est très déterminante. Je crois d’ailleurs que le Maroc à l’intention d’être plus présent dans la mobilisation de l’Afrique sur les questions migratoires.

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