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«Le pourcentage de satisfaction atteint par nos interventions se situe dans la moyenne des institutions européennes»

Dans cet entretien accordé au «Matin», Abdelaziz Benzakour fait le point sur le bilan de l’Institution du Médiateur depuis sa constitutionnalisation, il y a cinq ans. Il expliquer son mode de fonctionnement et analyse les rapports qu’elle entretient avec les administrations.

«Le pourcentage de satisfaction atteint par nos interventions se situe  dans la moyenne des institutions européennes»
Abdelaziz Benzakour

Le Matin : L’Institution du Médiateur a été saisie de 8.442 plaintes dont seules 2.236 relèvent de son domaine de compétence, contre 6.206 n’en relevant pas, de par leur nature et leur objet. Que doivent savoir les citoyens qui veulent vous saisir pour ne pas voir leur démarche rejetée ?
Abdelaziz Benzakour : Avant de répondre à votre question, je voudrais rappeler que l’article 6 du Dahir de création de l’Institution du Médiateur du Royaume délimite l’étendue des prérogatives qu’il lui confère. Il précise en effet que ne peuvent être instruites par le Médiateur du Royaume, ou les Médiateurs régionaux, les doléances visant la révision d’une décision de justice irrévocable, les plaintes concernant les questions pour lesquelles la Justice a été saisie en vue de prendre les mesures ou les décisions qui s’imposent. Ceci, afin d’éviter toute intrusion dans le domaine du pouvoir judiciaire et pour préserver l’indépendance du Médiateur vis-à-vis des trois pouvoirs constitutionnels ainsi que dans les questions relevant de la compétence de Conseil national des droits de l'Homme, qui se préoccupe exclusivement des droits de l’Homme dans leur universalité.
De ce fait, la quasi-majorité des plaintes dont vous faites état ne relève pas du domaine de notre compétence et a trait à l’une ou l’autre des trois limitations légales précitées, outre bien entendu les litiges entre particuliers. Cependant, les auteurs de ces plaintes sont conseillés et orientés conséquemment vers les instances concernées par les sujets évoqués. Il faut remarquer, toutefois, que le pourcentage de satisfaction atteint par nos interventions, dans le cadre des relations entre les usagers et les administrations, se situe dans la moyenne des résultats obtenus par les institutions européennes. Ce qui est encourageant pour nous.

Dans votre dernier rapport, vous dites que l’Institution note à son actif la résolution de 390 affaires. En revanche, il a été difficile de trouver une solution à l’amiable à 435 plaintes. Pourquoi certaines doléances ont-elles pu trouver une issue favorable et pas d’autres  ?
La résolution à l’amiable est évidemment conditionnée par l’accord de l’organe administratif et de l’usager sur une solution raisonnable et acceptable, compte tenu des dispositions législatives en vigueur et éventuellement de la disponibilité des moyens financiers appropriés. C’est ce dernier élément qui retarde souvent la satisfaction des requêtes, en raison de l’absence ou de l’insuffisance des crédits nécessaires. Dans certains cas, l’intervention du Médiateur se fonde sur le concept de l’équité, qui dépasse comme vous le savez les principes du droit. Certaines administrations y sont sensibles, par contre d’autres se cantonnent dans le respect des règles strictes régissant leur propre domaine. Il n’est donc pas toujours aisé d’aboutir à une compréhension totale et de faire bénéficier l’usager de circonstances liées à sa totale bonne foi et à la précarité de sa situation. Ainsi, tout en admettant le bien-fondé de la démarche, les décideurs hésitent souvent à prendre des initiatives et des responsabilités dépassant leurs règles de fonctionnement habituel. Les responsables administratifs n’arrivent pas toujours à se convaincre de la nécessité et de la finalité de nos démarches pour plus de justice et d’équité, dont ils pourraient eux-mêmes avoir un jour besoin.

Pourriez-vous nous décrire schématiquement le circuit qu’emprunte une doléance dès sa réception par le Médiateur et les différents cheminements qu’elle prend ?
Le circuit de traitement des plaintes est relativement simple. Tout d’abord, à la réception des documents, on procède à la vérification de leurs éléments et de la qualité de leur auteur. Ceci dans le cadre de la saisine ordinaire, car l’Institution dispose également du pouvoir d’autosaisine dans les cas d’ignorance par les intéressés de notre existence. Ce qui ne se fait, actuellement, qu’en cas de situation critique concernant tout un groupe d’usagers ou bien toute une région. Les services procèdent ensuite à l’analyse de la doléance ou de la situation pour déterminer la partie administrative concernée par son sujet, ainsi que la justification de son fondement légal. Au cas où la plainte est jugée recevable, l’administration visée est saisie officiellement par écrit pour qu'elle fasse connaître sa position, dans un bref délai, susceptible de prorogation ou de rappel, si nécessaire. Au vu des éléments fournis, le Médiateur apprécie la justesse de la plainte et décide de la suite à lui réserver. L’idéal est de rapprocher les avis opposés pour aboutir à une solution acceptable, dont on s’assure par la suite de la mise en œuvre effective. Au terme du traitement du dossier, le Médiateur prend la décision appropriée et dont les deux parties sont informées. Ou bien, il fait la recommandation qu’il juge utile afin d’aplanir les difficultés persistantes et redresser le fonctionnement administratif, en l’espèce. Le Médiateur dispose, en outre, d’un pouvoir de proposition aux autorités concernées pour apporter toutes les modifications des textes en vigueur jugées nécessaires en vue de leur adaptation à la situation réelle prévalant.

Dans la synthèse de votre dernier rapport, il est dit : «on remarque que l’administration publique, dans sa diversité, malgré les efforts fournis, ne réagit pas suffisamment aux recommandations émises et n’a toujours pas atteint le niveau de réactivité escompté». Comment expliquez-vous cette attitude de la part de l’administration ?
Les plaintes à caractère administratif occupent en effet le premier rang dans l’ensemble des plaintes reçues par l’Institution. La plupart d’entre elles concernent notamment des demandes d’indemnisation pour des voies de fait, le paiement de redevances, de régularisations de situations administratives individuelles, mais également des sollicitations de services sociaux, voire la difficulté d’obtention de documents administratifs divers. L’idéal serait de satisfaire toutes les requêtes fondées. Les recommandations faites à l’issue de leur examen sont toutes indiquées pour les cas soulevés. Cependant, des retards, des incompétences, pour ne pas dire des négligences, sont malheureusement constatés dans certains services administratifs. Le manque de réactivité n’est pas toujours imputable à des comportements particuliers d’agents de l’administration. Des habitudes prises tout au long d’une carrière et des procédures inadaptées à l’évolution des faits et des mentalités peuvent certainement expliquer cette passivité relative. Mais je pense sincèrement que malgré ces insuffisances, notre administration est suffisamment opérationnelle et que ses agents ont atteint un niveau de compétence respectable. Ils font en outre, dans bon nombre de cas, montre d’un esprit de responsabilité, de moralité et de dévouement à la chose
publique.

Vous avez annoncé que votre organisme allait présenter au prochain gouvernement des solutions pour centraliser le suivi et le traitement des problèmes liés aux affaires d’expropriation. Quelles sont votre vision et vos propositions concernant ce volet ?
L’expropriation pour utilité publique est une procédure très souvent justifiée et mise en œuvre dans tous les pays. Les difficultés nées de son application approximative ou irrégulière, ne tenant pas compte des règles juridiques et financières, existent également chez bon nombre de nos voisins. Il s’agit parfois d’une procédure entamée avec précipitation, sans préparation préalable de toutes les conditions nécessaires à son bon déroulement. Des terrains ne sont pas utilisés dans certains cas pour réaliser les objectifs auxquels ils étaient destinés initialement. La mainlevée demandée par leurs propriétaires au terme de la période décennale du plan d’aménagement ne trouve souvent pas beaucoup d’écho. Dans d’autres cas, leur indemnisation tarde trop à être versée ou bien s’avère insuffisante par rapport au marché foncier. Nous pensons, pour notre part, afin d’atténuer les préjudices, qu’il faut réfléchir à centraliser les prises de décision en l’espèce au moment de l’élaboration du budget annuel de l’État, pour éviter l’éparpillement d’initiatives sans aucune coordination et examen judicieux de leur opportunité. Bien sûr, l’exécution de tout projet sectoriel doit demeurer du ressort du département bénéficiaire et sous sa responsabilité directe. Il faut aussi confier les prévisions et le suivi au département chargé des finances. Ainsi, l’évaluation et le versement de l’indemnisation seront mieux respectés.

Que fait le médiateur pour les doléances des MRE ?
À vrai dire, les plaintes des Marocains résidant à l'étranger ne sont pas très nombreuses, elles représentent 3,4% du total. Elles concernent, la plupart du temps, des problèmes d’ordre immobilier à caractère privé. Les MRE n’ont pas suffisamment de temps pour les régler durant leurs vacances au pays. Une attention particulière est accordée aux contentieux administratifs les concernant, à l’instar de toutes les affaires dont nous sommes saisis. Et si leurs doléances s’avèrent irrecevables au vu de nos attributions légales, ils sont conseillés dans leurs démarches auprès des organes compétents. S’agissant de leurs litiges éventuels avec les administrations du pays de leur séjour, nous appuyons, par l’intermédiaire de nos collègues étrangers, leurs efforts dans le cadre de l’assistance mutuelle que nous avons instaurée, au moyen de conventions bilatérales, avec de nombreuses Institutions étrangères. Nous sommes arrivés, par ce biais, à résoudre des situations restées en souffrance depuis des années.

Il y a cinq ans, l’Institution du Médiateur a été constitutionnalisée. Quel bilan dressez-vous de son action ? Et quels sont les chantiers auxquels vous vous attelez toujours ?
La constitutionnalisation est intervenue, pratiquement, à la même période de la création de l’Institution de Médiation, dans sa nouvelle formule, visant à la hisser au niveau des institutions similaires opérant dans les pays avancés dans le domaine de la démocratie et de la gouvernance en matière de droits de l’Homme. La période quinquennale précédente a été caractérisée par une amélioration sensible de notre approche, du fait d'une compréhension plus importante du fonctionnement de notre administration et de l’état d’esprit qui y règne. Les solutions préconisées sont réalistes et tiennent compte du vécu et de l’existant sur le terrain. Nous estimons, tout de même, qu’il y a encore beaucoup à faire dans un domaine aussi sensible que celui de l’intermédiation entre services publics et les bénéficiaires de ses prestations. Cela nécessite davantage de relations de confiance continue avec les décideurs pour les persuader du bon droit des usagers ayant recours à nos interventions. Nos propositions, que nous ne formulons qu’après étude approfondie des doléances et des réponses, sont concrètes et justifiées pour acquérir, sans trop de difficultés, l’adhésion des parties. Sur le plan interne, nous visons le perfectionnement de notre manière de servir les usagers, par la formation permanente et adéquate de nos cadres, de leurs connaissances et leur qualification professionnelle. L’extension de notre réseau de représentations régionales se poursuivra, afin d’assurer davantage de proximité avec les citoyens. En attendant, des points de contact viendront s’ajouter, aux cinq délégations régionales existantes. Ainsi, trois points de contact ont récemment été ouverts à Oujda, Agadir et Marrakech.

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