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Le Pakistan, ex-champion du textile, rêve de retrouver son rang

Le Pakistan, ex-champion du textile, rêve  de retrouver son rang
Le Pakistan risque d'avoir du mal à reconquérir ses parts de marché perdues en matière d'exportations. Pour l'heure, celles-ci continuent de baisser (-13% sur les neuf premiers mois de 2016), signe que le textile n'a pas redémarré.

Le Pakistan, poids lourd du coton mondial, a longtemps souffert d'un approvisionnement erratique en électricité. Aujourd'hui, celui-ci s'améliore et le secteur du textile se reprend, mais le pays peine à relancer ses exportations. Impayés, corruption, inefficacité, manque d'investissements : la production d'énergie est restée très en deçà de la demande cette dernière décennie dans le pays. Cela a lourdement handicapé le secteur du textile, qui emploie 30% de la population active et constitue la majorité des exportations du pays, quatrième plus gros producteur de coton dans le monde, derrière l'Inde, la Chine et les États-Unis. La moitié du temps, «on devait alimenter les fabriques avec des générateurs au diesel, ce qui était très coûteux, alors on a préféré fermer plutôt que de perdre de l'argent chaque jour», explique Rehan Bharara, ancien propriétaire d'ateliers de tissage, qui dirige un projet public d'infrastructure pour le textile. Au total, un tiers des capacités de production du secteur a disparu en quelques années, des milliers d'usines ont fermé et la plupart des autres fonctionnent en sous-régime, relève M. Bharara. Les interminables coupures d'électricité et de gaz empêchant les Pakistanais d'être compétitifs et d'honorer leurs commandes à temps, ces derniers ont perdu des clients, au profit du Vietnam ou du Bangladesh notamment.

Investir dans l'énergie pour survivre
Les manufactures qui ont tiré leur épingle du jeu sont celles qui ont investi lourdement dans la production d'énergie. Il en va ainsi au sein des très modernes établissements Sadaqat, qui fournissent en linge de maison une cinquantaine d'enseignes occidentales de grande distribution comme Intermarché, Auchan ou Leclerc. L'alimentation des immenses ateliers d'impression, de coupe et de couture y varie selon les heures. «Nous avons trois sources d'électricité : la moins chère (...), c'est le gaz. Si nous n'avons pas de gaz, nous utilisons la compagnie publique d'électricité Wapda. Et s'il y a une coupure sur Wapda, alors on démarre les générateurs au fioul», explique le patron Mukhtar Ahmed. «Je n'ai pas le choix. Si j'arrête de produire, nous perdons nos clients».
Mais les structures plus modestes, notamment les centaines de milliers d'ateliers de tissage du coton, sont, elles, dépendantes du réseau électrique public. À chaque coupure de courant, le travail s'interrompt. «Les ouvriers comme nous ne sont payés que s'il y a de l'électricité et que les métiers tournent. Pas d'électricité, pas de salaire», soupire Mohammad Rizwan, tisserand de 21 ans. Une pratique qui n'est pas inhabituelle dans l'industrie au Pakistan.

24 heures sur 24
Le gouvernement a promis de mettre fin d'ici 2018 aux coupures qui sèment le chaos dans l'économie et la vie quotidienne des Pakistanais. Il a récemment mis les bouchées doubles et fait de l'industrie sa priorité, une politique qui commence à payer. Mi-décembre, le pays a lancé sa quatrième centrale nucléaire. «Les coupures ont beaucoup diminué (ces derniers mois). Si on peut tenir le coup encore un ou deux ans, les gens investiront de nouveau» dans le textile, estime Wahid Raamay, président de l'Association des propriétaires de métiers à tisser à Faisalabad (nord du Pakistan). «L'important, c'est qu'ils nous fournissent de l'électricité 24 heures sur 24», souligne-t-il. Depuis quelques semaines, les plus grandes manufactures de Faisalabad sont alimentées sans interruption. La situation reste plus erratique pour les petites unités de filature et de tissage comme celle de M. Raamay, mais s'améliore.

Cher courant
Malgré cette importante avancée, les producteurs de textile ne sont pas pour autant tirés d'affaire : le développement du réseau électrique à marche forcée et le recours à du gaz naturel liquéfié d'importation ont renchéri le coût de l'énergie. Selon M. Bharara, le prix de l'électricité du réseau a presque doublé en huit ans, passant de 6 roupies par kW/heure à plus de 11. C'est moins que les 26 roupies par
kW/heure que coûte l'électricité produite avec un générateur au diesel, mais plus que dans les pays concurrents. «Pour le moment, nous peinons à fournir de l'électricité à un prix compétitif», reconnaît Muhammad Salim Bhatti, directeur de la compagnie de distribution locale Fesco. «Au moins, nous avons du courant. Mais c'est plus cher qu'ailleurs», concède-t-il. «Avec le temps, nous deviendrons moins chers», espère-t-il, soulignant que les centrales solaires, hydroélectriques ou au charbon, promises par Islamabad et plus longues à construire, produiront à moindre coût. Mais la Banque asiatique de développement (ADB) est moins optimiste, en raison notamment de la présence d'investisseurs chinois au capital des nouvelles infrastructures : vu l'opacité des appels d'offres, «l'électricité émanant des centrales construites par des compagnies chinoises devrait être chère», explique le représentant de l'ADB au Pakistan, Werner Liepach. «Ça sera moins cher que (...) le courant produit par les centrales thermiques, dont certaines seront ainsi remplacées», mais le rapport coût/efficacité ne sera pas optimal, relève M. Liepach. Au final, le Pakistan risque donc d'avoir du mal à reconquérir ses parts de marché perdues en matière d'exportations. Pour l'heure, celles-ci continuent de baisser (-13% sur les neuf premiers mois de 2016), signe que
le textile n'a pas redémarré.




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