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Accueil next L'humain au centre de l'action future

Le récital «Une saison ardente», une immersion aux origines de la poésie, au cœur de «Souffles»

Le récital «Une saison ardente» constitue un véritable voyage, une immersion aux origines de la poésie, de l'écriture, du chant et du théâtre, une immersion au cœur de «Souffles», un hommage à la réédition de la revue et à la mémoire de tous les compagnons de route qui ont contribué à cette aventure.

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Regroupant les voix d'un grand nombre d’acteurs et de compagnons de route de la revue en faisant dialoguer différents écrits, poèmes, nouvelles, prises de position et manifestes, ce florilège de textes de «Souffles» a offert, samedi soir à Casablanca, au public de la 23e édition du Salon international de l’édition et du livre (SIEL), l’occasion de voyager dans une contrée où le lien entre la poésie et le chant devient une évidence, un moment profond et unique qui s’adresse aux esprits intellectuels.

Né d'une vraie complicité entre des artistes appartenant à des générations différentes, à savoir Abdellatif Laâbi, Mostafa Nissabouri, Jocelyne Laâbi, Younes Ajarai, Abdelhadi Saïd, Driss El Maloumi (luthiste) et Lahoucine Baqir (percussions), ce récital composé de 37 textes d’auteurs de «Souffles» (extraits des 3.000 pages de la revue en langues arabe et française) a été dédié «à tous ceux qui ne sont plus des nôtres», à souligné Laâbi, l’un des fondateurs de la revue et président de la Fondation Lâabi pour la culture, initiatrice de cet événement de deux jours en collaboration avec le ministère de la Culture. Paroles nues des poètes, voix envoûtante des conteurs et performances musicales éblouissantes du compositeur et du chanteur se prêtent attention, dialoguent, s’aimantent jusqu’à s’unir dans un même élan de plénitude créatrice.

«La poésie, synonyme de chair, de sueur, d’art (...), est tout ce qui reste à l’Homme pour proclamer sa dignité (...), pour que son souffle reste à jamais imprimé et attesté dans le cri», a confié Abdellatif Lâabi, en lisant le premier récital. S'exprimant vendredi soir lors de la commémoration du cinquantième anniversaire de la revue, il a indiqué que la réédition de «Souffles/Anfas» sous le signe «Une saison ardente, “Souffles” 50 ans après», est une revue avec une vision émancipatrice et toujours d’actualité. «Ce projet constitue l’aboutissement d’une longue réflexion sur la question de la mémoire culturelle contemporaine au Maroc», a expliqué son fondateur, faisant observer que cette commémoration dédiée aux 50 ans de sa création permet de revenir sur sa genèse et sur la fin d’une expérience dont certaines questions sont toujours d’actualité. «Cette réédition, retracée à travers les textes et les témoignages de ses contributeurs, montre que sa vision moderniste et progressiste invitait à des questionnements toujours d’actualité», a-t-il dit.

La célébration du 50e anniversaire de la création de la revue est une occasion de réunir les survivants de l’époque de «Souffles» et d'honorer la mémoire de tous les compagnons de route qui ont contribué à cette aventure, ainsi que de plaider en faveur de la préservation de la mémoire culturelle marocaine du passé comme celle du présent, a relevé Laâbi. Il a aussi mis l’accent sur l’originalité maîtresse de cette revue qui réside dans la jonction entre poètes et peintres. «Cette jonction a donné quelque chose de nouveau vu que les toiles de l’époque étaient d’une modernité folle»,
a-t-il dit.
Vu avec le regard du présent, «Souffles» retrace un pan de l’histoire contemporaine culturelle et politique du Maroc et même au-delà, a relevé, de son côté, Younes Ajaraï, activiste culturel et vice-président de la Fondation. S’agissant des actes du colloque qui a eu lieu du 7 au 9 avril dernier à Rabat, il a estimé que c’était une occasion d’avoir une pensée pour ceux qui sont partis et de rendre hommage aux survivants en leur offrant l’opportunité de témoigner de leurs parcours et de porter leur regard sur l’époque et le contenu de la revue. Il a aussi fait savoir que la revue rééditée traite des thématiques actuelles, dont les données ont un peu changé, mais auxquelles on cherche toujours des solutions. «On ne peut pas dire que les textes de “Souffles” sont à jour et de circonstance, parce qu’ils étaient contextualisés à l’époque, mais beaucoup d’entre eux sont visionnaires et se mettaient en perspective», a-t-il affirmé.

Pour sa part, Abdelkader Retnani, directeur des Éditions la Croisée des chemins, a rappelé que «Souffles» a été publiée de 1966 à 1972, saluant l’initiative de la Fondation Laâbi de vouloir faire revivre cette revue avant-gardiste et d’actualité. Cette revue revisitée, formulée par le biais de sa réflexion culturelle avant-gardiste, a porté, pendant ses sept années d’existence, un véritable mouvement intellectuel. Ainsi, les questionnements qu’elle a soulevés sont encore d’une grande actualité, en rapport avec le monde, l’état de la culture, le rapport Nord-Sud ou encore le conflit israélo-palestinien, a-t-il souligné. M. Retnani a de même fait savoir que les 23 numéros, sous forme de 23 petits livres à l’identique (6 en arabe et 17 en français), ont été publiés avec une couverture renforcée, rappelant que la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc (BNMR) a procédé à la numérisation et à la publication de l’intégralité de la revue «Souffles/Anfas», désormais mise à la disposition du public. «L’occasion pour des jeunes de faire connaissance avec une génération exceptionnelle par sa réflexion et ses questionnements qui restent encore aujourd’hui d’une affligeante actualité», a-t-il poursuivi, appelant les universités à se procurer cette collection qui s’avère une mémoire vivante et une matière d’une grande utilité pour les chercheurs et les universitaires.

Parmi les témoignages, celui de Mostafa Nissabouri, cofondateur de la revue, qui donne une idée de ce que représentait «Souffles» au tout début pour ses concepteurs en tant que projet d’avant-garde qui répondait à des aspirations profondes. Concernant sa reprise, il a expliqué que cette initiative constitue une reconsidération de l’humain, vu à travers les textes qui étaient «en avance sur leur temps et contre leur temps, mais qui ont, au point de vue de l’écriture, résisté». «Ces textes ont porté en eux même leur propre gène d’existence. Ils peuvent être interrogés par les générations actuelles, du moment qu’ils ont une certaine actualité, puisqu’ils traitaient non seulement de la littérature, mais aussi du chaos que connaît le monde compte tenu des chocs idéologiques et des confusions des concepts», a plaidé M. Nissabouri. Il a aussi fait savoir que le fait d’avoir songé à rééditer «Souffles» à l’identique et de remettre un pan de l’histoire du pays à la disposition des futures générations est important pour la mémoire culturelle, soulignant son rôle dans le renouvellement de la culture et de la littérature. De son côté, Karine Joseph, directrice des Éditions Sirocco, a relevé que cette expérience a été pour elle une grande responsabilité, étant donné la charge «émotive» des textes et leur «force», se disant fière de pouvoir contribuer à cette aventure. La revue a été lancée au départ à l’initiative des trois poètes Mohammed Khair-Eddine, Mostafa Nissabouri et Abdellatif Laâbi, qui en assurait la direction. Trois peintres ne tarderont pas à se joindre au projet, en l’occurrence Farid Belkahia, Mohamed Chebaa et Mohamed Melehi. De nombreuses autres figures du milieu culturel ont contribué à la revue, dont Driss Chraïbi, Jilali Gharbaoui, Abraham Serfaty, Tahar Benjelloun. 

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