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Les débuts d’une cité avant-gardiste

Durant la première moitié du XXe siècle, la ville de Casablanca se transformera d’une petite bourgade de 20.000 habitants en une ville à la pointe du modernisme architectural et urbain. Encouragée par les autorités coloniales, toute une génération d’urbanistes et surtout d’architectes issues d’horizons divers, notamment de l’École des beaux-arts de Paris, s’attelleront à faire de cette ville un grand laboratoire d’expérimentation à ciel ouvert où le style traditionnel marocain et le courant art déco fusionneront avec brio.

Les débuts d’une cité avant-gardiste
Travaux d'élargissement du boulevard du 4e Zouave.

Dès les premières années de la présence française au Maroc et surtout à Casablanca, les autorités coloniales, incarnées en la personne du premier résident général, Hubert Lyautey, vont s’atteler à bâtir un grand port sur la côte atlantique du Maroc. Casablanca était alors un petit chef-lieu de la région agricole de la Chaouïa, dont la population avoisinait les 20.000 habitants, vivant majoritairement à l’intérieur des murailles de la médina. Le choix de ce petit port s’est imposé à l’autorité coloniale vu la position stratégique qu’il occupe à la croisée des chemins entre le nord et le sud du Royaume chérifien. La présence européenne dans la ville à l’époque était généralement composée de diplomates, de négociants et d'autres douaniers qui contrôlaient le commerce maritime dans le port en conformité avec les recommandations de la Conférence d’Algésiras de 1906.

En août 1907, les troupes françaises du général Drude débarquent dans la ville en représailles à la mort d’une équipe d’ouvriers du port tués par des résistants des tribus de la Chaouïa. L’immigration des colons européens, surtout français, va s’accentuer après la signature du Traité de protectorat français sur le Maroc en 1912. Ces colons sont attirés par la perspective du gain et surtout par les facilités mises en place par les autorités coloniales pour acquérir des terrains. Ils vont être les premiers à investir dans la construction de bâtiments à l’extérieur des murs de la médina, mais de manière assez chaotique. Dans son désir d'ériger un pôle économique moderne et attractif, Lyautey va faire face au début de son mandat à la tête de l’autorité coloniale au Maroc à ce problème de l’urbanisation sauvage à Casablanca. Voulant remettre de l’ordre dans le paysage urbain de la ville blanche, Lyautey va faire appel à une des figures qui vont le plus marquer l’histoire de la ville blanche, l’architecte urbaniste Henri Prost, qui débarque sur les quais de la ville en avril 1914 et dresse alors son constat sans appel de la situation urbaine de la ville. «À première vue, c'était un chaos invraisemblable, sans voirie possible, tellement le développement avait été rapide, partout à la fois et en tous sens», remarque l’urbaniste dès son arrivée au Maroc.

Genèse d’une mégapole moderne

Très vite, Henri Prost, qui sera nommé directeur du service des plans des villes au Maroc, va devoir faire face à un problème de taille dans la ville blanche. À cette époque, la spéculation immobilière est à son apogée, de nombreux édifices sont construits de manière anarchique à l'extérieur des murailles de la médina sans réel contrôle des pouvoirs locaux, notamment de la part du chef du Bureau des renseignements à Casablanca, représentant dans la ville du corps d'occupation qui ne disposait d'aucune autorité pour réguler cette extension immobilière sans normes. Contrairement au cas des autres villes marocaines dans lesquelles les autorités françaises ont pu opérer en terrain libre, le développement urbain antérieur à 1912 de Casablanca a obligé l'administration du Protectorat à faire avec des bâtisseurs privés qui opèrent généralement dans le plus grand désordre.

Pour remédier à cette anarchie à la casablancaise, les autorités françaises vont adopter un certain nombre de mesures. Une commission municipale sera mise en place afin de mettre en œuvre les recommandations du Dahir d’avril 1913 relatif aux alignements, plans d'aménagement et d'extension des villes, des servitudes et taxes de voirie. Henri Prost, qui restera au Maroc pendant 8 ans, va présenter son premier plan d’aménagement de la ville de Casablanca en 1915. Ce plan très avant-gardiste pour l’époque s’inspira des expériences allemandes et américaines, surtout dans domaine du zonage, de l'occupation des sols, des gabarits, de l'alignement et des remembrements. D’ailleurs, la mise en pratique de ces nouvelles règles ne pourra se faire, en France, qu'après la Première Guerre mondiale, faisant de Casablanca une référence urbanistique à l’échelon mondial.
Le plan Prost a pris la médina comme point de départ pour une extension circulaire vers le sud de la ville. Souhaitant réconcilier la ville avec sa façade maritime, Prost entamera son premier grand chantier dans la ville. En 1920, les travaux de percement du premier boulevard de la ville débuteront. Le résident général Hubert Lyautey inaugure la même année le début des travaux de percement du boulevard du quatrième Zouave (actuel Boulevard Félix Houphouët-Boigny). Ces travaux vont aboutir à la destruction de la prison d’Anfa qui constituait à l’époque un verrou empêchant le prolongement du boulevard vers la mer. En 1922, on procéda à un élargissement du boulevard et à la destruction de la muraille nord de la médina. Les travaux terminés, le boulevard du quatrième Zouave et la Place de France (actuelle place des Nations unies) et ensuite la place administrative seront des points de départ pour des constructions plus ordonnées et en symbiose avec le désir de Lyautey d’intégrer l’héritage architectural marocain dans la nouvelle ville qui se dessinait. Très vite, de nombreux architectes, issus pour la majorité des colonies voisines d’Algérie de Tunisie ainsi que de la métropole, imprégnés par le courant art déco, vont affluer vers la ville, attirés par ce nouvel eldorado qui leur permettra de mettre en pratique les toutes nouvelles techniques de construction de l’époque, notamment le béton armé. 

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