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Quand le CV et l'entretien ne suffisent plus

Les méthodes classiques de recrutement sont centrées sur le CV et l’entretien. En d’autres termes, elles privilégient le déclaratif au détriment de la vérification empirique sur le terrain. Un recrutement censé renforcer les rangs de l’entreprise par des compétences sur le long terme est réglé en moins de deux heures, le temps de parcourir un CV et de passer un entretien. C’est non seulement inefficace, mais dangereux face à une nouvelle génération de candidats ayant appris à déjouer les pièges d’un tel processus, réduisant sa valeur d’évaluation à néant. La solution est pourtant à la portée de tous les managers RH, mais elle est détournée de sa fonction originelle.

Quand le CV et l'entretien ne suffisent plus

Les méthodes classiques montrent leurs limites

Dans la plupart des entreprises, le recrutement se limite à une étude de dossier, principalement le curriculum vitae, et à un ou plusieurs entretiens avec différents responsables de l’entreprise. Les principaux critères d’évaluation sont la qualité des diplômes et la longueur de l’expérience, mesurée en nombre d’années dans le même poste. Dans le monde complexe où évoluent les entreprises, cette démarche semble être simpliste, voire néfaste. Ainsi le recrutement d’un collaborateur pour plusieurs années à venir est scellé lors d’un entretien de quelques minutes (30 à 45 en moyenne) ; un entretien usuel où il n’y a plus de place à l’imagination et où les échanges sont, sans surprise, fort stéréotypés.

Les questions posées par les interviewers et les réponses données par les candidats sont à 70% les mêmes dans toutes les entreprises : présentez-vous ? parlez-nous de votre expérience ? pourquoi voulez-vous changer d’entreprise ? quels sont vos trois principales qualités et vos trois principaux défauts ? que savez-vous sur notre entreprise ? quelles sont vos prétentions salariales ? et avez-vous une question à nous poser ? Aujourd’hui des centaines de sites et de vidéos sur YouTube montrent comment répondre facilement à ces questions, qui perdent toute vertu d’évaluation. À l’instar de nos systèmes d’enseignement, il suffit d’être «bon» pendant trois quarts d’heures pour ne plus l’être par la suite.
Par ailleurs, il suffit d’être diplômé d’une école ou d’une université prestigieuse pour que le processus en entier devienne une simple formalité administrative. Tout se passe comme si avoir été un bon élève est en soi une garantie d’être un bon manager, sachant que les critères d’excellence dans un cas comme dans l’autre sont très différents, voire diamétralement opposés. Alors qu’à l’école, c’est l’intellect qu’on évalue, en entreprise, c’est d’abord un caractère qu’on juge. C’est la raison pour laquelle les premiers de la classe font rarement une brillante carrière en entreprise et que beaucoup de grands hommes d’affaires ont un niveau d’enseignement qui ne dépasse pas le primaire. Or paradoxalement, les méthodes classiques d’embauche se focalisent souvent sur le quotient intellectuel, mais très peu sur le quotient émotionnel, qui ne peut être appréhendé le temps d’un ou même de plusieurs entretiens.

Inscrire l’évaluation des futurs collaborateurs dans la durée

Les dirigeants RH doivent donc abandonner les méthodes scolaires de recrutement et leur substituer des outils adaptés au monde de l’entreprise. Ainsi, au-delà des connaissances techniques des candidats, qui restent certes importantes, les dirigeants RH doivent mettre l’accent sur l’évaluation du caractère du candidat. L’évaluation réelle commence par conséquent pendant la période d’essai, pendant laquelle l’entreprise doit organiser un véritable processus de sélection et non se contenter de la fameuse visite des services et, dans le meilleur des cas, d’un rapport de stage. Pendant la période d’essai, il faut mettre le futur collaborateur en situation réelle face à un ou plusieurs problèmes, auxquels il doit apporter des solutions concrètes et innovantes. C’est cette mise à l’examen qui permettra à l’entreprise d’évaluer les qualités du candidat, dont elle aura réellement besoin (engagement, sang-froid, maîtrise, initiative, responsabilité, éthique, etc.). Elle ne sera pas «bernée» par un excellent CV (dont elle ne pourra pas vérifier l’essentiel des réalisations exposées) ou trompée par une bonne élocution pendant les entretiens.

Il est temps pour les DRH de déplacer le centre de gravité de l’embauche du CV et de l’entretien vers les nouveaux horizons plus longs et plus pertinents que permettent les périodes d’essai. Celles-ci doivent désormais remplir leur rôle d’antichambre du recrutement et non de connaissance de l’entreprise. Cette dernière peut toujours être envisagée ultérieurement. Pour certains postes sensibles, l’entreprise gagnerait à mettre plusieurs candidats en compétition pour n'en retenir que le meilleur. Souvent, c’est beaucoup moins onéreux que de se tromper sur un candidat qu’elle devra trainer comme un boulet ou dont le départ peut s’avérer extrêmement coûteux et compliqué. Le recrutement doit également tenir compte de la place du candidat dans le collectif que constitue l’entreprise.

Ainsi, un excellent profil peut, pour des raisons de culture de l’entreprise, ne pas apporter de valeur ajoutée à l’ensemble, ce qui est, in fine, la finalité de l’embauche. Nous enfonçons des portes ouvertes, en rappelant que la richesse de l’entreprise n’est pas dans la somme des individus qui la composent, mais dans l’apport de chaque collaborateur à l’édifice dans son ensemble.
Cet apport ne peut se concrétiser que si les collaborateurs partagent les mêmes valeurs et ont un minimum d’affinités. C’est ce qui explique que dans beaucoup de jeunes entreprises modernes l’arrivée d’un nouveau collaborateur doit recueillir l’avis de tous. Le recrutement n’est donc plus l’affaire des DRH et des services concernés, mais l’affaire de tous. L’esprit d’entreprise n’est, par voie de conséquence, pas qu’un simple slogan.

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Par Nabil Adel
M. Adel est chef d'entreprise, consultant et professeur d’Économie, de stratégie et de finance. Il est également directeur général de l'Institut de Recherche en Géopolitique et
Géo-économie à l'ESCA.
[email protected]

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