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Réhabiliter ce mal-aimé du management

Bien que mobilisant des montants importants, la gestion des immobilisations reçoit rarement la même attention que celle accordée à d’autres éléments du patrimoine (stocks, créances clients, dettes fournisseurs, trésorerie, etc.). Or la performance économique dans une entreprise en dépend tout autant. Estimant que l’essentiel est fait au moment de l’acquisition, les managers s’en détournent en faveur d’autres urgences, alors que les actifs physiques de l’entreprise sont dans certains cas sa principale source de création de valeur. Et pourtant !

Réhabiliter ce mal-aimé du management

De quoi parle-t-on ?
La notion d’immobilisation reste assez floue et sa ligne de démarcation avec les charges n’est pas toujours une tâche aisée. Or cette distinction est importante pour deux raisons. D’abord, elle permet d’améliorer la lisibilité et donc la pertinence des états de synthèse. D’autre part, elle est de nature à optimiser les impôts à payer par l’entreprise, dans la mesure où les immobilisations sont étalées, par le jeu des amortissements, sur plusieurs années, alors que les charges sont constatées intégralement dans l’exercice comptable. Ceci réduit, à due concurrence, la base imposable de la société et donc ses impôts. Nous appelons donc immobilisation tout bien qui réunit les cinq conditions suivantes : (i) sa durée de vie est supérieure à une année, (ii) il peut être localisé et individualisé aisément, (iii) il est la propriété de l’entreprise ou utilisé effectivement par celle-ci, (iv) il n’est pas détruit par le premier usage dans le cycle d’exploitation, mais perd sa valeur par le passage du temps ou par des altérations extérieures (vol, destruction, accidents, etc.) et (v) il doit procurer des avantages économiques futurs à l’entreprise (augmentation de revenus ou économie de dépenses). Cette définition n’est pas universelle, dans certains cas, un bien peut réunir toutes ces conditions (cas d’une calculatrice à 30 dirhams) et être considéré comme une charge, s’il a une faible valeur. En effet, l’immobilisation d’un bien suppose l’établissement d’un plan d’amortissement et d’un inventaire annuel.

Rationaliser l’acquisition

L’acquisition ou la production d’immobilisations doivent obéir à une discipline rigoureuse d’évaluation d’impact industriel et économique. En effet, la règle générale est qu’un investissement n’est réalisé que s’il contribue durablement à l’augmentation de la valeur de l’entreprise. Les managers doivent donc veiller à entreprendre systématiquement des études d’évaluation de la rentabilité des investissements de l’entreprise ; et les conseils d’administration à ne les valider que sur cette base. Outre la formalisation du processus, il y a lieu de déterminer et communiquer le coût du capital de l’entreprise (coût moyen pondéré de ses différentes sources de financement) qui servira de barrage en dessous duquel les investissements sont rejetés, car détruisant de la valeur pour les investisseurs.
La méthodologie de choix des investissements est fort heureusement assez mûre et les critères d’évaluation sont connus et faciles à calculer. Les plus utilisés sont la valeur actuelle nette (valeur actualisée au coût du capital des flux de trésorerie consommés et générés par l’investissement, qui doit être positive), le taux de rentabilité interne (taux de rentabilité intrinsèque de l’investissement qui doit être supérieur au coût du capital) et le délai de récupération (durée nécessaire à la récupération du montant de l’investissement initial qui doit être la plus courte possible). D’autres critères, plus ou moins sophistiqués, sont utilisés, mais notre propos n’est pas de les développer tous ici. Or, bien souvent, les investissements, même dans certaines grandes entreprises, sont réalisés au flair ou par mimétisme de la concurrence. La discipline de choix des investissements est salutaire, car elle force les managers à envisager plusieurs options, à étudier le marché et son évolution, à calculer les coûts, à rationaliser les enveloppes d’investissement et à sécuriser leur financement. Ce travail, bien que fastidieux, peut éviter à l’entreprise bien des erreurs inutiles.

Optimiser le cycle de vie

Les mouvements des immobilisations dans une entreprise ne sont pas toujours aussi bien gérés que ceux des stocks par exemple. Et pour preuve, le fichier informatique des immobilisations reflète rarement son patrimoine réel. Dans beaucoup de cas, des immobilisations sont utilisées par l’entreprise, mais ne figurent pas dans ses fichiers informatiques et, à contrario, des biens sont répertoriés dans ce fichier, mais n’existent réellement plus depuis fort longtemps.

En effet, si l’inventaire physique annuel des stocks est une tradition de gestion bien ancrée, celui des immobilisations l’est moins, sachant qu’il est tout aussi exigé par la réglementation. Un travail de «nettoyage» de la gestion des immobilisations permet non seulement de se conformer à la loi, mais améliore la lisibilité des comptes de l’entreprise et permet même des économies de certaines charges calculées sur la base des fichiers informatiques des immobilisations (amortissement, taxes locales et assurances). La première étape de ce travail est de mettre sur pied des procédures d’exploitation (normes d’usage, entretien, protection, etc.) pour sauvegarder le patrimoine de l’entreprise. Ensuite, il y a lieu d’instaurer la rigueur de l’inventaire annuel des immobilisations, le rapprocher des fichiers informatiques et expliquer les écarts ; un rapport dans ce sens est soumis au conseil d’administration pour statuer dessus. Par ailleurs, il faut mettre en place des procédures strictes encadrant tous les mouvements des biens (acquisition, exploitation, transfert et sortie). Enfin, il faut tirer profit des nouvelles possibilités offertes par le développement des logiciels d’immobilisations (géolocalisation, codes à barres, comptabilisation automatique des amortissements, etc.) pour en améliorer la gestion. En fonction de son utilisation, un même bien n’a pas la même durée de vie et c’est de cette durée de vie que dépend sa création de valeur pour l’entreprise. Peu de dirigeants le comprennent malheureusement.

 

Par Nabil Adel
M. Adel est chef d'entreprise, consultant et professeur d’Économie, de stratégie et de finance. Il est également directeur général de l'Institut de Recherche en Géopolitique et
Géo-économie à l'ESCA.
[email protected]

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