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Rémunération : Il faut plus qu’un salaire !

Par Nabil Adel M. Adel est chef d'entreprise, consultant et professeur d’Économie, de stratégie et de finance. Il est également directeur général de l'Institut de Recherche en Géopolitique et Géo-économie à l'[email protected]

Rémunération : Il faut plus qu’un salaire !

Alors que l’impact des talents individuels est de plus en plus marquant dans les performances des entreprises, beaucoup d’entre elles continuent de rémunérer comme au bon vieux temps, où la machine pouvait remplacer des milliers de travailleurs. Les systèmes de rémunération doivent prendre en compte les effets d’un environnement de plus en plus concurrentiel et les exigences de collaborateurs de plus en plus qualifiés. Pour être en phase, une politique salariale doit être la superposition de plusieurs briques.

Face à des salariés très performants, la politique de rémunération doit suivre

L’élaboration d’une politique salariale doit prendre en compte un équilibre subtil entre plusieurs paramètres, face à la complexité d’un environnement où les talents placent la politique salariale de l’entreprise parmi les critères de sélection les plus importants. Pour attirer et fidéliser les meilleurs, un système de rémunération doit offrir autre chose qu’un salaire fixe, une couverture santé et, dans le meilleur des cas, une retraite complémentaire.
Penser que cela suffit, c’est faire preuve d’une naïveté consternante. Cela peut marcher avec les profils moyens, mais pas avec les stars dans l’entreprise. La rétribution doit intégrer que les meilleurs candidats, ceux qui transforment les entreprises pour le plus grand bonheur des clients et des investisseurs, veulent devenir millionnaires quand ils rendent leurs actionnaires milliardaires. C’est légitime et on ne peut pas leur en vouloir. Les entreprises les plus florissantes l’ont compris et s’y sont adaptées, quand les autres continuent à pinailler sur des augmentations à 3% par an, alors que leurs bénéfices explosent. Il est donc important de penser la politique de rémunération par étages.

Salaire fixe : dignité et stabilité

Tout d’abord, il faut que la rémunération puisse garantir à tous les collaborateurs de l’entreprise un niveau de vie digne. En effet, il est inconcevable que des salariés, quelle qu’en soit la qualification, travaillent pendant la durée légale et fassent exactement ce qui leur est demandé, mais ne puissent pas subvenir, par leur travail, à leurs besoins les plus élémentaires, à savoir un logement décent, des soins de base et une éducation acceptable de leurs enfants. Nous ne parlons sciemment pas d’alimentation, ni de transport au lieu de travail, car cela relèverait
de l’injure. En effet, la rémunération la moins élevée de l’organisation doit être conçue pour permettre à tous les collaborateurs de vivre dans la dignité, quitte à prélever sur les salaires les plus importants pour redistribuer aux détenteurs de revenus faibles. Avant de développer de grands modèles de rémunération, subvenir aux besoins élémentaires de tous les travailleurs de l’entreprise doit être le point de départ de toute politique salariale.
Le deuxième étage de la rémunération est constitué par le salaire fixe. Celui-ci, une fois le minimum de vie digne assuré, doit tenir compte des qualités intrinsèques des collaborateurs. Ces qualités sont mesurées par leur niveau de formation (savoir), l’étendue de leur expérience (savoir-faire) et leur caractère (savoir-être). Dans certaines entreprises, des grilles sont élaborées pour les évaluer et attribuer des rémunérations correspondant à ces qualités. Bien qu’introduisant une certaine transparence dans la politique de rémunération, ce type de systèmes peut devenir à long terme un facteur d’inertie, si l’entreprise en devient prisonnière.
À travers une politique judicieuse de ressources humaines, l’entreprise doit veiller à développer continuellement ces qualités et à les rétribuer à leur juste valeur, car il y va de la fidélisation de ses meilleurs éléments et, par conséquent, de sa performance à long terme.

Prime variable : compétence et performance

Le troisième étage de la rémunération est celui de la performance individuelle. Il doit permettre de distinguer, à l’intérieur de l’organisation, les meilleurs collaborateurs et de récompenser les résultats individuels pendant un exercice donné. Cette rétribution est variable et prend souvent la forme d’une fraction ou d’un multiple du salaire annuel, dans le cas de certaines entreprises poussant le culte de la performance à l’extrême. La prime variable est souvent liée à des indicateurs de performance qui dépendent directement des réalisations du collaborateur (croissance des ventes, niveau des marges, économie des frais généraux, taux de satisfaction des clients, délais de traitement des opérations, etc.). Cet étage est censé «booster» les résultats de l’entreprise et motiver les salariés les plus performants, en liant une partie de leur rétribution à des leviers qu’ils maîtrisent
directement.

Participation : solidarité et esprit d’entreprise

Le quatrième étage est celui de la rémunération en fonction des résultats réalisés par toute l’entreprise ou par une subdivision de celle-ci. Le but étant d’éviter qu’en se limitant à ne rémunérer que la performance individuelle uniquement, on n’aboutisse à une dislocation du sentiment d’appartenance à l’entreprise et au développement d’une culture du mercenariat et du «chacun pour soi». Cette partie du package global de rémunération peut prendre la forme d’une participation des salariés aux fruits de la croissance, de systèmes d’actionnariat salarié ou de stocks-options.
Dans certaines entreprises, très rares hélas, celle-ci peut atteindre jusqu’au tiers des résultats annuels. Dans d’autres, notamment celles opérant dans les nouvelles technologies, l’essentiel de la rémunération se fait en contrepartie d’actions, surtout en phase de lancement où les fondateurs n’ont pas les moyens de payer des salaires leur permettant d’attirer de bons candidats.
Le talent des managers est de doser ces différents étages par profil, voire les adapter collaborateur par collaborateur, en vue de tenir compte de la situation de chacun, de ses compétences, de sa performance et de ses aspirations. Tel est le travail d’alchimiste que beaucoup d’entreprises peinent à réussir.

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