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Une journée en immersion à la Direction technique nationale de football

Souvent jugée à travers le seul prisme des résultats des équipes nationales de jeunes, la Direction technique nationale du football (DTN) souffre d’une image réductrice qui l’assimile le plus souvent aux échecs desdites équipes. Pourtant, la DTN est érigée en modèle de la formation en Afrique. Entre la formation des entraîneurs, préparateurs physiques et éducateurs entre autres, la détection de jeunes talents et la préparation des équipes nationales de jeunes, les 67 cadres qui y travaillent ont des journées très chargées. Visite guidée de ce département de la FRMF dirigé par Nasser Larguet et où l’élite du football marocain de demain se forme.

Une journée en immersion à la Direction  technique nationale de football
Ph. Saouri

La première chose qui nous a frappés en arrivant à la Direction technique nationale implantée au cœur du Centre national de football est l’activité intense au sein de ce département. Pendant les travaux de rénovation du Centre, qui devront coûter 350 millions de dirhams, les différents services de la DTN ne chôment pas. Ils abattent un travail colossal. «Ici on mène de front un triple projet : la détection des jeunes talents en travaillant avec la base, c’est-à-dire avec le monde amateur, les Ligues régionales et les clubs professionnels dans le secteur des jeunes, la formation des cadres (entraîneurs, préparateurs physiques, éducateurs) et la préparation des équipes nationales», précise Nasser Larguet.

Sur le terrain, ce projet est palpable. Notre visite a coïncidé avec deux stages de préparation physique animés par le préparateur physique Hassan Loudari. Le premier a été destiné aux arbitres de la Botola 1 et 2 grâce à un accord de partenariat entre la Direction nationale d’arbitrage (DNA) et la Direction technique nationale. «C’est la première fois qu’une formation de ce genre est dispensée aux arbitres en milieu de saison», nous a-t-il indiqué. Le second stage est destiné aux préparateurs physiques des clubs. Ils étaient une trentaine, dont deux femmes, à suivre ce stage ouvert aux personnes ayant exercé le métier du préparateur physique : «cette formation est ouverte aux personnes ayant exercé le métier de préparateur physique dans un club de football dans les catégories, senior ou des jeunes».

La détection à grande échelle

Notre visite a coïncidé avec l’organisation de la Coupe nationale U15. Une sorte de rassemblement de détection de joueurs U15. Selon Nasser Larguet, cette Coupe a accueilli lors de la première semaine six Ligues. Durant la seconde semaine, c'était au tour des jeunes issus des clubs de passer ce même test. À l’issue de ces deux rassemblements, la DTN a retenu 44 joueurs. Ces derniers devraient entrer en stage en mars prochain pour constituer la future équipe U17.

Réforme en vue pour la formation des cadres

Bien que le travail effectué par la DTN soit colossal, Nasser Larguet s’est dit insatisfait. «Nous avons trois chantiers prioritaires, le premier consiste à continuer à travailler et à professionnaliser toutes les actions que l’on a au niveau des Ligues et au niveau amateur. Il y a une grande réforme est en projet au niveau de la formation des cadres. On a essayé au début de rattraper le retard qu’on a à ce niveau, mais la DTN n’est pas satisfaite de son propre travail. Il nous faut des cadres professionnels de plus haut niveau. Aujourd’hui, nous avons des cadres pour combler un déficit d’entraineurs et d’éducateurs à l’échelle nationale. Mais je ne suis pas tout à fait satisfait. On est en train de travailler avec Jean Pierre Morlans et l’ensemble de la DTN pour refonder et revoir tout le contenu du travail et les exigences pour chaque formation de la pratique», s’est-il confié.

Larguet a, en outre, souligné que ce qui intéresse l’opinion publique, ce sont les résultats. À ce sujet, il a précisé que l’équipe A est en train de travailler sur deux objectifs, à savoir la qualification pour la Coupe du monde 2018 et la CAN 2019 au Cameroun. À cela s'ajoutent d'autres dossiers : la qualification pour le CHAN et la préparation de la future équipe U23 pour 2019, la future U20 pour 2019, et la future équipe U17 pour 2019. 


La Licence Pro CAF dès le mois d’avril

Considéré comme un modèle en Afrique, le Maroc via la Direction technique nationale va pouvoir dispenser dès le mois d’avril la formation de la licence Pro CAF. En plus, la DTN a proposé à la Fédération de faire des formations annexes en dehors de l’aspect technique. Dans ce sens, un partenariat tripartie a été signé entre la FRMF, l’OFPPT et le Centre de droit et d’économie de sport de Limoges en France pour former à la fois les directeurs administratifs financiers nécessaires pour professionnaliser nos clubs et les stadium managers, c’est-à-dire des gens qui vont s’occuper des stades et des infrastructures sportives. Ces formations ont déjà démarré avec l’OFPPT qui va dispenser des prérequis aux lauréats. La formation effective débutera au mois d’avril et durera 18 mois. La troisième formation qui sera dispensée est la licence en «football management». Elle est ouverte aux anciens internationaux ayant disputé une Coupe d’Afrique ou une Coupe du monde. Ces derniers seront les futures personnes qui vont travailler dans le management des clubs professionnels.


Entretien avec Nasser Larguet, directeur technique national

«Nous sommes les derniers en termes d’intégration des joueurs forméslocalement en équipe nationale A»

Le Matin : La Direction technique nationale (DTN) est souvent vue uniquement sous l'angle des équipes nationales, trouvez-vous cela injuste ?
Nasser Larguet : Effectivement, la Fédération royale marocaine de football (FRMF) en général et, bien sûr, la DTN sont vues uniquement à travers des équipes nationales. Or les équipes nationales sont la résultante de tout le travail que nous faisons. La DTN est un département qui a en charge la mise en place de la politique technique nationale définie par le président de la FRMF et son bureau et éventuellement proposer des actions sur le plan strictement technique. Elle est composée de trois départements intimement liés. Le premier travaille avec le football de masse, c’est-à-dire le monde amateur, les Ligues régionales et les clubs professionnels dans le secteur des jeunes. Le second est celui de la formation des cadres. Il comprend la formation classique des entraîneurs et octroie ce qu'on appelle les licences D, C, B et A. Le troisième est celui de la préparation des équipes nationales de jeunes. Les équipes nationales sont la résultante de tout le travail que je viens de citer parce qu’on a besoin des clubs professionnels pour former de jeunes joueurs qui seront amenés à jouer dans des équipes nationales de jeunes. C’est aussi la résultante de la qualité des formateurs et des entraîneurs qu’on a. Plus les équipes du championnat participent honorablement aux compétitions africaines et plus on a de joueurs compétitifs pour l’équipe A. On l'a vu récemment avec le FUS et le WAC, qui nous ont fourni de bons joueurs pour l’équipe locale, qui a réussi a enchaîner des performances positives contre le Cameroun, le Burkina Faso et le Mali. Cette équipe composée de joueurs âgés de moins 25 ans est en train de devenir compétitive.

Vous venez de dire que les joueurs locaux étaient très bons. Comment expliquez-vous alors leur faible présence dans l’équipe A qui a disputé la Coupe d’Afrique des nations ?
Quand on fait le bilan de l’ensemble des équipes qui ont participé à la CAN, nous sommes les derniers en termes d’intégration des joueurs formés localement. Nous sommes la Fédération où seulement quatre joueurs formés localement figuraient dans l’équipe A lors de la CAN 2017. À titre de comparaison, le Cameroun compte 19 joueurs, la Côte d’Ivoire 15. Les quatre joueurs formés localement sont Yacine Bounou et Amine Attouchi du WAC, et les deux jeunes Hamza Mendil et Youssef En-Nsyeri. Ces chiffres doivent nous alerter. Comment se fait-il que des nations comme la Côte d’Ivoire, le Cameroun ou le Burkina Faso arrivent à former autant de joueurs et pas nous ? On n’est pas plus bête que les autres ! Nous avons des potentialités au Maroc. On le voit à travers l’équipe locale. On est en train de découvrir des joueurs qui ont un énorme potentiel. Vous avez Walid Azaro, Walid El Karti, et plein d’autres bons joueurs. Malheureusement, on ne leur fait pas toujours confiance à 100% dans les clubs pour leur permettre de parfaire leur formation et leur donner une base solide pour l’avenir. Je suis persuadé que si on s’y intéresse, on va y arriver. Effectivement, votre remarque pertinente, car aujourd’hui l’équipe nationale du Maroc est faite de joueurs que l’entraineur, en son âme et conscience, a choisis parce qu’il pensait que ces joueurs-là allaient être performants par rapport à ses objectifs. Je suis sûr que plusieurs autres joueurs vont très rapidement frapper à la porte de l’équipe nationale A, puisqu'Hervé Renard est très ouvert aux joueurs locaux.

Vous avez dit que nous étions les derniers en termes d’intégration des joueurs formés localement en équipe nationale A. Est-ce une critique voilée pour les clubs ?
Ce n’est pas du tout une critique. Il faut arrêter de se voiler la face. On a perdu le fil de la formation depuis quelques années. Il ne faut pas se le cacher, il faut dire la vérité. Je ne le dis pas seulement comme ça en l’air. Ce sont les acteurs mêmes qui ont travaillé pendant des années dans le football marocain qui me le disent. Cela fait 10 ans que je suis rentré dans mon pays pour œuvrer au niveau de la formation des jeunes, grâce au projet de Sa Majesté le Roi qu’est l’Académie Mohammed VI. On a été un pays formateur. Nous sommes un pays du football, nous avons de bons jeunes, mais on a perdu le fil de la formation, parce qu’on a voulu avoir des joueurs prêts, capables d'accomplir des performances. On a délaissé les jeunes joueurs. On s’est même aperçu que les moyens que donnait la FRMF à ces clubs pour encourager la formation avaient été détournés pour les équipes premières au détriment des jeunes. On s'aperçoit que certains clubs n’avaient même pas 15 ballons pour pouvoir entraîner leurs jeunes. Ce n’est pas normal. Quand on voit qu'il y a des clubs qui n’ont qu’un seul terrain à partager en quatre pour quatre catégories, U15 ans, U17 ans, U19 ans et les espoirs, c’est qu’il y a un problème de formation. Ce n’est pas aujourd’hui que nous n’avons que 4 joueurs formés localement en équipe A. C’est depuis 2004 que très peu de joueurs locaux jouent en équipe nationale. Ce n’est donc pas l’arrivée de Faouzi Lekjaa, d’Ali Fassi Fihri ou de Nasser Larguet à la DTN qui a fait qu’on a ce problème-là. Aujourd’hui, le président de la Fédération veut redonner au Maroc la place qu’il avait au niveau de la formation. Cela ne veut pas dire qu’on n’a jamais eu de formation, ce serait une erreur de le croire et ce serait malhonnête de ma part de le dire. Aujourd’hui, il faut qu’on rétablisse la vérité. Les clubs ne forment pas. À peine 3 ou 4 se sont mis à faire de la formation, mais les autres ne suivent pas. Je sais pertinemment que dans les régions où évoluent ces clubs, il y a de fortes potentialités. Il faut aujourd’hui qu’on se mette au travail, qu’on retrousse les manches et qu’on se dise : nous aussi on est capable d’être comme le Burkina Faso, le Cameroun ou la Côte d’Ivoire, former chez nous, exporter des joueurs et gagner des titres. 

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