Menu
Search
Samedi 20 Avril 2024
S'abonner
close
Samedi 20 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Musée

Une décolonisation entre opportunisme et visées néocoloniales

Retour sur le processus historique, politique et diplomatique qui a conduit à la libération du Sahara le 6 novembre 1975

La célébration ce mardi du trente-deuxième anniversaire de la Marche Verte nous ramène nécessairement au processus histo

Une décolonisation entre opportunisme et visées néocoloniales
La Marche Verte, conçue, organisée, planifiée, mise en œuvre et lancée avec succès par feu S.M. Hassan II, constitue l'un des événements majeurs du XXème siècle, un modèle inégalé – dans sa nature et son mode de fonctionnement – de règlement pacifique des conflits.

Autant il avait créé la surprise de par le monde, voire une certaine inquiétude au regard de l'engagement sur la frontière factice du Sahara de 350.000 Marocains désarmés, munis de drapeaux et du Coran, autant il a dédramatisé une certaine tension à plusieurs paliers qui régnait en cette saison décisive et critique de l'automne 1975: la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye venait de rendre son verdict en faveur du Maroc; la décision solennelle annoncée par feu S.M. Hassan II d'organiser une marche pacifique sur la base du jugement légal rendu par cette institution que le Maroc et l'ONU avaient conjointement saisie ; l'agonie qui n'en finissait pas d'un Francisco Franco, dont l'hostilité à notre pays n'avait d'égale que son rôle néfaste et dévastateur dans l'affaire du Sahara, sa duplicité avec le gouvernement algérien pour créer un mouvement séparatiste du nom de «polisario». Enfin, l'arrivée sur le trône de Juan Carlos qui bouleversait effectivement la donne et comportait des éléments de mystère insaisissables et insondables… Enchevêtrés, mêlés dans une tragique alchimie en ce mois de novembre 1975, tous ces événements atteignaient à leur paroxysme.

La Cour internationale de justice a rendu favorablement son verdict le 16 octobre 1975 aux deux questions qui lui avaient été soumises : 1) – Le Sahara occidental (dit Sahara espagnol) était-il «terra nullius» (sans habitant) quand l'Espagne l'occupa ? 2) – Existe-t-il des liens juridiques et d'allégeance unissant les populations du Sahara au Trône du Maroc ? Légaliste, foncièrement inspiré du droit et fort de notre légitimité, feu Hassan II n'hésita pas une seconde : après avoir pris acte de la décision de droit, dite au nom des Nations unies, il annonça l'organisation de la marche pacifique sur le Sahara de 350.000 Marocains volontaires. Pourquoi la Marche Verte ? Tout simplement parce que la couleur du vert symbolise la paix, l'Islam réconciliant et pacifique en somme. La mobilisation nationale qui a suivi l'appel solennel et émouvant du Souverain était sans précédent.

De toutes les régions du Royaume s'exprimaient, avec ferveur, des volontaires pour marcher sur le Sahara. Ce grand mouvement humain, à l'instar d'une vaste et profonde marée, rassemblait des femmes, des hommes de toutes les couches sociales, de tous les âges également, de toutes les tendances politiques et syndicales.

La communauté mondiale, ébaudie, mesurera ensuite la force d'une telle mobilisation, la foi qui l'animait, la discipline qui la caractérisait, l'ardeur qui l'habitait. Il n'est pas jusqu'à des pays étrangers, amis ou simplement proches, qui n'aient décidé d'y participer en dépêchant des délégations qui, leur propre drapeau national à la main, avaient pris part à la libération de l'un des derniers territoires coloniaux.

La veille de la Marche Verte, le 5 novembre 1975, un événement majeur aux retombées considérables survenait à Agadir : Haj Khatri Saïd ould Joumani, président de la Jemâa de Lâayoune (Assemblée provinciale que Madrid avait instituée), ralliait le Maroc et faisait acte d'allégeance à feu S.M. Hassan II, dans la pure tradition des chefs de tribus sahraouies, prenant de court à la fois le gouvernement algérien, les membres de sa créature, le polisario et la communauté internationale.

Ce ralliement n'avait pas le sens d'une simple circonstance, mais renvoyait à une culture institutionnelle du Maroc, celle de l'acte d'allégeance – dont les dimensions juridiques inhérentes restent incontestables - que les populations où qu'elles se trouvent, accomplissent régulièrement devant le Roi. Pas moins que les chefs de tribus qui avaient par le passé fait allégeance aux sultans, Moulay Ismaïl, Moulay El Hassan ou autres, Haj Khatri Saïd ould Joumani était venu, le 5 novembre 1975, exprimer son attachement au Roi du Maroc, au Trône et à la mère patrie. Et, du coup, il signifiait aussi sa rupture avec l'Espagne franquiste qui avait fait de lui un «président fantoche d'une assemblée fantoche».

Il faut rappeler qu'à ce moment-là, l'Espagne du maréchal Franco et l'Algérie de Houari Boumedienne avait déjà – secrètement ou ouvertement – scellé leur collusion en créant le front polisario en attendant, dans la perspective d'une résolution du Conseil de sécurité qui serait favorable à leur thèse, de mettre en place une république fantomatique, l'objectif étant d'empêcher coûte que coûte que le Maroc ne recouvrât son territoire.

Si, en effet, le «modus operandi» d'une telle démarche machiavélique était différent à Alger et à Madrid, en revanche la finalité était - reste toujours – la création d'un Etat satellite ou, comme le dira Edouard Sablier, d'une «wilaya algérienne» destinée à offrir au gouvernement de Houari Boumedienne un couloir d'accès à l'océan Atlantique.

Le machiavilisme algérien

Dans les années soixante, le gouvernement algérien sur la base de calculs et de statistiques avait conclu que le transport du fer de Gara Djébilat, tout près de Tindouf ou du gaz via la Méditerranée avant leur exportation en Europe ou aux Etats-Unis coûtait un prix exorbitant et parvenait à cette vérité que leur transit par l'Atlantique réduisait considérablement les frais de fret.

On comprend manifestement que les stratèges de la «grande Algérie» aient succombé à cette tentation malheureuse, et que mus par l'orgueil, cédant à la grandiloquence révolutionnaire et à la vanité hégémonique, ils aient cru possible de mettre en équation la détermination du peuple marocain de défendre son Sahara.

Au moment où la Marche Verte s'apprêtait à être déclenchée, le ministre algérien de l'Intérieur, Mohamed Ben Ahmed Abdelghani, accompagné de Hamdani Smaïn, secrétaire général adjoint de la présidence et de Sliman Hoffman, conseiller du président Boumedienne, se trouvait à Madrid pour être reçu par les dirigeants espagnols et leur exprimer que son pays, l'Algérie, mécontente de la résolution 377 adoptée le 31 octobre 1975 qui préconisait une solution négociée, envisageait une «intervention militaire» afin de contrecarrer la Marche Verte.

Leur mission à Madrid, préparée par un lobbying sonnant et trébuchant par l'ambassadeur Noureddine Khelladi, était d'empêcher in extremis tout accord direct entre Madrid et Rabat, quitte à menacer – ou à brader – l'argument de l'approvisionnement en hydrocarbures. Ce même ambassadeur, qui sera quelques années plus tard désavoué et renié comme un malpropre, organisait en sa résidence à Madrid un carnaval de rencontres et de briefing coconnés entre des diplomates et des prétendus «députés sahraouis des Cortes» où ceux-ci, ressassant la rhétorique algérienne, exprimaient «leurs remerciements au gouvernement d'Alger pour le soutien que ce dernier leur apporte dans leur combat de libération et d'autodétermination».

Est-ce à dire qu'au moment où le Maroc , appuyé sur sa légitimité historique, son droit et le soutien de la communauté internationale s'employait à finaliser un accord pacifique, le sous-sol et la cave de la résidence du diplomate algérien à Madrid servaient ni plus ni moins d'officine aux complots antimarocains…

Faut-il rappeler que le 10 novembre 1975, Houari Boumediene avait affrété un avion spécial pour faire venir à Béchar le président Mokhtar Ould Daddah avec lequel il s'était réuni à la lumière des derniers développements. Le président algérien, la rage difficilement contenue, entama l'entretien – auquel participait Mohamed Ali Chérif- avec des vociférations contre…

«l'expansionnisme marocain dans la région» et toute la vulgate de l'époque. Il n'avait pas assez de mots pour accuser Ould Daddah de complicité, voire de «soumission» au Maroc, lequel Ould Daddah rappela avec force au président algérien les engagements que celui-ci avait pris aussi bien en juin 1972 qu'en octobre 1972 et plus particulièrement devant les chefs d'Etat de la Ligue arabe en 1974 pour une solution négociée avec l'Espagne. «Ayant à choisir entre le Maroc féodal et expansionniste et l'Algérie révolutionnaire, tu n'as pas le droit de choisir le premier», lui lança Boumediene qui le menaça sérieusement…

Comble de l'hypocrisie et du double jeu, parce que quelques mois plus tôt, au Sommet arabe de Rabat, le président Boumedienne avait proclamé officiellement que «l'Algérie soutenait la récupération par le Maroc de son Sahara». Dût-on s'en étonner que l'envolée lyrique de l'impétueux ministre algérien des Affaires étrangères que fut Abdelaziz Bouteflika, nous le rappela, car une année plus tôt il présidait la 29ème Assemblée générale des Nations unies.

Et de ce fait, l'éternel «cohiba» havanais à la bouche, il plaida sans scrupules «l'autodétermination du peuple sahraoui». Semaine décisive que furent ces premiers sept jours de novembre 1975, marqués par des navettes diplomatiques entre Agadir où se trouvait feu Sa Majesté Hassan II et Madrid où la relève, préparée mais fragilisée par une sourde et terrible incertitude sur l'après-franquisme, faisait entrevoir l'espoir d'une solution négociée entre le Maroc et l'Espagne.

Carlos Arias Navarro, chef du gouvernement espagnol et Pedro Cortina y Mauri, ministre des Affaires étrangères s'entretenaient longuement avec le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Ahmed Osman, et Ahmed Laraki, Ahmed Taïebi Benhima, leurs homologues marocains, en présence aussi de Hamdi Ould Meknas, chef de la diplomatie mauritanienne.

Le Maroc négociait en effet, il négociait ferme une solution politique que le gouvernement algérien s'efforçait vainement de saboter. Feu Hassan II en était d'autant plus persuadé qu'il écarta la médiation d'un Kurt Waldheim qui, porteur d'un plan qui faisait la part belle aux élucubrations algériennes, se faisait fort en effet d'intercéder sans succès.

L'entrée en scène de Juan Carlos fin octobre, après que le Caudillo eût été victime en plein conseil de ministres d'une attaque fatale, ouvrait de nouvelles perspectives et de nouveaux espoirs.
Car, dans ce contexte tragique où le pire était devant nous, Juan Carlos incarnait la raison et l'espérance, et la disparition agonisante de Francisco Franco, connétable d'un autre âge, complice des Algériens, animé par un irascible antimarocanisme, nous faisait obligation de regarder l'Histoire comme une épreuve commune.

C'est ainsi que, prenant acte de la Marche Verte qui s'est déroulée sans la moindre anicroche, alors que les soldats espagnols du «Tercio» avaient bourré le sol du Sahara de mines et d'explosifs, le Parlement d'Espagne, les Cortes, adoptent par vote le 18 novembre 1975 – décision du peuple ibérique s'il en fut - un texte mettant fin à la colonisation espagnole du Sahara et , si l'on peut dire, laissant la voie libre au gouvernement de mener à bien la décolonisation du territoire comme il l'entendait.

Faut-il rappeler que le vote du Parlement espagnol intervenait quatre jours seulement après la signature par l'Espagne, le Maroc et la Mauritanie de l'accord de Madrid? Que ce même accord, qui mettait un terme à la colonisation par l'Espagne du Sahara, était entériné un mois plus tard par un autre vote, autrement plus conséquent et décisif, par l'Assemblée générale des Nations unies ? Qu'en janvier 1976, le dernier soldat espagnol quitta le territoire marocain ?
«La Marche Verte a rempli sa mission, avait déclaré feu S.M. Hassan II, elle a atteint ses objectifs et réalisé ce que nous-mêmes et nos amis en attendions.

Il nous appartient de revenir tous à notre point de départ, afin de traiter les problèmes d'une autre manière et avec des méthodes nouvelles… » . Phrase prémonitoire, lourde de sens, elle était la parfaite illustration de la sagesse et du discernement même, qui n'ôtait rien, bien au contraire, à une fermeté plus qu'indicible.n
----------------------------------------

Intérêt médiatique

La presse écrite internationale, les chaînes de radio et de télévision du monde entier couvraient aussi un événement que des centaines de millions de citoyens, de New York à Johannesburg, de Pékin à Oslo, regardaient avec un vif intérêt.

La Marche Verte constitua ainsi l'épopée nouvelle d'un processus de libération à nul autre pareille, elle suscitait autant d'inquiétude que d'espoir parce que d'aucuns n'hésitaient pas à s'interroger sur l'intérêt que notre pays avait à affronter directement les troupes espagnoles et provoquer le cas échéant une guerre ouverte, au risque d'entraîner un embrasement au niveau du tout le Maghreb.

Or, la tension qui montait chaque jour sur fond de crise, latente d'abord et ouverte ensuite, entre le Maroc et l'Espagne, suscitant une joie maligne du gouvernement algérien dont les dirigeants se frottaient à coup sûr les mains, constituait aussi un élément politique indéniable.

L'Etat espagnol, inexistant ou mis entre parenthèses pour cause de languissante agonie du Caudillo, était interpellé par une réalité intangible : la revendication populaire marocaine, l'interpellation du peuple du Maroc impatient à recouvrer son territoire spolié, peu enclin au compromis !
Lisez nos e-Papers