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«Vox populi, vox Dei»

«Vox populi, vox Dei » ! (La voix du peuple est la voix de Dieu). Jamais apophtegme n'aura si bien collé à une échéance politique au Maroc que cette maxime latine qui traduit avec netteté les résultats du vote de vendredi dernier. Dans sa relative proport

«Vox populi, vox Dei»
Cependant, un premier constat s'impose avec toute sa force et sa symbolique : la victoire éclatante de la démocratie sur elle-même et sur les tentations extrêmes va au-delà des partis et des hommes.

Elle vient de nous donner la plus belle leçon d'humilité parce qu'elle a démenti les pronostics empressés, remodelé peu ou prou l'échiquier politique national et – ce qui n'est pas un moindre signe de sa vitalité montante – modéré les ardeurs conquérantes de quelques-uns. C'est aussi la victoire d'une alternance et de l'avenir.

Avant le scrutin du 7 septembre, nombreux étaient ceux qui se laissaient convaincre, avec parfois une résignation passive, que les « islamistes modérés » du PJD allaient non seulement rempoter la victoire mais - une folle appétence à peine contenue - s'assurer plus de 75 sièges à la Chambre des représentants ou comme on l'a dit « rafler la mise » à eux seuls de plus du tiers des futurs membres de l'Hémicycle.

Chacun y allant de son couplet dans une furieuse surenchère préélectorale, on lui donnait une manière de blanc seing, oui un chèque en blanc en somme. Evidemment les électeurs l'entendaient d'une autre oreille, et en décidant de sanctionner sévèrement – comme on ne le prévoyait guère – l'Union des forces populaires, la reléguant au cinquième rang, ils n'ont pas pour autant plébiscité le PJD.

Tant s'en faut ! Pourtant, l'on sait que le parti de Salaheddine Othmani a voté pleinement, autrement dit que les militants du PJD, disciplinés, non abstentionnistes par culture et conviction, encadrés et embrigadés au mode rigoureux et spartiate d'une formation « stalinienne », se sont rendus massivement aux urnes, ils ont ratissé le plus large possible. Pas l'ombre d'une absence ni de doute quant au choix proclamé des partisans islamiques.

Et pourtant, toutes proportions gardées, le score est demeuré relativement le même par rapport à celui de 2002 en dépit du fort taux d'abstention. Mais si celui-ci était inversé, si en effet les millions d'abstentionnistes, chassant doute et scepticisme, avaient simplement décidé d'aller voter, on eût certainement assisté à un renversement de courbe. On eût surtout vu se créer un décalage énorme entre le pôle gagnant Istiqlal, USFP et PPS d'une part le PJD de l'autre.

Est-ce à dire que l'abstentionnisme de millions de citoyens a effectivement bénéficié au PJD et, en conséquence, desservi la gauche et d'une manière générale la Koutla ? Les voix qui ont manqué à l'USFP, voire à l'Istiqlal, sont allées soit au vote blanc soit aux partis de la «nouvelle gauche » , appendices extra-croissantes de l'USFP qui – la défaite cuisante de leurs leaders, un Abdelkrim Benatiq ici, un Ahmed Benjelloun ou Mohamed Sassi là en témoigne - ont été battus à plate couture. Ils ont à vrai dire fait objectivement le jeu des conservateurs et du centre, parce que les suffrages de ceux qui les ont suivis, outre l'éparpillement, ont accentué le recul de la gauche.

Il n'y a pas de situation inédite ou nouvelle après les élections législatives, elle n'est pas non plus la même que ce qu'elle était avant le scrutin. Le Parti de l'Istiqlal a arraché une victoire méthodique, tout à l'honneur de ses candidats qui ont assuré une présence réelle, fédérés autour de thèmes du centre-droit, qui ont rajeuni leurs rangs et se sont déployés là où le PJD croyait installer pour de bon ses troupes et changer la donne.

Un enracinement historique et une rénovation « intra-muros » d'hommes et de cadres dirigeants régionaux, l'attachement aussi aux valeurs d'un Islam modéré et, rénovation oblige, aux valeurs de l'entreprise et de l'effort individuel, le patriotisme affiché sur le fronton des engagements du parti, tout cela participe non sans succès du renouvellement de l'image du parti de Allal El Fassi et, par ricochet, du regain d'intérêt qu'il suscite depuis quelques mois sinon plus auprès du public.

Or, au-delà de cette grille de lecture quelque peu sommaire et, dira-t-on, partiale il faut voir dans la victoire du parti de l'Istiqlal plus que celle d'un parti de la Koutla mais celle de la raison et de la modération.

Les électeurs ont suivi avec attention mais sans grande passion la campagne électorale qui donnait les « islamistes modérés » vainqueurs, l'élan et l'enthousiasme manquant de manière générale ayant constitué le jour du vote le signe probant d'un désintérêt aggravé. Toutefois, la lassitude n'a pas joué à plein et la petite mobilisation d'à peine 37% des électeurs si vite décriée , a plutôt dévoilé les dessous, disons la face cachée d'un immense iceberg sur lequel, tout compte fait, les responsables politiques sont appelés à se pencher : celui de la désaffection de l'opinion qui impose plus qu'une mobilisation générale , plus qu'un sursaut civique et pédagogique afin de réconcilier les Marocains avec la politique.

Pierre Mendès-France aimait à dire que « toute politique n'est pas sale, et toute action n'est pas vaine » ! A l'aune de ce précepte, ne convient-il pas justement de revoir les fondations de la politique sous un angle moins virulent pour ce qui est des partis politiques que l'on accuse à tort et à travers d'abandon de leur mission, que l'on accable et sur lesquels en même temps l'on feint de tomber pour en faire des boucs émissaires d'une dépolitisation accrue ?

L'avenir en effet, que nous inspire la nouvelle donne, ce n'est pas cette « reconduction » tacite et non prononcée, cette alternance en interne de la majorité gouvernementale, composée des partis de l'Istiqlal, de l'USFP, du PPS, du RNI et du Mouvement populaire entre lesquels s'est intercalé un PJD impétueux.

L'avenir en revanche est celui d'une révision déchirante des comportements, un effort d'autocritique nécessaire pour jauger et apprécier à sa juste valeur ce rejet populaire spontané et terrifiant de la politique, notamment par une classe moyenne déçue, reléguée dans une aberrante indifférence alors que, pourtant, elle constitue le gros des troupes et un poids sociologique important.

Sans un tel effort, la victoire de l'Istiqlal et de tous ceux qui lui emboîtent le pas apparaîtrait comme une « victoire à la Pyrrhus » ! Le succès reposant sur le choix clair des électeurs ne fait aucun doute, il n'empêche nullement qu'une réflexion nouvelle l'accompagne et qu'un « réexamen des consciences » puisse être lancé. Le Maroc est d'autant plus serein après cette élection qu'il peut, en effet, plus que jamais se prévaloir d'institutions démocratiques dignes d'un Etat moderne.

Or, ce n'est pas tant le système institutionnel ou la méprise de l'opinion avec la politique qui sont en cause que le « moral » des citoyens face à la politique politicienne qui n'a plus sa place. La politique c'est l'espoire. Et il n'est à cet effet meilleur hommage unanime que celui rendu à notre pays, à Sa Majesté le Roi après le scrutin par Nicolas Sarkozy, l'Union européenne, le gouvernement espagnol et plusieurs autres gouvernements.

L'élection du 7 septembre a désormais valeur de symbole : elle a permis aux Marocains et à tous ceux qui suivent l'évolution de notre pays avec sympathie de surmonter les inquiétudes nées des rumeurs et colportées par une démagogie savamment et obstinément entretenue. Ecarté ainsi, le scepticisme, voire le pessimisme, laisse la place à l'espoir collectif, à la confiance de tous envers leurs institutions et les hommes qui les incarnent.

Il n'est que prendre à titre indicatif la participation massive des provinces sahariennes pour nourrir l'espérance que la confiance aux urnes sera, à coup sûr, au rendez-vous des prochaines échéances.

La veille du vote décisif, alors que nos âmes flottaient, on était tenté moins de prédire l'avenir que de faire nôtre cette devise d'Antonio Gramsci, intellectuel organique et fondateur du parti communiste italien : « le pessimisme de l'intelligence et l'optimisme de la volonté » !
L'avenir s'est réinscrit différemment, démentant les pronostics et les sondages de salon, nous réveillant de notre assoupissement. La voix du peuple a tranché, « Vox populi, vox Dei », comme une volonté de Dieu. La victoire du parti de l'Istiqlal incarne en quelque sorte ce soulagement collectif, parce qu'elle a été nette, claire et porteuse.

« Nous sommes tous des Istiqlaliens » donc, car une nouvelle page s'ouvre, conforme aux vœux de tous les Marocains et surtout à la volonté de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, bâtisseur du Maroc moderne, initiateur résolu des réformes et des changements profonds du Maroc.

C'est la victoire du Maroc et de la démocratie.
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