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Jeudi 28 Mars 2024
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Centres commerciaux contre boutiques

Ils sont de plus en plus nombreux. Ils abritent des franchises de tout genre, des boutiques luxueuses, des ascenseurs panoramiques et des restaurants flamboyants.

Centres commerciaux contre boutiques
Centres commerciaux contre boutiques
Certains sont même garnis de superbes aires de jeu (bowling, patinage…). Vous avez sûrement deviné de quoi il s'agit, ce sont les centres commerciaux ou les dits "gallery" ou "malls".
A première vue, le visiteur a l'impression que ces enseignes enregistrent des ventes régulières, pourtant le constat est là et demeure assez paradoxal: "Les Marocains ne sont pas trop "in" côté mall.

Ils préfèrent souvent acheter leurs vêtements au magasin franchisé à l'extérieur des centres. Ils optent pour la panoplie des boutiques situées à Mâarif, Anfa ou à Al Massira. Et s'ils visitent les grands "malls", c'est souvent pour voir les dernières tendances de mode ou se balader", témoigne Jaâfar, un jeune vendeur dans l'un des somptueux centres commerciaux de la corniche. Et de poursuivre : "Chez nous, par exemple, le mall est souvent plein, non par des acheteurs mais plutôt par des personnes qui veulent prendre un café ou manger dans les salons de thé et restaurants qu'abrite la galerie".

En effet, pour la majorité des Bidaouas ou Rbatis, ces grands complexes n'assouvissent pas trop leurs désirs.
Entre ceux qui se plaignent de la hausse des prix des articles et ceux qui craignent le luxueux, les escalators et la présence excessive des agents de sécurité, les raisons "phobiques" semblent être difficiles à décrypter. Comment analyser donc les habitudes d'achat des Marocains ? Pourquoi préfèrent-ils acheter leurs vêtements chez des franchises éparpillées plutôt que dans des galeries rassemblant le tout ? Zoom sur un paradoxe.

10h00 du matin: les portes d'une célèbre franchise située au Mâarif ne sont toujours pas ouvertes. Normal, c'est un dimanche! Tout est calme, l'angle du boulevard Al Massira n'enregistre aucun va-et-vient. On dirait que Casa dort encore.
Jusque-là tout parait ordinaire! Un peu plus loin de l'entrée de ce célèbre magasin du prêt-à-porter, et tout au long du trottoir, plusieurs voitures se sont garées. Ce qui est intrigant, c'est que des personnes y étaient dedans… Qu'attendaient-elles ? Est-ce un simple hasard ? Un quart d'heure plus tard, les portes de la franchise s'ouvrent. Le déluge commence!

Tout ce monde garé se précipite vers l'accès. La foule s'agrémente davantage par quelques passants. La file se fait longue, on dirait que c'est la période des soldes.
Pourtant ce n'est ni la période des remises ni celle du grand nettoyage ou de liquidation totale… Mais il paraît que les passionné(e)s du shopping ne désistent jamais ! La frénésie d'achat semble habiter un bon nombre parmi eux. Ainsi, tout au long de la matinée, le magasin bat son plein. Tout le monde apparaît satisfait de ses emplettes. Étrangement, à quelques pas de cette franchise, le plus "high center" de la métropole se dresse haut et fort.

Avec ses deux tours dont l'une est convertie en hôtel 5 étoiles et l'autre réduite à un sous-sol (englobant supermarché, fast food et quelques autres magasins) avec un premier étage dédié à des boutiques de prêt-à-porter, ce centre commercial parait presque vide (si ce n'est des personnes qui se dirigent vers la superette ou le café). Pourtant quelques franchises s'y nichent. La raison ? Elle est plus au moins simple: "C'est tout le temps vide, il parait très élitiste et cela ne m'encourage pas trop. Ceci dit, j'y viens souvent lorsque j'ai envie de m'offrir un parfum, de la fine lingerie ou des montres… C'est vrai que c'est luxueux, mais mes achats restent occasionnels.

Au niveau du prêt-à-porter, les franchises restent la meilleure solution, côté qualité/prix", témoigne Nouhad, jeune fille de 25 ans. Elle poursuit : "Vous savez, de nos jours les franchises exposent de beaux vêtements, de belles coupes, à des tarifs convenables… Les clients, toutes tailles confondues, y trouvent sûrement des perles rares, ils ont l'embarras de choix". Un embarras que les Casablancais ne trouvaient pas avant. Il y a quelques années, les jeunes filles et garçons n'avaient que Derb Omar, Kissariat Derb Soltane et l'Qriaâ pour s'habiller. Maintenant tout a changé : "Je ne trouve plus ce que je veux dans Lkissariat.
En plus, malgré la différence de prix, je préfère acheter un seul article qui me va plutôt que deux ou trois qui ne me plaisent pas autant! Je sais que je n'encourage pas trop le produit marocain et que je préfère tout ce qui est franchisé, mais je n'y peux rien…

C'est comme ça, il faut encore beaucoup d'effort". Un effort au niveau de la matière première, au niveau de la coupe et le design et enfin en palier de distribution nationale… Et là, c'est d'un autre cheval de bataille qu'on parle!
Pour conclure, il faut dire que même si les grands centres commerciaux abritent des franchises, qui "vendent" les mêmes articles aux mêmes prix, le consommateur garde toujours en tête un préjugé préférentiel relatif aux coûts de ces dites "hautes" gammes.

Ce comportement est souvent qualifié de phobie du luxueux. Ainsi, la problématique des "malls" commerciaux paraît être plus psychologique que comportementale. L'image de luxe associée à ces centres semble parfois décourager même les bourses aisées.
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Et si c'était une "phobie" du luxe

La phobie d'achats onéreux est traduite chez les psychologues par la crainte sociale "car tout luxe privé excessif implique une monstrueuse inégalité de richesses parmi les citoyens. Une inégalité que chacun puise dans sa propre peur, soit-elle des choses opulentes ou de personnes riches", explique Loubna Belmejdoubi, psychologue.Par ailleurs, les gens sont toujours réticents par rapport au luxueux parce qu'ils ont peur de dépenser trop pour "l'inutile", d'être pris par les "vrais" riches pour des minables ou des arrivistes, eux qui ne peuvent pas se permettre certains excès qu'occasionnellement.

Ils ont peur d'acheter un article onéreux, qu'ils ne peuvent exhiber tout le temps. Ceci dit, "acheter une voiture, une montre, un parfum, et même un bijou, semble ne pas effrayer les acheteurs à revenu correct. Or le fait d'acheter des vêtements, de s'offrir des dîners coûteux ou tout autre chose qui ne reflète pas sa vraie valeur, est souvent considéré comme un gaspillage", ajoute notre spécialiste. C'est dire que les Marocains, comme plusieurs autres peuples, se fient plus aux apparences. Ils se permettent certains luxes qu'ils exhibent tout le temps et s'interdisent d'autres qu'ils jugent comme du gaspillage.
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