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60 ans après, Condominas présente ses trésors d'étude

Près de 60 ans après leur collecte par l'ethonologue français Georges Condominas dans les hauts-plateaux du centre du Vietnam, quelque 150 objets témoins de la vie de l'éthnie minoritaire Mnong Gar du village de Sar Luk, sont de retour au Vietnam.

60 ans après, Condominas présente ses trésors d'étude
L'éthnologue français, Georges Condominas parle de son exposition au Centre culturel français à Hanoi. (Photos : AFP)
Il y a des hottes en bambou, des tuniques, des épingles à cheveux, des colliers, des objets du quotidien échangés contre des cigarettes, une blague à tabac ou quelques piastres.

L'exposition "Nous avons mangé la forêt, Georges Condominas à Sar Luk", qui avait fait l'ouverture du musée du Quai Branly à Paris en 2006, est aujourd'hui pour trois mois au moins à Hanoï, dans l'enceinte du musée d'ethnographie.

Les objets, propriété du Quai Branly, ont été collectés en 1948 et 1949. Au cours de ces deux années, en pleine guerre d'Indochine, Georges Condominas allait vivre le quotidien du groupe, consignant chaque détail.

L'exposition est particulièrement chargée de symboles dans un pays où la cohabitation entre les ethnies minoritaires et le groupe majoritaire des Viets -ou Kinh- ne se fait pas toujours sans heurts.

"Il y a un problème de coexistence", reconnaît Georges Condominas, présent à Hanoï au moment du lancement de l'exposition. Dans un entretien à l'AFP, l'ethnologue, aujourd'hui âgé de 86 ans, appelle "au respect mutuel des cultures" et glisse l'espoir que son travail y contribuera.

Cette coexistence a notamment donné lieu à des situations explosives dans les hauts-plateaux du centre, que les Viets ont à leur façon colonisés au fil des ans.

En 2001 et 2004, la région avait été le théâtre d'importantes manifestations de Montagnards -- le nom donné aux minorités des hauts-plateaux qui réclamaient plus de liberté religieuse et la restitution de terres confisquées au profit des Viets.

A chaque fois, Hanoï avait été accusée d'une brutale répression.

Aujourd'hui encore, la région, difficile d'accès, reste étroitement contrôlée par les autorités vietnamiennes.

Les grands mouvements de population vers les hauts-plateaux du centre ont "vraiment commencé après 1975", à la fin de la guerre du Vietnam, rappelle Georges Condominas.

Mais ils n'étaient pas totalement nouveaux, poursuit l'ethnologue, pour qui la "première invasion étatique sur le territoire des Montagnards" est le fait, au début des années 60, de Ngo Dinh Diem, alors chef de l'Etat du Sud-Vietnam soutenu par les Américains contre le Nord.

Pour l'ethnologue, les problèmes liés à l'implantation progressive des Viets dans les hauts-plateaux, en particulier le problème de la terre, ont été décuplés par les dégâts de la guerre du Vietnam, de ses bombardements, du largage massif de défoliants.

"Quand vous avez une grosse colonisation qui se fait, si elle se fait sur un terrain diminué, ça aggrave tout", estime-t-il.

"Les Vietnamiens ont un passé de conquérants, avec un héritage malheureux de la colonisation (française) qui est le jacobinisme, le goût de la centralisation", souligne ce spécialiste de l'Indochine.

Les Vietnamiens, sous domination chinoise pendant un millénaire avant d'être colonisés par la France à la fin du XIXè siècle, ont eux-mêmes toujours cherché à repousser plus au sud les frontières de leur territoire, quitte à manger le royaume hindouisé du Champa.

Mais "avec le temps, j'ai l'espoir que les choses s'améliorent", confie Georges Condominas. "Il y a 20 ans, il n'y aurait pas eu cette exposition".
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