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L'«eldorado» brisé, premières victimes du chômage

Attirés en masse par le "miracle économique" espagnol des 15 dernières années, les immigrés sont les premières victimes d'un chômage désormais galopant, le plus élevé de l'Union européenne.

L'«eldorado» brisé, premières victimes du chômage
L'Espagne excédée par la déferlante de l'immigration clandestine. (Photo : tf1.lci.fr)
"Je ne m'attendais vraiment pas à cela en quittant mon pays", avoue Jessica, une Equatorienne de 30 ans, dans la longue file d'attente de l'agence nationale de l'emploi (Inem) de Santa Eugenia, quartier populaire du sud de Madrid.

Emmitouflée dans deux anoraks pour affronter le froid matinal de janvier, elle a toujours trouvé du travail depuis son arrivée en 2001. Jusqu'à ce que son dernier contrat, manutentionnaire au marché de gros de Madrid, ne s'achève il y a deux semaines. Depuis, plus rien.

"Je vais toucher des indemnités chômage pendant quelques mois. Ensuite je ne sais pas comment je vais élever mes enfants".

Même rêve brisé pour Marco Antonio, Péruvien de 42 ans, arrivé en 2001.

Il a enchaîné les emplois dans la construction, pour environ 1.400 euros par mois, dont il envoyait une partie à sa famille. Aujourd'hui, il touche 700 euros d'indemnités chômage : "à peine de quoi dormir et manger".

Du Maroc, d'Amérique latine, de Roumanie, de Bulgarie ou d'Afrique Noire, environ cinq millions d'immigrés ont afflué en Espagne depuis le milieu des années 1990, attirés par une économie alors en plein boom.

Ces bataillons de main d'oeuvre pas chère, souvent peu qualifiée, ont contribué au spectaculaire rattrapage de l'économie espagnole, travaillant dur dans un secteur de la construction en surchauffe, les bars, restaurants, comme femmes de ménage ou journaliers dans l'agriculture.

Ils représentent aujourd'hui 11% des 46 millions d'habitants du pays.

Mais l'éclatement de la bulle immobilière espagnole en 2008 et la crise financière internationale ont écaillé le vernis de l'Eldorado.

Des dizaines de milliers d'immigrés remplissent les files d'attente de l'Inem, aux côtés des nombreux Espagnols également frappés par la récession.

Plus de trois millions de chômeurs : c'est le chiffre enregistré fin décembre en Espagne, où le taux de chômage a grimpé à 13,9% fin 2008, le record européen. Pour 2009, le gouvernement prévoit 15,9%, le double des 7,9% de 2007.

Les immigrés sont en première ligne. Fin 2008, l'Espagne comptait 410.960 chômeurs étrangers, soit 94% de plus qu'un an plus tôt, selon le ministère du Travail, et le taux de chômage atteignait 21,3% parmi les étrangers actifs.

Ils "vont continuer à souffrir en 2009", anticipe Gustavo Clavero, professeur d'économie à l'Université autonome de Madrid.

Selon les syndicats, de plus en plus d'Espagnols au chômage retournent aux travaux des champs qu'ils avaient délaissés pour des emplois mieux payés.

Début décembre, des centaines d'immigrés d'Afrique Noire ont convergé vers Jaen (sud) pour la cueillette des olives. En vain: les propriétaires des vastes oliveraies de la région avaient embauché des Espagnols en difficulté.

Le gouvernement socialiste, qui avait régularisé 600.000 travailleurs étrangers en 2005, et multiplié ces dernières années les recrutements dans les pays d'origine, a fermé le robinet.

Il ne prévoit en 2009 que 901 embauches à l'étranger (hors emplois saisonniers) contre 15.700 en 2008. Et les conditions du regroupement familial vont être durcies.

Madrid a lancé une campagne de "retour volontaire", offrant de payer en deux tranches leurs indemnités chômage aux candidats.

Mais moins de 2.000 immigrants au chômage y ont souscrit jusqu'à présent, alors que beaucoup ont emprunté en Espagne pour acheter un appartement, à l'époque des prêts faciles...

Octavio Flores, soudeur bolivien de 43 ans, au chômage depuis août, ne sait plus comment payer son loyer. Il envisage de rentrer : "Ca ne peut pas être pire qu'ici".
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