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Hamid Bouchikhi : "Les réactions des autorités, sur les plans sanitaire et économique, sont exemplaires"

Hamid Bouchikhi : "Les réactions des autorités, sur les plans sanitaire et économique, sont exemplaires"

Vous êtes installé en Corée depuis 2019. Votre sentiment d'abord de vivre cette situation inédite loin de votre pays d'origine ?

Je suis partagé entre l'assurance et l'angoisse. Parce que la Corée était prête à gérer une crise sanitaire. Vivre en Corée, en ce moment, est un vrai privilège. Nous n'avons pas connu de confinement ni de restriction de nos mouvements. Seule la fermeture des établissements scolaires, des universités et des salles de sport nous rappelle que le pays vit une circonstance exceptionnelle.

L'angoisse vient de la distance qui me sépare de ma famille. Cela me pèse de savoir que je ne peux pas rentrer au Maroc, en cas d'urgence. Ma femme et mes enfants vivent entre Paris et Londres et je ne peux pas passer du temps avec eux. Il reste encore quelques vols entre la Corée et l'Europe mais la contrainte de deux semaines de quarantaine stricte au retour en Corée ne permet pas d'effectuer un voyage court et reprendre le travail immédiatement.

Quel regard vous portez sur la situation au Maroc et les mesures prises pour gérer la pandémie ?

Le Maroc a la chance d'appartenir à une région du monde où le virus n'a pas frappé au même niveau qu'en Asie, en Europe et en Amérique du Nord. La recherche nous apprendra les raisons de la diffusion géographique différentielle du COVID-19.

Les réactions des autorités, sur les plans sanitaire et économique, sont exemplaires. Je suis impressionné et ému par la bienveillance retrouvée des Marocains les uns envers les autres et par la (re)prise de conscience de la communauté de destin. Je n'ai jamais vu autant d'expressions de la fierté d'être marocain qui va parfois, c'est compréhensible, jusqu'à un sentiment de supériorité sur les peuples que nous aimions admirer il y a encore quelques semaines.

Les Marocains ont reçu le type d'électrochoc psychologique collectif nécessaire à la mise en mouvement d'un pays sur la voie du développement. Il incombe aux dirigeants de canaliser les énergies positives vers l'invention du Maroc dont nous rêvons tous secrètement sans nous autoriser tout à fait à en rêver. Le développement commence par le vouloir et la confiance en soi.

La Corée est donnée en exemple dans sa gestion de la pandémie. Quelles sont les actions fortes de leur stratégie ?

La Corée a été échaudée par des crises sanitaires et s'est préparée à faire face à une épidémie. Du coup, il n'y a pas eu de panique ici. Comme les autorités et le système de santé étaient prêts à faire face, il n'y a pas eu besoin des gestes de solidarité et de l'improvisation nécessaires ailleurs. Très vite, le gouvernement a travaillé avec des laboratoires pour mettre au point des tests, ce qui a permis de tester à grande échelle. Nous avons ainsi vu 'pousser' un peu partout des 'drive through'. Les cas positifs ne sont hospitalisés que si leur état de santé le requiert. Autrement, ils doivent se mettre en quarantaine chez eux et sont surveillés à distance grâce à une application sur téléphone mobile. Si un porteur du virus ne renseigne pas son état de santé, il reçoit un rappel à l'ordre par téléphone.

L'identification, le traçage et le traitement des cas positifs permet au reste de la population de mener une vie normale.

Je dois souligner que la Corée n'a jamais fermé ses frontières. Je suis impressionné aussi par la discipline des deux millions d'habitants de Daegu, la ville qui compte près de 70% des infections. Le gouvernement leur a demandé de rester chez et dans la ville.  Ils ont été entendus. Pourtant rien n'interdit aux habitants de Daegu de quitter la ville par train ou en voiture et de propager, ainsi, le virus dans l'ensemble du pays.

En ces temps où tout le monde réclame plus d'intervention de l'État, il est utile de préciser que 90% des hôpitaux sont dans le secteur privé à but non lucratif. Ici, l'État régule et ne gère pas directement le secteur de la santé. 

Comment vous gérez la situation dans votre établissement "SolBridge  International School of Business" dont vous êtes le doyen ?

Les universités coréennes ont eu la chance, si l'on peut dire, que la crise a commencé pendant la pause entre le semestre d'automne qui se termine juste avant Noël et le semestre de printemps aui commence début mars. Dans un premier temps, nous avons différé la rentrée de printemps de trois semaines en espérant pouvoir ouvrir l'école normalement. Malheureusement, cela n'a pas été possible. Nous avons alors décidé de commencer le semestre en ligne et avons donné la possibilité aux étudiants étrangers rentrés chez eux d'étudier à distance tout le semestre. Nos professeurs ont eu le temps de se préparer au passage à l'enseignement à distance. Nous sommes dans la quatrième semaine de ce nouveau mode d'enseignement et avons des retours positifs des étudiants et des professeurs.

Ma principale source d'incertitude et d'inquiétude est la rentrée de septembre. Les étudiants internationaux constituent 75% de nos effectifs et 100% de la rentrée de septembre. Nous ne savons pas si les familles vont être encouragées à envoyer leurs enfants pour étudier dans un pays sûr qui jouit d'une très bonne réputation ou bien s'ils préféreront les garder près d'eux. De la réponse à cette question dépendra la qualité de la rentrée de septembre et la santé financière de l'école. SolBridge étant une école privée à but non lucratif, nous dépendons très largement des frais de scolarité.

A votre avis, quel impact cette crise aura-t-elle sur l'enseignement au Maroc ?

Le système d'enseignement était en crise avant le COVID-19. Comme à propos de la santé, j'entends et comprends les demandes pressantes de plus d'investissement de l'État dans l'éducation. Si le principe est louable, je ne vois pas comment on pourrait mettre plus d'argent dans un système dysfonctionnel ! J'entends aussi beaucoup de voix vilipender le secteur privé, comme si le secteur public avait le monopole de la mission et de la vertu. La réforme de l'enseignement au Maroc, à tous les niveaux, passera, entre autre, par la mise en œuvre des principes élémentaires de management à tous les étages et par la promotion d'un secteur privé à but non lucratif capable de faire la synthèse entre la mission d'intérêt public et la bonne gestion.

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