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Obligation du pass vaccinal : La décision est valable juridiquement, reste la mise en œuvre

L’obligation de présenter un pass vaccinal pour accéder aux différents établissements et lieux publics suscite des interrogations d’ordre juridique. Quels sont les fondements de cette décision ? En vertu de quel droit les propriétaires de certains établissements peuvent-ils demander aux clients de présenter ce document ? Éclairage d’experts en droit.

Obligation du pass vaccinal : La décision est valable juridiquement, reste la mise en œuvre
Ph. Seddik

Les interrogations sur la légalité de l’obligation de présenter un pass vaccinal pour accéder à certains espaces et établissements publics fusent de toutes parts.

Depuis que le gouvernement a décidé de l’obligation de présenter ce document «pour accéder aux établissements hôteliers et touristiques, aux restaurants, aux cafés, aux espaces fermés, aux commerces, aux salles de sport et hammams», la question fait débat puisque la décision a été jugée doublement problématique sur le plan juridique. D’un côté, certains se demandent si le gouvernement est habilité à prendre une telle décision et sur quelle base juridique. De l’autre, beaucoup se demandent si les opérateurs privés et propriétaires des établissements ou espaces de loisirs ont le statut, l’autorité et l’appui juridique pour exiger de leurs clients de présenter un tel document. Cela ne constitue-t-il pas une atteinte aux principes évoqués par la Constitution, notamment par l’article 21 : «tous ont droit à la sécurité de leur personne, de leurs proches et de leurs biens.

Les pouvoirs publics assurent la sécurité des populations et du territoire national dans le respect des libertés et droits fondamentaux garantis à tous» ? Selon le docteur Rachid Labkar, chercheur en droit, les pouvoirs publics ont le droit, dans le cadre de l’état d’urgence, de décréter des décisions allant dans le sens de la préservation de la santé publique, et ces décisions peuvent prendre différentes formes, estime-t-il. De même, selon maître Mostapha Naoui, expert en droit, cette décision trouve sa base juridique dans le contexte dans lequel elle est édictée.

Toutes les décisions émises dans ce sens trouvent leur origine dans l’état d’urgence sanitaire qui donne la priorité à la santé publique, aux dépens des choix des individus et donc au détriment de certaines libertés. Cela peut même toucher à la liberté de circuler, car la préservation de la santé publique prime parfois, et cela trouve son fondement dans le premier décret-loi promulgué en mars 2020, souligne-t-il. Ce texte donne une force juridique à toutes les décisions prises par le gouvernement dans ce sens, explique-t-il.

Que dit le texte de loi à ce propos ? Le décret-loi n° 2-20-292 (23 mars 2020) édictant des dispositions particulières à l’état d’urgence sanitaire et les mesures de sa déclaration peut être interprété dans ce sens. Les dispositions de l’article 3 de ce décret soulignent que «nonobstant toute disposition législative et réglementaire en vigueur, le gouvernement prend, pendant la période de l’état d’urgence, toutes les mesures nécessaires qu’exige cet état, et ce par des décrets, des décisions réglementaires et administratives ou par des circulaires et des avis, en vue d’assurer une intervention immédiate et urgente afin d’empêcher l’évolution épidémique de la maladie et de mobiliser tous les moyens disponibles permettant la protection de la vie des personnes et la garantie de leur sécurité». Ces dispositions sont confortées par l’article 5 du même décret-loi : «Le gouvernement peut, en cas d’extrême nécessité, prendre, à titre exceptionnel, toute mesure d’ordre économique, financier, social ou environnemental revêtant un caractère urgent, et qui permet de contribuer directement à affronter les effets négatifs causés par la déclaration de l’état d’urgence sanitaire précité». Cependant, tout en affirmant que ces textes peuvent constituer un fondement juridique sans faille justifiant l’imposition du pass sanitaire, l’expert juridique relève que la démarche des pouvoirs publics n’est pas exempte de contradictions.

«Comment expliquer que les pouvoirs publics affirment que le vaccin est facultatif, mais en même temps décrètent que le pass vaccinal est obligatoire dans les espaces publics, sachant que les citoyens ne peuvent pas ne pas fréquenter certains de ces espaces ?» s’interroge-t-il. Autre question non moins épineuse qui se pose avec acuité : les propriétaires des établissements (cafés, restaurants…) peuvent-ils interdire aux non-vaccinés l’accès à ces lieux ? En réponse à cette question, le chercheur en droit, Rachid Labkar, souligne que, «à première vue, les propriétaires des établissements n’ont pas ce droit, du point de vue juridique, parce qu’ils n’ont pas la qualité ou le statut d’autorité ou d’officier verbalisateur. Mais la question doit être posée dans un cadre plus général. Par exemple, est-ce que le propriétaire d’un café a le droit d’expulser un client qui s’installe à une table sans consommer ? C’est la même chose, il peut donc demander au client non muni du pass de quitter son établissement. C’est la même logique. Le propriétaire ne peut pas non plus pénaliser les clients vaccinés en acceptant dans le même espace des clients non vaccinés», commente le chercheur en droit.

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