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Collecte et distribution de dons : les inquiétudes des associations face au projet de loi n°18-18

Le projet de loi n°18-18 régissant la collecte et la distribution des dons suscite l'inquiétude des associations. Celles-ci mettent en garde contre le texte qu'elles voient frappé du sceau de la fermeté et des restrictions exagérées. Approuvé par la Chambre des conseillers, ce texte est en examen aujourd'hui au niveau de la première Chambre. Avant son adoption définitive, les acteurs de la société civile estiment avoir le droit d’être consultés.

Collecte et distribution de dons : les inquiétudes des associations face au projet de loi n°18-18

Le projet de loi n°18-18 régissant la collecte des dons a été présenté le 10 mai à la Chambre des conseillers pour approbation avant d'être soumis à la Chambre des représentants. Approuvé par le Conseil de gouvernement en février 2018, ce texte, qui porte désormais l’intitulé «L'appel à la générosité publique et la distribution d'aides à des fins caritatives» a été validé, le 26 avril 2022, par la Commission de l'intérieur à la Chambre des conseillers, et ce après y avoir introduit plusieurs amendements. Ce texte prévoit de soumettre toutes les opérations de collecte de dons auprès du public aux dispositions de cette loi, hormis celles effectuées de manière traditionnelle et coutumière. La partie qui organise la collecte de dons sera tenue, en vertu de ce texte, de présenter à l'administration un rapport détaillé de l'opération.

Le texte précise également que toute opération de collecte et de distribution de dons à des fins caritatives doit faire l'objet d'une déclaration préalable auprès du gouverneur de la préfecture ou de la province. Par ailleurs, l’article 3 de ce projet de loi dispose que les appels au public pour recueillir des dons ne peuvent être lancés que par une ou plusieurs associations dûment constituées. En outre, l'article 5 de ce texte dispose qu'il est interdit de faire appel aux dons publics à des fins commerciales, publicitaires ou électorales, ou pour la promotion de produits ou de services. Le projet interdit également les appels aux dons publics pour payer des amendes, des dépenses, des indemnités à propos desquelles des décisions judiciaires ont été émises, ou encore pour le remboursement de crédits. Le même article interdit également la distribution d'aides dans le but d'exploiter une ou plusieurs personnes en situation de vulnérabilité, de besoin ou de détresse. De même, l'article 6 stipule que tous les dons recueillis, en espèces ou en nature, doivent être consacrés à l'objet ou aux objets pour lesquels l'appel a été lancé. L'alinéa 2 du même article interdit de se servir d'une partie des dons collectés pour couvrir les frais de gestion de l'association (ou des associations) ou de toute autre personne morale ayant fait appel à la générosité publique ou pour couvrir les frais de gestion d'une autre partie. Néanmoins, et à titre exceptionnel, une partie des dons collectés peut être affectée à la couverture des frais de collecte ou de distribution des dons, si la partie ayant lancé l'appel ne dispose pas de suffisamment de moyens pour couvrir ces frais (alinéa 3, article 6).

L'article 9, pour sa part, dispose que la demande d'autorisation de lancer un appel au public pour obtenir des dons doit déterminer les moyens utilisés pour lancer cet appel, ainsi que le mode de collecte des dons, la date de début et de fin de l'opération de collecte des dons, ainsi que le(s) lieu(x) où elle aura lieu et le montant estimé des dons, en indiquant comment ils seront distribués en fonction de leur nature. Lors de son passage devant la Commission de l’intérieur, des collectivités territoriales et des infrastructures de base à la Chambre des conseillers, le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, a affirmé que ce projet de loi vise à assurer un équilibre entre «l'importance des actions caritatives, l'intérêt des donateurs et la sécurité des bénéficiaires». Par ailleurs, M. Laftit avait expliqué que les associations reconnues et jouissant d'un statut légal sont habilitées à collecter des dons à des fins caritatives, mais à condition de se conformer à cette loi.

Un projet de loi qui inquiète les associations

Pour des dizaines d'associations, ce projet de loi n°18-18 ne tient pas compte des dispositions de la Constitution encadrant la participation des citoyens et des associations de la société civile à l'élaboration des politiques publiques. Ces associations considèrent également que ce texte ne répond pas aux Instructions Royales appelant à «une simplification des procédures susceptibles d’encourager les différentes formes de dons, d’actions bénévoles et d’œuvres caritatives et d’appuyer initiatives sociales et entreprises citoyennes» (Discours Royal devant les membres des deux Chambres du Parlement à l’occasion de l’ouverture de la première session de la troisième année législative de la dixième législature). Ces associations dénoncent aussi la propension exagérée à la rigueur et aux restrictions caractérisant cette loi, estimant qu'elle finira par pousser plusieurs acteurs à se désengager de ces nobles actions. De surcroît, ces associations trouvent que ce projet de loi va les accabler en les obligeant à présenter des rapports détaillés sur les opérations de distribution des dons.

Cependant, elles rappellent que les associations sont des entités indépendantes qui ne tiennent qu'à l'autorité du pouvoir judiciaire et à celle de leurs donateurs. Pour le président du «Forum des alternatives Maroc» (FMAS), Kamal Lahbib, le mot d'ordre qui doit prévaloir lors de l'élaboration d'un tel projet de loi est la «concertation». «C'est la concertation qui donne la crédibilité et la légitimité à la loi», affirme M. Lahbib dans une déclaration au «Matin». Avec ce projet de loi, poursuit le président du FMAS, «on est en train de creuser le fossé entre la société, en particulier les associations actives dans le domaine de l'aide sociale, et les autorités». Concernant le texte lui-même tel qu'il a été présenté, M. Lahbib est d'avis qu'il va pratiquement restreindre la capacité des associations à se mobiliser dans des conditions d'urgence. «Nous ne pouvons pas attendre des autorisations qui, en définitive, donnent carte blanche à l'autorité locale pour dire oui ou non», a-t-il souligné.

Et de préciser que «nous sommes face à une procédure si complexe qu'elle risque de dégoûter les gens d'aller vers l'action sociale. Nous sommes parfois confrontés à des situations d'urgence, comme le montrent la pandémie, les inondations, les tremblements de terre, où nous devons aller à l'encontre des restrictions imposées par la loi pour porter secours aux populations».

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