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Guerre en Ukraine : interprétation de la position marocaine, par Hubert Seillan

Guerre en Ukraine : interprétation de la position marocaine, par Hubert Seillan

Par Hubert Seillan, avocat au barreau de Paris, auteur de l’ouvrage «Le Sahara marocain», éd. La Croisée des Chemins, 2e éd. 2021.

Le Maroc, allié historique de la France et des États-Unis, n’a pas pris part au vote de la résolution des Nations unies «Agression contre l’Ukraine», le 2 mars dernier. Adoptée massivement par 141 des 193 membres de l’Organisation, 35 pays, dont la Chine, l’Inde et l’Algérie se sont tout de même abstenus et 12 n’ont pas pris part au vote, parmi lesquels le Maroc. Le Maroc ne s’est donc ni opposé, comme l’ont fait la Biélorussie, la Corée du Nord, l’Érythrée et la Syrie, ni abstenu. Il n’a pas participé au vote. L’abstention est un vote qui n’est ni contre ni pour la résolution. Elle a donc un caractère profondément ambigu. Elle peut en effet signifier que le pays n’est pas opposé à la résolution, souhaite au contraire gêner son adoption, ou encore veut manifester son indifférence. L’absence de participation n’est pas un vote, mais peut prendre deux formes. Soit l’État n’est pas représenté aux séances, soit il est présent, mais ne vote pas. Ce qu’a fait le Maroc, qui ne s’est donc pas abstenu. Ces deux techniques ne peuvent donc avoir les mêmes effets.

L’abstention est un vote comptabilisé qui peut être interprété favorablement ou négativement par rapport au projet. La non-participation n’est pas comptabilisée comme vote, mais elle a toutefois un sens. Qu’a voulu exprimer le Maroc par ce choix ? En premier lieu, bien qu’il n’ait pas voté la résolution, le pays a exprimé avec fermeté et clarté sa désapprobation de la violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et exprimé son souhait que le dialogue et la négociation mettent fin au conflit. Cette position fondée sur les principes supérieurs du droit international lui permet de rappeler que bien des pays, dont il fait partie, ont été récemment victimes d’autres exactions étrangères illicites, sans avoir reçu la même attention de la communauté internationale et des Nations unies. C’est ensuite une réponse aux attitudes peu amicales de l’Union européenne, de la France, de l’Espagne et de l’Allemagne sur le Sahara. Les faits sont nombreux. Quelques-uns parmi les plus récents en donnent autant d’illustrations. Il y a la jurisprudence très bienveillante de la Cour de justice européenne à l’égard de l’organisation «polisario», dont la représentativité n’est pas établie par l’ONU, qui peut, à juste titre, être vue par le Royaume comme un traitement partisan et discriminatoire de ses relations avec l’UE. Il y a l’attaque armée portée par le même «polisario» à Guergarate, à la frontière avec la Mauritanie, en novembre 2020, qui n’a fait l’objet d’aucune condamnation du Conseil de l’UE et de ses principaux pays. Cette ignorance du fait marocain au Sahara a aussi permis qu’en avril 2021 l’Espagne s’accorde avec l’Algérie pour accepter l’entrée clandestine du dirigeant du «polisario» Brahim Ghali, sous le couvert de son état de santé.

Le pays tout entier ayant immédiatement condamné l’Espagne, un nombre record de Marocains a alors pénétré symboliquement et pacifiquement dans les deux enclaves de Ceuta et Melilla sur la Méditerranée. Dans le contexte très vif, en Europe, de l’immigration clandestine, l’UE et les principaux États ont apporté leur soutien à l’Espagne et condamné le Maroc. Enfin, alors que les États-Unis ont reconnu la souveraineté du Maroc sur les territoires sahariens, administrés selon le principe onusien d’une autonomie avancée, et que 23 États ont ouvert des consulats à Laâyoune et à Dakhla, aucun pays européen n’a fait ce geste. Les intérêts de la France au Maroc qui sont considérables devraient logiquement faire l’objet d’une représentation. Un appel lancé, en juin 2021, au Président Macron, n’a fait l’objet d’aucune attention. Dans ce contexte d’indifférence, jugée par certains comme de l’hostilité, l’Algérie s’est autorisée en août 2021 à rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc et à le menacer militairement. Telles sont sans doute les raisons qui déterminent cette position du Maroc de ne pas participer au vote de la résolution.

 

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