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La rivalité entre les politiques marocains vire de plus en plus vers la violence verbale

L’agressivité dans les discours des politiques marocains s’est accentuée ces derniers jours. Des échanges assez virulents entre adversaires politiques ont envahi la scène. Ces affrontements ont dépassé, dans certains cas, les limites de la rivalité pour verser dans la violence verbale et l’injure, des comportements souvent critiqués par les observateurs. Dénonçant cette nouvelle stratégie adoptée par plusieurs responsables partisans, le spécialiste de l’analyse du discours politique Othman Ziani a appelé à une rationalisation du discours. Selon lui, les phénomènes observés actuellement risquent d’encourager le désintérêt pour la politique.

La rivalité entre les politiques marocains vire de plus en plus vers la violence verbale

Les derniers jours ont été marqués par une montée des tensions politiques, au point que la communication conflictuelle se substitue désormais à la communication politique. En effet, la scène politique semble très animée. Une excitation qui est le résultat de joutes verbales entre les différents chefs et figures des partis politiques. Nabil Benabdellah, le secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS), a critiqué le rendement du gouvernement et a qualifié ses composantes de contradictoires.

Accusations auxquelles ont répondu des membres de la jeunesse du parti du Rassemblement national des indépendants (RNI) en l’accusant de vouloir jouer le rôle du fervent opposant au gouvernement pour pouvoir décrocher un énième mandat à la tête de son parti. Aussi, des leaders du Parti de la justice et du développement (PJD), comme Abdelilah Benkirane, Abdellah Bouanou, Mohamed Yatim ou Jamaa Moatassim, ont attaqué le secrétaire général du Parti authenticité et modernité (PAM), Abdellatif Ouahbi. Ce dernier contre-attaque en qualifiant le secrétaire général du PJD de menteur.

Il faut le dire, les insultes sont utilisées de part et d’autre quand l’affrontement verbal atteint son paroxysme, comme il y a quelques jours entre M. Benkirane et le président de la Chambre des représentants, Rachid Talbi Alami. C’est dire à quel point les discours exprimés ont pris une forme «excessive» de violence verbale. C’est vrai que la politique est connue pour être un combat mais cela doit avoir lieu sans recours à l’injure. Dès lors, selon les spécialistes de la sociologie politique, la disqualification de l’adversaire, y compris dans ses formes brutales, peut être présentée comme une «règle du jeu politique», à laquelle il serait naïf de vouloir échapper. Cependant, la nature du discours utilisé par les rivaux politiques verse parfois dans un discours «inapproprié».

«Ce phénomène s’est fortement répandu sur la scène politique marocaine, plus particulièrement avec le retour du chef du PJD, Abdelilah Benkirane, connu par son approche populiste. Cette situation révèle la face perverse du discours politique partisan, notamment au niveau des leaders des formations politiques. Ceci exprime aussi le volet morbide de l’action partisane, en l’absence de partis ayant des programmes qui mettent dans leurs priorités les intérêts des citoyens et l’objectif d’exprimer et défendre leurs préoccupations», regrette le spécialiste de l’analyse du discours politique Othman Ziani, auteur du livre «Le discours politique au Maroc, entre lapsus et dérapage de la rhétorique». Ainsi, selon lui, le recours à la violence verbale est utilisé de la part des leaders politiques pour pallier l’inaptitude de leurs formations politiques à agir sur la scène politique à travers des actions concrètes. «Au lieu d’agir selon une certaine idéologie à porter et de mener un plaidoyer politique sérieux, l’on tend plus vers l’utilisation d’expressions et de propos impolis, manquant de respect à l’adversaire politique. Ce qui fait que la compétition politique se transforme en spectacle dans le sens théâtral. Une orientation qui accentue le désintérêt pour les organisations politiques», commente le spécialiste du discours politique. Ainsi, Othman Ziani fait la différence entre les interactions verbales, où l’on peut observer de simples phénomènes de montée des tensions qui relèvent d’une argumentation respectueuse de l’adversaire et ceux qui appartiennent au registre de la violence verbale. Il rejette le recours à l’injure et à la violence verbale, même si cela est considéré comme licite par les acteurs politiques, dans un contexte d’intensification des tensions politiques (ce qui est courant lors des campagnes électorales). Il estime que les modèles de l’exercice de la parole qui sous-tendent les débats publics doivent rester respectueux. Il appelle ainsi les leaders politiques à être à la hauteur des défis et des ambitions démocratiques et à «rationaliser leur discours partisan qui doit s’atteler, avant tout, à convaincre les citoyens selon des techniques argumentaires correctes, au lieu de recourir à l’injure et à la diffamation», préconise-t-il.

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