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Scènes de «vapotage» dans les séries télévisées : la toile s'indigne, voici l’avis des experts

​Des séries marocaines diffusées en ce mois de Ramadan suscitent la polémique sur la toile. En montrant des jeunes tirant goulûment sur leurs cigarettes électroniques, elles ont poussé beaucoup d’internautes à exprimer leur indignation. Ces derniers estiment que de telles scènes banalisent voire encouragent le «vapotage». Contactés par le Matin, les spécialistes sont divisés. Certains voient que de telles réactions sur la toile sont compréhensibles puisqu’elles reflètent l’inquiétude des parents alors que d’autres les jugent exagérées puisqu’elles cachent des motivations inavouées en relation avec la place de la femme dans la société.

Scènes de «vapotage» dans les séries télévisées : la toile s'indigne, voici l’avis des experts
«Si ces scènes ont créé une telle réaction, c’est surtout parce qu’il s’agit de femmes et non pas d’hommes», estime Ahmed Al Motamassik.

Abstraction faite de leur qualité artistique, des séries marocaines diffusées sur les chaines TV pendant ce mois de Ramadan ont eu le don de susciter la polémique sur les réseaux sociaux. Et pour cause, des scènes jugées inadaptées à un public jeune. C’est le cas notamment de passages répétitifs montrant des acteurs tirant ostentatoirement sur leurs cigarettes électroniques. Les internautes en colère estiment que de telles scènes banalisent cette pratiques malsaine et pourraient ainsi avoir une influence négative sur les enfants et les adolescents. Contactée par «Le Matin», Leila Naim, docteure en psychologie du comportement, affirme que l’inquiétude des parents est justifiée et que la diffusion de ces scènes sur les chaînes de télévision marocaine est risquée car pouvant conduire nos jeunes à une normalisation avec le phénomène de la cigarette électronique. «Les jeunes qui regardent des acteurs et des célébrités fumant des cigarettes électroniques risquent de finir par considérer ce phénomène comme étant normal. L’image est alors gravée dans leur cerveau et deviennent ainsi plus susceptibles de se mettre au tabac», alerte-t-elle.

Pour Ahmed Al Motamassik, sociologue, professeur et consultant en entreprises, la crainte des parents par rapport au risque de ce phénomène n’a pas vraiment lieu d’être. «Les enfants et les jeunes disposent aujourd’hui des smartphones et sont, par conséquent, exposés à des scènes encore plus dangereuses», note-t-il. De même, ajoute l’expert, les jeunes voient déjà dans la rue des personnes fumant ce type de cigarettes. Pour lui, l’idéal dans ce contexte serait d’opter pour la communication avec les enfants. «Il est important d’expliquer aux enfants les dangers des cigarettes électroniques et leur impact sur la santé, au lieu de chercher, coûte que coûte, à stopper ces séries qui ne font que refléter ce qui se passe dans la réalité», précise-t-il. En revanche, le sociologue tient à souligner que si ces scènes ont créé une telle réaction c’est surtout parce qu’il s’agit de femmes et non pas d’hommes. «D’ailleurs, si on avait montré des hommes en train de fumer ce type de cigarettes, ça aurait passé inaperçu», explique-t-il. Et d’ajouter qu’à chaque fois qu’il s’agit de femmes, on commence à parler de valeurs et cela nous interpelle sur les inégalités sociales qui persistent dans notre société. 

Quelle que soit la raison de la colère, le danger de la cigarette électronique est sûr !

La colère des internautes est justifiée aussi, d’après leurs postes sur Facebook, par le fait que ces séries sont diffusées au moment où toute la famille, y compris les enfants, est réunie autour de la table du ftour. «C’est honteux de voir ces scènes en famille», regrette Amina, une maman de deux filles. Cette dernière indique ainsi que cela complique davantage la mission aux parents qui militent jours et nuits pour protéger leurs enfants contre la tendance de la e-cigarette. Une tendance qui s’installe de plus en plus dans les lycées et les universités. De l’avis de Abdelouahed Ziat, président du Réseau marocain de la coalition civique des jeunes, la diffusion de ces scènes pendant les horaires du Ramadan est une commercialisation en bonne et due forme pour ces produits dans une tentative d’augmenter le nombre des consommateurs, particulièrement parmi les jeunes et les adolescents. Pourtant, le danger de ces produits n’est plus à démontrer.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait déconseillé formellement l’usage de la cigarette électronique pour ses effets indésirables et nocifs liés au développement cérébral de cette tranche d’âge. Une position qu’a confortée Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, qui rappelle que les conséquences de l’e-cigarette sur le développement, notamment celui cérébral des moins de 25 ans, sont réelles et sérieuses. «Si chez les adultes, les effets de la cigarette électronique sont néfastes d’une manière proportionnelle, chez les enfants en cours de croissance, cette pratique aurait un effet exponentiel sur leur santé», explique t-il. Face à ces constats, Abdelouahed Ziat estime qu’il est impossible de garder le silence sur ce danger qui se propage et qui menace sérieusement la santé de nos enfants. Poussant la réflexion un peu plus loin, le président du Réseau marocain de la coalition civique des jeunes indique que «l’usage croissant de la cigarette électronique soulève des questions sur son entrée sur le territoire et requiert un renforcement du contrôle par toutes les institutions compétentes». Pour lui, le ministère de la Santé et de la protection sociale doit intervenir de toute urgence pour donner des avertissements à ce sujet tout en coordonnant avec les secteurs gouvernementaux afin de donner à ce dossier toute son importance. «Il est temps d’agir, car c’est de la santé de nos enfants et de nos jeunes qu’il s’agit», alerte-t-il.

Et de noter que le Réseau marocain de l’Alliance civile de la jeunesse a présenté ses avertissements sur ce dossier et utilisera les moyens de plaider par écrit auprès de plusieurs départements concernés, dont le ministère de la Santé et de la protection sociale et celui des Finances en vertu de sa tutelle sur le l’Administration générale des douanes. «À propos de la médiatisation de la cigarette électronique à travers les films, le Réseau s’apprête à contacter le ministère de la Culture, de la jeunesse et de la communication et celui de l’Éducation nationale. Ces deux ministères doivent intervenir pour protéger les jeunes contre la consommation de cigarettes électroniques en raison de leur scolarité», note-t-il. Soulignons, par ailleurs, que l’engouement pour la cigarette électronique chez les ados trouve ses fondements, selon des spécialistes, dans les caractéristiques intrinsèques de celle-ci, étant à base d’accessoires de vapotage facilement maniables et très attrayants pour les consommateurs mêlés à un dispositif opérationnel permettant de fumer en mode «high-tech», et ce comparativement à d’autres modes existants, notamment la cigarette classique. De même, leur prix d’achat reste très abordable, pratiquement un paquet de cigarettes classique est deux fois plus cher qu’une cartouche de nicotine.

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