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Après la déclaration du Premier ministre au Parlement: alternance consensuelle ou urgence des réformes

On a suivi avec beaucoup d'attention le discours de M. Youssoufi devant la Chambre des représentants. Les réactions fusent déjà avant même les débats intra muros prévus en début de semaine. L'intensité s'explique certainement par le fait que c'est la prem

Après la déclaration du Premier ministre au Parlement: alternance consensuelle ou urgence des réformes
Or, il faut rappeler, à l'heure des bilans, que la caractéristique du gouvernement Youssoufi est justement que celui-ci soit issu d'une «alternance consensuelle» ayant pour mission essentielle de mettre en place les conditions du passage à la démocratie tout en assurant la gestion des portefeuilles dont il a eu directement la charge. Il y a là au nom de l'approche consensuelle choisie entre protagonistes politiques (dès la phase de «préalternance» 1995-97) et non seulement comme résultats arithmétique des élection de 1997, la coexistence entre la règle et l'exception dont une évaluation objective ne peut se départir. La règle étant de s'en remettre à des canons usuels d'évaluation d'une politique programmée par un gouvernement comme si l'alternance politique faisait partie des mœurs constitutionnelles au concret : les secteurs sont à passer au crible pour dresser le bilan selon un inventaire précis. Même en admettant cette règle canonique, il faut se rappeler qu'à la veille des élections de 1997 et sous la houlette des «technocrates», aucun bilan exhaustif convaincant n'a été réellement établi sous le label gouvernemental. Au contraire, le rapport de la Banque mondiale publié en l'été 1995 comportait la demande Royale elle-même et il peut être considéré comme exceptionnel.
En tout état de cause, d'où commencerait l'inventaire duquel on peut considérer la politique «Youssoufi» comme le départ pour accepter aujourd'hui un bilan ?
Si l'on acceptait que les principes comptables universellement appliqués pour l'entreprise soient admis pour les gouvernements, il faudrait pour nos gouvernements une véritable normalisation comptable pour parler de bilan !
La situation dans la phase de préalternance était difficile voire affirmant des symptômes de tendance sévèrement dangereuse et la formule de «crise cardiaque» n'était point exagérée. On ne pensait plus ces moments à un check-up des temps normaux, celui de la règle du contrôle de santé régulière sans alerte, mais à mobiliser toute la connaissance médicale pour l'urgence vitale.
C'est donc trop tarder sur les calculettes que de «pinailler» sur les détails sectoriels. Ceux-ci sont certes essentiels car pour les exigences du «quotidien des Marocains», pour celles d'un «ici et maintenant», on trouvera toujours les carences notoires du sous-développement (en matières d'enseignement, de santé, de protection sociale etc.) et le bilan consisterait à voir celui-là depuis 1956 si toutefois l'enjeu se situe, tel qu'il est encore véhiculé par les média, au plan des idéologies partisanes (l'idéologie est loin d'avoir eu une fin ici selon la dichotomie de la guerre froide).
Cette évaluation selon la règle est possible et l'on reviendra à son appréciation en tant que travail politique dans une conjoncture précise et datée au sens de la «responsabilité gouvernementale stricto sensu.
L'exception consiste à considérer que la phase 1998-2002 constitue une transition dans la transition vers la démocratie, un maillon dont le consensus général (Royal, partisan et de l'opinion nationale voire internationale pour la question des droits de l'Homme) a fait des gouvernements Youssoufi (I et II) un instrument de la réforme globale afin de redresser la situation jugée avant et jusqu'aux élections de 1997 comme particulièrement préoccupante sur tous les plans. Le bilan critique consisterait à juger la phase 98-02 davantage en tant que période de définition, d'élaboration et de conduite des réformes que celle de la gestion purement sectorielle. La réforme globale, consensuellement assumée, a-t-elle été bien identifiée, bien définie et élaborée puis remise adéquatement sur le chemin de la production des normes selon des usages nouveaux qui aient rompu avec les pratiques dénoncées comme discrètes ?
Cette approche entre règle et exception dans l'évaluation de l'action gouvernementale se situe d'abord sur le temps politique qui touche le facteur déterminant qui veuille dans l'imaginaire collectif qu'aux années de l'alternance consensuelle corresponde (au sens mathématique) la réforme idoine, rêvée, ficelée et concrète. On affabulerait ainsi une transition d'une responsabilité des temps normaux, dans la foulée d'un temps continu alors que l'avènement de l'alternance est voulue justement comme rupture.
Les premiers échos immédiats de ce «discours-bilan» du 1er août tel que les comptes-rendus factuels les ont bien décrits reflètent des réactions à chauds de partis se définissant déjà dans les couloirs de la compétition de septembre et il est difficile de les accréditer d'une vision qui reprend le temps à ces moments où la réforme se définissait et s'interprétait comme ouverture béante pour tous. Il faut objectivement écouter davantage d'arguties ce lundi pour faire la part des choses et mesurer les hiatus.
Si dans un strict point de vue de professionnels politiques (partis) il faille mesurer l'action gouvernementale (1998-2002) en tant qu'œuvre du métier politique, il est possible d'interroger les composantes des gouvernements Youssoufi selon quatre axes : ont-elles plaidé suffisamment la réforme globale avec toute la précaution possible ?
Ont-elles réellement favorisé la participation au processus décisionnel tant dans le rôle d'initiative que de direction du processus (sachant que le nœud gordien et là et les blocages souvent invoqués le concerne) ?
Ont-elles endossé des décisions, les plus déterminantes dans les réformes ou se sont-elles contentées de mesures dilatoires ou de faux-fuyants ? 0nt-elles enfin pu contrôler le processus de réforme sachant bien que la gouvernance exige ce contrôle (et l'opposition relève de cette fonction «externe» par le jeu au sein des Chambres) ?
Aucune généralisation n'est permise dans l'évaluation de cette quadruple fonction du métier politique devenu plus en vue depuis l'alternance consensuelle : plaider, participer, endosser et contrôler. Il faudra davantage d'études pluridisciplinaires sur le terrain selon l'approche stratégique (Crotier et Fiedberg) plutôt que de s'en remettre à des visions d'»entrepreneurs indépendants» selon la formule de Weber.
Mais les deux visages de l'action politique n'ont jamais été plus saillants qu'en cette phase d'alternance consensuelle et en tant que «transition-test».
Nous persistons à le croire sur la base du postulat que tout système de gouvernement a besoin, pour se pérenniser, de mobiliser des soutiens; ce qui suppose qu'il satisfasse un minimum d'attentes ou d'exigences. En démocratie, c'est la légitimité qui renforce la position d'un tel gouvernement.
Le propre de la phase d'alternance consensuelle est de ce point de vue qu'elle a été porteuse de sens on ayant tracé un «horizon des attentes», mobilisé des soutiens sur la base d'un renouveau jamais constaté depuis au moins quelques décennies. Que les attentes aient été partiellement ou totalement déçues, cela relève justement d'une dynamique de l'alternance réelle à construire.
L'action politique étant ainsi orientée vers l'objectif d'offrir des satisfactions à des groupes plus ou moins circonscrits et à l'ensemble du système social, il est difficile dans cette phase de construction de l'alternance réelle de savoir qui parle réellement au nom de ces groupes à partir du moment où la légitimité est elle-même à refaire côté partis politiques en tant que tenant lieu au niveau de la représentation politique.
Comment, dans cette démarche évaluative de l'exception, faut-il définir le concept de “satisfaction» pourtant central dans le bilan et ses critiques ?
Il est utile de partir de formulations aussi banales que possibles d'un mécontentement constaté (réellement profond ou artificiellement entretenu) dans des affirmations du type : “le gouvernement ne fait rien contre le chômage», ou encore “la fiscalité est lourde…», on peut déceler des messages (encore faut-il supposer une opinion publique “groupale» structurée).
Les gouvernements Youssoufi ont sur cette base, mené une politique qui propose des “satisfactions» et donc ont cherché ainsi à réduire l'écart entre les perceptions négatives d'une situation (celle antérieure à 1998) et les espérances d'amélioration perçues comme légitimes.
Deux voies mènent à percevoir si cet écart a été bel et bien réduit ou non : concevoir l'action politique à la fois comme travail sur les situations concrètes et en tant que travail sur les représentations du réel. La première se ramène à évaluer la gestion d'un court terme (comme si le temps normal d'une démocratie a déjà eu lieu au plan financier et économique, au plan social, etc.) alors que la seconde est justement la mission profonde d'une réforme qui se refuse au court terme car les représentations sont flexibles car elles relèvent plus des croyances.
Or, entre l'analyse de la règle (gestion) plus comptable et celle plus profonde de l'exception (réforme globale profonde aux impacts futurs), il y a déjà la mesure qu'impose l'objectivité. L'avenir ne doit en aucun cas se nourrir des ambivalences qui motivent les critiques. L'alternance consensuelle en tant que transition dans la transition vers la démocratie mérite une évaluation plus rationnelle selon le temps de la longue période et loin des tiraillements des chapelles parce qu'elle est justement une œuvre consensuelle.
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