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Communication politique au Maroc: de la difficulté à être audible

Dans le champ politique, les phénomènes observés semblent, dans une large mesure, relever les faits de langage. Le chercheur a ainsi le sentiment que la quasi-totalité des matériaux qu'il traite participent de l'univers des signes et des symboles ; plus g

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Comment s'en étonner ? L'action politique elle-même semble en effet avoir pour objet la production de langages et de symboles : les textes juridiques, les décisions et les ordres, mais aussi les discours, les plans, les notions, les programmes et les cérémonies.
Pour autant, cela ne signifie pas que la politique puisse être réduite à des phénomènes symboliques, ni que l'on soit condamné à avoir recours au concept de violence symbolique. Tout pouvoir peut être, à certaines échéances, contraint à rendre des comptes, mais même dans ce cas de figure, la communication politique a sa place, elle est même incontournable, plus encore dans les situations de crise...
Cela dit, que faut-il entendre, pour commencer, par la notion de communication politique ? Celle-ci a pour objet la gestion rationnelle de certains instruments mis au service d'un candidat ou d'un parti au service d'une cause ou d'un programme. Ce n'est pas que du marketing politique visant seulement à toucher le maximum de personnes dans le minimum de temps ; ce n'est pas non plus de la persuasion politique réduite à une chasse aux électeurs ; elle est beaucoup plus que cela en ce sens qu'elle se propose de sous-tendre, d'accompagner et de promouvoir une démarche fondamentalement politique. Les images, la musique, les objets, l'uniforme, les emblèmes, le vêtement, etc., autant de produits en relation avec l'activité humaine qui peuvent être repris et valorisés par l'action politique.
S'agissant du Maroc, où en est la communication politique ?
Existe-t-elle ? Présente-t-elle des formes particulières ? A-t-elle réellement un impact ? C'est à ces questions, parmi tant d'autres qui seront certainement soulevées ici, que je voudrais apporter un certain nombre d'éléments de réflexion.
Quel est le cadre d'action de la communication politique?
Il s'agit, évidemment, de cerner le champ d'action de la communication politique ; en d'autres termes, qu'elle est l'articulation du terrain politique - assimilé de plus en plus au marché économique-, ce qui commande que l'on identifie les forces qui s'y déploient ainsi que les partenaires et les concurrents qui s'y affrontent. D'une autre manière, on dira que le marché politique se compose de plusieurs éléments structurants : un électorat, une concurrence, des partis, des forces sociales, des lobbies, etc. L'objectif de la communication politique est connu : se fixer comme objectif le site du pouvoir tel qu'il est organisé - gouvernement, parlement, mandats électifs locaux-
Comme pratiquement partout ailleurs, le marché politique au Maroc n'est pas livré à lui-même, de manière pourrait-on dire «sauvage». Bien au contraire, il se fonde et s'articule sur des contraintes institutionnelles qui le façonnent : mode de scrutin, découpage électoral, financement.... Il est également marqué par ce que l'on appellera le contexte sociologique des médias et de la communication de masse.
L'indépendance des médias est naturellement décisive pour pouvoir faire prévaloir le pluralisme et la compétition, faute de quoi la communication politique restera limitée, biaisée, corsetée par des contraintes relatives à l'information d'Etat. Le contrôle de l'Etat sur les deux chaînes de télévision, suivant des modalités propres à chacune d'elles, est-il vraiment une garantie de l'objectivité des information qui y sont diffusées et un gage conséquent de représentation équitable des principales tendances de pensée et d'opinion ? Encore faut-il peut-être ne pas majorer les pouvoirs d'influence des mass média et de la communication dans le champ politique.
La communication politique et des limites
On admet aujourd'hui que la communication politique n'est pas «l'arme absolue» que certains croyaient dans les années soixante et soixante-dix par exemple. Les recherches sociologiques et politiques récentes ont ainsi recadré cette influence du fait de réalités plus complexes qui ne confortent pas certaines simplifications sommaires.
La communication politique, parce qu'elle s'appuie - à titre principal ?- sur les médias a pratiquement forgé les conditions même du débat politique au Maroc. Ainsi le phénomène de la personnalisation de la vie politique : n'a-t-il pas sans doute, été créé par les mass media, mais ils l'ont beaucoup amplifié. La télévision est incontestablement le support que doit privilégier aujourd'hui l'homme politique. La qualité de la protestation télévisée de l'homme politique est l'un des facteurs pouvant faire la différence entre les compétiteurs.
Se pose ici le problème bien connu de la télégénie : comment réussir sur le petit écran? Quelles sont les qualités nécessaires à cet égard ? Par-delà toutes les études les plus sophistiquées qui ont été menées dans ce domaine, on peut dégager quatre éléments:
- La chaleur humaine : elle est exprimée par la tonalité de la voix et les différents registres qu'elle emprunte ; par les plissements d'yeux : par le maintien; par un langage simple, accrocheur, sans affectation ni rôle de composition ;
- La conviction : elle ne peut être communiquée à l'auditoire que si l'orateur est lui-même persuadé que ce qu'il dit est significatif, intéressant et important. Elle doit traduire le fruit de sa propre réflexion, de ses sentiments et de son expérience.
Elle se sent et s'apprécie dans la pose de la tête, dans la voix et dans le regard ;
- La sincérité : elle, est mise en évidence par la spontanéité des réactions, la consistance et l'assurance des gestes et de la voix ; elle n'est pas liée à la qualité de l'argumentaire ni à sa richesse ;
- Enfin, l'intelligence se sent quand on parle d'expérience, selon ses propres observations ; elle n'est pas évidente quand l'on répète des formules toutes faites sur des généralités - elle est le parler vrai aussi et pas la «langue de bois»...
Il est bien connu, au Maroc, que la communication politique se heurte encore aux réticences des leaders et des politiciens eux-mêmes. Les cabinets de conseils en campagnes électorales n'ont pas été consultés à ce jour. A quoi est due cette situation ? Faut-il la mettre sur le compte d'une certaine rigidité qui veut que «la politique soit leur chose», qu'ils pensent y détenir un savoir-faire, une expertise qui les dispensent d'une assistance communicationnelle technique ? Force est de dire que les formations et les hommes politiques ne paraissent pas prêts à se laisser déposséder de leur pouvoir de décision en matière de communication.
C'est un tel état de fait qui explique sans doute que les partis politiques marocains aient aujourd'hui tant de difficultés à être audibles, avec des programmes lisibles.
L'évolution politique intervenue ces dernières années ne facilite pas les tâches de la communication telle qu'elle s'exprime dans le champ national. Sait-on vraiment qui est qui? et qui défend quoi? le gouvernement d'alternance, nommé en mars 1998, a été mis sur pied sur la base d'une formule majoritaire «plurielle» associant des partis de la Koutla (USFP, P.I., P.P.S.), des alliés progressistes (F.E.D., P.S.D) et deux formations issues des anciennes majorités (R.N.I., M.N.P.). De plus, il a adopté un programme de libéralisme social qui tourne le dos en particulier au projet socialiste défendu par l'U.S.F.P. durant les quatre décennies écoulées (nationalisation, planification, réforme agraire,…).
Dès lors, comment donner une identité bien forte à sa communication politique alors que les options et les priorités inscrites dans son programme sont largement partagées tant par ses propres composantes au gouvernement que par les partis de l'actuelle opposition (Wifaq, M.D.S., U.D.).
Pour employer le vocabulaire du marketing politique, comment vendre son produit dans le Maroc de 2002 et des années à venir? Ni les bonnes vieilles recettes de la démagogie ni celles de l'électoralisme ne peuvent dispenser nos partis politiques d'une nécessaire mise à niveau de leur conception de la communication politique ainsi que des conditions et modalités de sa mise en œuvre. Dans un marché politique quelque peu saturé par la prolifération des partis - nous en sommes aujourd'hui à 38 formation politiques reconnues - s'impose plus que jamais l'exigence pour chacune d'entre elles de faire entendre sa différence en direction des électeurs et des citoyens. C'est là, entre autres, le problème des moyens de la communication politique.
Les moyens de la communication politique
Il s'agit, sur la base d'un certain nombre de moyens, de définir la stratégie et l'image du candidat en fonction des aspirations de son plus important électorat potentiel. Ce type d'intervention implique certaines méthodes du marketing politique : le milieu, la situation économique de la circonscription, l'implantation des forces politiques, son tissu sociologique et culturel, … On ne communiquera pas de la même façon à Casablanca qu'à Guercif ou Larache; on ne mettra pas en avant un seul et même discours politique quels que soient les auditeurs; on n'utilisera par les mêmes moyens suivant les publics, les localités, le monde rural ou les milieux urbains.
Il reste que le dispositif à réaliser doit prévoir des «gadgets électoraux» de base que l'on peut énumérer comme suit :
- Affiches et affichettes;
- Portraits;
- Insignes de divers modèles;
- T. Shirts;
- Porte-clés et pin's;
- Stylos
Il doit également envisager un journal électoral qui doit présenter le candidat mais aussi son programme. Il s'agit de pénétrer dans les foyers, d'être lu, commenté aussi et surtout susciter des réponses. Il doit pouvoir éclairer les électeurs sur certaines questions: qui est le candidat? pourquoi se présente-t-il? pourquoi les habitants de la circonscription ont-ils intérêt à voter pour lui? Quel sera son rôle? Que propose-t-il pour l'avenir de la collectivité locale dont il brigue les suffrages?
C'est dire que la communication politique se doit d'identifier les véhicules pouvant optimiser l'objectif recherché qui est la promotion d'un candidat ou d'un parti. L'audience de la télévision permet d'accroître la notoriété d'un nouveau venu et de capitaliser les acquis de partis déjà existants. L'impact qualitatif et quantitatif de ce médium suscite la mise en scène du message et de l'image politique à la télévision peut être contre-productive et susciter ainsi des effets opposés aux objectifs visés.
La radio ne permet pas - comme la télévision - un modelage du candidat ou l'identification d'un programme d'un parti; mais elle est un support complémentaire: du fait de l'absence de l'image, l'attention de l'auditeur est monopolisée par le contenu du message oral. Il permet, plus que la télévision, d'aborder les problèmes de fond d'une façon plus vivante et rapide que la presse écrite.
L'affichage, lui, peut être officiel, commercial ou même «sauvage»: il nourrit une image, lui donne une visibilité répétitive - dans une société où le message doit être identifié, il garde son importance. A cela, il faut ajouter les tracts, les réunions publiques, les journaux électoraux, les graffiti, les fêtes, les manifestations sportives et culturelles, les spectacles, …
Deux autres outils de la communication politiques sont également à mettre en exergue: les relations publiques et le ciblage des leaders d'opinion. Les relations publiques élargies aux structures traditionnelles - associations, moussems, - … ont pour objectif de faire connaître un candidat ou un parti.
Quant aux leaders d'opinion - les «prescripteurs» comme les appelle la sociologie électorale - ils gardent une influence incontournable dans les cheminements et les processus de la communication politique. Il ne s'agit pas seulement de ceux qui ont un statut social ou économique traditionnel ou moderne-chefs de tribus, opérateurs économiques, notables, … - mais aussi de tous ceux qui peuvent être des relais utiles : coiffeurs, chauffeurs de taxi, patrons de café, enseignants,…
La communication politique en dernière analyse, est de plus en plus perçue par les acteurs comme nécessaire et utile.
Les partis ont besoin de mettre en avant une image rénovée et attractive de leur rôle dans la société politique. Une forte demande existe à cet égard dans de larges secteurs de l'opinion publique nationale: elle doit être satisfaite par une offre à la hauteur des exigences d'un Maroc moderne. La capacité de transmettre des messages et d'y réagir - car c'est cela, la communication politique est un vecteur de consolidation de la démocratie: elle permet au citoyen une perception sélective; elle assure une circulation plus grande et plus rapide de l'information entre les citoyens et les centres de décision; elle contribue au management des attitudes collectives par l'utilisation de symboles significatifs; enfin, elle permet l'expression de la politique ainsi que son déploiement au grand air, ce qui ne peut que renforcer la culture démocratique conforme au projet de société voulu par S.M. Mohammed VI et répondant aux aspirations du peuple marocain.
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