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Enquête : les libraires, des médiateurs peu communs

Porteurs de valeurs, les librairies ne font pas uniquement office de vendeurs de livres, mais leur rôle est encore plus noble. Elles ont une mission de service public, permettant aux écrivains en l'occurrence, de jouir de la reconnaissance du public, tout

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Libraire est le genre de métiers qu'il faut vraiment aimer pour l'exercer.
Bon nombre de librairies qui se trouvent essentiellement à Casablanca ne sont pas nées d'une volonté banale de faire fructifier un commerce. Mais, il y a toujours une histoire parfois passionnante qui pousse à l'éclosion. Mus par le désir de contribuer à la promotion du livre, et de la lecture dans notre espace socioculturel, certains prennent l'initiative par amour et donnent forme à leur rêve. Ainsi, Carrefour des livres, une librairie très prisée par les casablancais a vu le jour. Dès le départ, cet endroit a délimité le cercle de son champ d'action, et s'est spécialisé uniquement dans la vente des livres à connotation littéraire, refusant tout bonnement de se lancer dans la vente du livre scolaire. Non pas par dédain pour ce dernier, mais comme nous l'affirme une responsable dans la librairie, « toutes les librairies de la place s'adonnent à cette démarche. Il fallait sortir du lot », affirme-t-elle, et prendre une autre orientation, censée promouvoir le livre, tout en espérant que l'achat d'un livre devienne un jour une dépense utile, voir indispensable dans nos foyers. En effet, depuis quelques mois on ressent une « stimulation positive auprès du lectorat national », explique-t-elle. Ce sont les best-sellers étrangers traduits en Français qui sont les plus demandés, et c'est la frange d'intellectuels en l'occurrence qui s'intéressent aux ouvrages politiques et économiques provenant essentiellement de l'étranger. Et comme le coût de la livre n'est plus une raison valable pour se désister de la lecture, le livre en poche a rendu plusieurs personnes heureuses.
Son bas prix a permis aux adeptes de la lecture de s'offrir les titres les plus alléchants en format de poche, et à petit prix de surcroît.
Cela dit, il ne faut pas omettre de souligner que la communauté française constitue une clientèle fidèle, puisqu'elle est continuellement à l'affût du nouveau.. En termes de rentabilité, contrairement à ce que l'on pense, gérer une librairie n'est pas une aubaine. La responsable de la librairie nous assure qu'elle permet de faire vivre à l'aise, payer ses impôts, ses fonctionnaires sans plus.

Lieu d'échanges

Il suffit de faire un tour en ville pour se rendre compte de deux choses. La première est que nos librairies sont polyvalentes et s'adonnent à la vente de livres allant de l'art culinaire jusqu'à ceux qui évoquent les thèmes scientifiques, économiques, politiques ou littéraires les plus complexes. La seconde, les librairies vont plus loin, et transforment leur endroit, ne serait-ce que l'espace d'un moment, en un forum de réflexion et d'échanges. Combien d'écrivains de tendances diverses ont vu leurs œuvres être certifiées, et même s'épanouir dans l'enceinte des librairies. Une animation constructive certes, dont le but est de faire promouvoir les œuvres de nos écrivains d'un côté, et de raviver la vie culturelle d'un autre côté.
Et puisque nous évoquons la vie des librairies dans notre vie, il est opportun de dire qu'il y a deux genres de librairies. Il y a celles qui sont spécialisées dans la vente du livre francophone Et nous avions cité au-dessus à la fois le profil des lecteurs et le parcours de ces espaces qui contribuent à l'enrichissement et à la valorisation de la culture.
L'autre genre, ce sont certaines librairies spécialisées dans la vente du livre arabophone qui semblent faire des ravages essentiellement sur le plan des chiffres de vente. La raison de cet apanage est l'apparition d'une certaine catégorie de lectorat qui trouve refuge et soulagement dans les ouvrages qui parlent des « souffrances de l'après-mort », des « dialogues entre les humains et les Djinns », des châtiments qu'attendent les mauvais musulmans. Ces livres qui véhiculent une vision profondément obscurantiste de l'Islam, sont vendus comme des petits-pains à quelques dirhams dans certaines librairies du quartier des Habous. Ils trouvent facilement acheteur même dans les foires organisées occasionnellement. Il est clair que les éditeurs et écrivains de genre de publications exercent de grandes forces de manipulation sur la population obnubilée par des lectures qui donnent de très mauvaises interprétations de l'Islam. Cela dit, ce n'est pas parce que ces ouvrages ont touché un grand nombre de lecteurs que les publications arabophones sérieuses sont laissées pour compte.
Au contraire, explique un promoteur du livre arabe, personne ni rien ne peuvent faire détrôner la vente des grands classiques arabes ou marocains comme Najib Mahfoud, Taoufik Al Hakim, Mustapha Akkad, Abdelah Aroui, Abd Jabri, Zafzaf, qui demeurent très prisées. La notoriété est un indicateur fort qui révèle le talent des auteurs, c'est pourquoi, ajoute le libraire, le lecteur arabophone marocain refuse d'être en déphasage avec l'actualité, et suit systématiquement la trace de toutes les nouveautés des auteurs célèbres. marocains ou arabes. Quant à la place accordée à la lecture dans ces espaces, les avis divergent. Certains disent que le lectorat arabophone domine inévitablement le marché, tandis que d'autres reprochent à celui-ci son manque de culture pour la lecture. Et que la cherté du livre n'est qu'un prétexte, du moment que le prix moyen du livre français est entre 60 et 65 dhs, alors que le livre arabe est moins cher avec 30 à 35 dhs comme prix moyen.
Ce phénomène du désintérêt de la lecture, expliquent les pédagogues, est encouragé même par les systèmes scolaires publiques qui ne donnent pas suffisamment de lecture à faire en dehors du cursus scolaire. A un moment où la mission française submerge leurs étudiants de lecture, suivie d'élaboration de résumé qui leur permet, à la fin, de leur vie estudiantine de maîtriser l'art de l'écriture tout en cultivant un amour éternel pour la lecture.
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