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Média: la presse en retrait

On a souvent souligné que, depuis quelques années, le monde assiste à un développement sans précédent de l'univers de l'information et que cette augmentation est en partie le résultat d'un effet mécanique.
En effet, c'est toute la sphère médiatique qui

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Dans ce secteur, les lancements de nouveaux quotidiens ou hebdomadaires sont lents et les ventes relativement stables. En revanche, les secteurs de l'audiovisuel (radio et télévision) et, ces dernières années plus particulièrement, de l'information en ligne (Internet) manifestent une vitalité exceptionnelle.
Boom de l'information donc, sa mondialisation comme artefact culturel qui se manifeste davantage par l'information en direct, en continu et qui, par ses flux, impose la redéfinition de l'information comme genre en raison de cette planétarisation. Il faut penser à CNN pour méditer cette phase et l'interaction qu'il crée - sinon la pression - sur le monde. Une «nouvelle mondialisée» pourrait être définie ainsi comme une nouvelle, quel que soit son contenu qui est construite depuis sa conception en vue d'une diffusion et d'une consommation internationales.
Or, jusqu'à présent, aucun type d'information n'avait cherché à réunir les trois paramètres de l'intérêt (et donc de la pertinence), de la diffusion et de la réception internationales.
Il existe des nouvelles d'importance internationale qui s'adressent au public national : cas de la section «Internationale» dans «Le Matin du Sahara et du Maghreb». Il existe des nouvelles, plus ou moins internationales qui sont diffusées sur une aire géographique internationale (cas de la traduction arabe du «Monde diplomatique», des radios BBC World Service et des agences de presse…).
Cette caractéristique a d'importantes conséquences parce qu'elle conditionne directement tant la fabrication que les modalités de réception de l'information, car disposer d'une représentation de l'audience est une condition nécessaire pour que l'appareil productif d'un média puisse fabriquer des nouvelles sur la base des quatre paramètres : seuil qui définit la mesure (thresold) d'un événement; l'absence d'ambiguïté (unambiguity) qui définit la clarté de l'événement, le caractère significatif (meaningfulness) mesurant la proximité culturelle de l'événement et, enfin, le caractère inattendu de l'événement (unexpectedness).
Cependant, c'est le dispositif énonciateur de la nouvelle qui est important dans ce processus et qui permet à la nouvelle de prendre corps de l'intérieur. Autrement dit, toute nouvelle inclut constitutivement un point de vue sans lequel elle ne peut être ni conçue ni, a fortiori, être diffusée et reçue. La signification est au centre de ce procès, ce qui pose problème de l'homogénéité des récepteurs dans la phase planétaire, mondialisée à ambition “universaliste».
Une sémiotique et une pragmatique de l'information mondialisée sont à l'œuvre et le propos ici est d'en donner quelques traits les plus déroutants à travers des exemples récents tel celui du Moyen-Orient où l'information est aussi capitale que l'œuvre militaire israélienne ou les “efforts» diplomatiques.
On ne peut se détourner de constats aussi profonds dans des crises aussi graves de la scène internationale si l'on doit s'interroger sur le sens et le travail tout aussi dévastateur des valeurs dans l'injuste guerre faite aux Palestiniens. Fabriqué et émis, l'effet sémiotique tend de plus en plus à se métamorphoser dans le cadre de cette circulation tous azimuts de l'information mondialisée. Est-il recherché ? Il relèverait d'une maîtrise de la manipulation et l'on se trouverait face à un phénomène complexe dont il faut que tout récepteur prenne garde. Si la pertinence internationale d'un contenu d'une nouvelle n'est pas définissable en l'extrayant de son contexte énonciatif, il y a, à n'en point douter, nécessité d'ancrer le processus de fabrication de l'information dans au moins l'un des deux pôles de l'échange communicatif (émission et réception).
A propos de la “nouvelle mondialisée» dominante sur le Moyen-Orient de ces dernières semaines depuis l'offensive de Sharon avec ses déploiements militaires, ses oscillations diplomatiques, ses visages qui défient les us admis en matière de protection des civils et des lieux culturels et religieux, il est impossible de se désintéresser du travail complexe de l'intervention rédactionnelle émettrice de ces nouvelles (écrites ou visuelles) aux plans de monitorage, de la sélection et de l'assemblage.
Il est frappant d'y observer le fait que la signification des articles ou des commentaires considérablement modifiée sinon en criant décalage par rapport au réel de l'offensive sharonienne.
Les glissements de significations du texte sont liés en grande partie aux changements intervenus dans les conditions énonciatrices à chaque message.
Voulant éviter l'image à un public précis, ce qu'exige l'homogénéisation du “mondial», l'ancrage n'est plus de mise. L'enchaînement des nouvelles semble être un pur contenu sans détermination spatiale. Une véritable “feinte» à l'esprit critique est déployée. L'image des chaos qui avancent ou stationnent dans les villes palestiniennes, les soldats du Tsahal qui pointent leurs fusils sur un horizon vide sous le siège, les rues vidées… sont énonciatrices d'un contenu qui refuse de qualifier comme si la transmission live avait la primauté de la nouvelle sur son contenu sémantiquement qualifié.
On peut raisonner de la même manière sur les glissements sémantiques pernicieux qui accompagnent le dispositif des scènes dans l'écrit dominant : attentats terroristes (palestiniens) versus (représailles) même quand le nombre des victimes côté palestinien est plus élevé. Le “massacre» colle au sang sur l'asphalte à Haïfa alors qu'à Jénine, le refus de l'accès aux journalistes a justifié de qualifier et de s'en retenir à de vagues généralités : “Les chars de Sharon ont investi le camp des réfugiés de Jénine considéré comme le lieu où les terroristes entreposent leurs armes…». Généralité de concentration mais grave de conséquences.
Les nouvelles mondialisées de CNN semblent faire systématiquement appel à ce type de procédé pour pouvoir fonctionner, pour faire sens et se réfugient dans une sorte de condensation de l'information à l'état pur.
En recherchant à tout prix le contenu événementiel pur, l'information se dérobe ainsi de l'essentiel de ce qui légitime l'information. Le cas le plus expressif est cette désémentisation de la notion de “résistance» qu'impose pourtant la situation d'une population civile, occupée et placée dans une pression militaire indescriptible, car elle est surclassée par le glissement vers des stéréotypes sur les “massacres», les “attentats-suicide», le deuil des mères israéliennes… et qu'accompagne en sourdine la référence sournoise et insidieuse au 11 septembre en liant images des faits perpétrés et les “mouvances» islamistes palestiniennes.
Une “objectivité neutre des faits», à l'américaine, a été déjà testée lors de la Guerre du Golfe, et l'on sait que dans sa pragmatique revendiquée, elle cause des dégâts sémiotiques considérables que l'on ne peut exclure lors de l'analyse de l'entreprise CNN, par exemple, comme mission de légitimation d'un certain ordre que l'on refuse justement de nommer.
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